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Lorsqu'elle entra dans le vestibule de l'appartement, Lucie tendit l'oreille. Elle aurait souhaité que son colocataire soit absent pour reprendre tranquillement ses marques, seule. Mais une musique sur un fond de rock indie provenant de la cuisine lui indiqua le contraire. Déposant alors son sac à l'entrée, elle retira ses chaussures et s'avança prudemment dans le corridor. Lorsqu'elle franchit la porte de la cuisine, la première chose qu'elle vit fut un adolescent en transe en proie à des percussions frénétiques. Gesticulant en rythme, il se préparait son repas, des pâtes à vue d'oeil. Un déhanché par ci, un enchaînement par là, les bras n'étaient pas en reste. Sur le morceau psychédélique, son corps exultait, se libérait. C'est qu'il bougeait bien !

Lucie s'adossa au mur pour pleinement avoir le loisir de l'observer et regretta de ne pas avoir son téléphone à  portée de main. Il était si rare de voir Maël aussi déchaîné que cela lui fit esquisser un sourire goguenard. Puis cela se mua en un rire franc et sincère. Surpris, l'adolescent sursauta et tourna la tête vers une jeune femme qui se moquait de lui ostensiblement. Gêné et légèrement gauche, il se reprit aussitôt et baissa instinctivement le volume de la musique comme pour effacer la scène qui venait de se produire. Lucie le suivit du regard en gloussant, elle avait bien fait de rentrer car elle n'aurait raté cette danse pour rien au monde.

-Tu...hum tu rentres tôt.. , bredouilla-t-il.
-En effet, acquiesça-t-elle, mutine.

Elle pénétra dans la cuisine et avisa les pâtes sur le feu. À l'aide d'une spatule en bois, elle les remua et ouvrit la fenêtre pour éviter que la buée n'envahisse la pièce. D'un léger coup de hanche, il la bouscula gentiment sur le côté.

-Laisse, j'vais le faire.
-Ça ne me gêne pas, vraiment.
-Je sais, lui répondit-il en souriant.

Lucie se recula donc et resta ainsi à le scruter. Ses cheveux avaient-t-ils éclairci ou bien se faisait-elle des idées? D'ailleurs, n'avait-il pas un peu maigri? Maël secoua la tête en éteignant le gaz et se tourna vers elle :

-Oui, j'imagine que je suis toujours aussi beau.
-Je n'ai rien dit.
-Mais tu me regardes. Généralement, on regarde quelque chose de beau, non?

Et il haussa les sourcils, la défiant du regard. La passoire à la main, il ajouta, taquin:

-D'ailleurs je vais te taxer tous ces regards! Même dans un musée, on paye l'entrée.
-C'est faux! Protesta-t-elle, le sourire aux lèvres. Dans certains musées, c'est gratuit!
-Pas dans le mien, je fais parti d'une collection privée. Allez, j'suis clément :cinq euros la seconde, ça te va ?

La jeune femme lui tendit une assiette tandis qu'elle riait.

-Tu n'es  pas un bon négociateur, je pensais que tu serais plus avide.
-Avide? Murmura-t-il.

Lentement, il leva un regard vers elle.  Ses yeux, son visage et ses cheveux qui encadraient si bien ce minois... Le ventre de Lucie se contracta. Les yeux sombres de Maël brillaient d'une lueur rassurante et d'une profonde intensité.

-Oui.. avide.., répondit-elle hésitante.
-Faut que tu saches que j'prends pas l'argent des chômeurs.

Cette boutade permit à Lucie de reprendre contenance. Elle agrémenta son plat d'une pointe de ketchup et prit un air faussement désinvolte.

-Mouai.. J'ai un doute sur ta sincérité.
-J'parie que j'suis la personne la plus sincère que tu connaisses.
-Tu crois?
-J'en suis sûr.
-Prouve-le moi.

Délaissant son assiette, il la dévisagea, ne sachant quoi lui répondre.

-Qu'est-ce que tu veux dire par là? Dit-il.
-Es-tu sincère Maël?
-Toujours avec toi.
-Alors prouve-le.

Maël s'assit alors face à elle et posa son menton au creux de sa paume.

-Quand je suis avec toi, je suis toujours sincère Lucie.
-Ce ne sont que des paroles.
-Pourtant je n'ai que ça pour te le prouver. Peut être que si j'te disais que tu es une fille géniale, ça irait?

Lucie le fixait sans ciller.

-Et si j'te disais que t'es la meilleure chose qui me soit arrivée ces derniers mois?
-...

Le regard de Maël pétilla de malice et il se pencha légèrement en s'humectant les lèvres.

-Et si j'te disais que tu comptes vraiment beaucoup pour moi?
-Maël !
-Et si j'te disais que je tiens trop... à toi pour te laisser me fuir?
-Arrête s'il te plaît.
-Et si j'te disais que... que tu es mon premier amour?

Elle ne voulait absolument pas pleurer et dans un effort surhumain, elle se retint de justesse. Alors, il se pencha davantage et tout près d'elle, il lui murmura:

-Et si j'te disais... que t'as du ketchup sur le bout du nez, je serais sincère avec toi?
-Quoi ?

Ses joues s'empourprèrent et elle eut la furieuse envie de jurer. Mais bien vite, elle abandonna cette idée à la vue d'un Maël hilare ; son naturel la surprendra toujours.

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant