10. SEND ME HOME (PARTIE IX)

528 90 43
                                    

Je poussai un long soupir.

— Je suis tellement fatiguée, gémis-je en sentant les larmes couler de nouveau en silence. Vraiment, là, je crois que je suis à bout.

Wyatt attendit que je sois prête, patient comme à son habitude.

— Commence par le début, m'enjoignit-il doucement. Depuis que tu as quitté ce fichu hélicoptère pour rencontrer ces types.

— Ça remonte bien avant ça, en fait. Tu te souviens de la semaine qui a précédé cette journée ? Le soir où mon père t'a envoyé me chercher ?

Son regard s'alluma. À partir de là, je lui racontai en détail tout ce qu'il s'était passé depuis que j'avais fait la connaissance du fils de Stanton Connelly, jusqu'à la manière dont je l'avais trahi, en passant par le début de notre relation, les soirées clandestines organisées par la Résistance dont il avait remis en cause l'existence, l'épisode de la mort de Fox et Genesis, et les adieux que j'avais dû leur faire à peine quelques heures auparavant.

J'étais terrifiée à l'idée qu'il puisse me regarder différemment, comme Norin l'avait fait, mais une chose était certaine : si lui n'était pas en mesure de comprendre mes motivations, personne d'autre n'en serait capable et j'en serais quitte pour vivre comme une paria au sein des miens pour le reste de mes jours – si tant est qu'il m'en restait à vivre. Lorsque je refermai la bouche, mes lèvres ayant attrapé un goût salé, j'attendis son verdict, incertaine devant son expression figée.

— Viens par-là, lâcha-t-il en me prenant derechef dans ses bras.

Je me remis à sangloter de soulagement. Moi qui ne me considérais pourtant pas du genre pleurnicharde, j'avais plus lâché de lest ces deux derniers mois éloignée de mon père que dans toute une vie soumise à ses caprices et ses exigences. J'en avais assez de moi-même et de mes jérémiades, mais je n'arrivais pas à me contrôler, et quelque chose me disait que je n'étais pas au bout de mes peines.

— Comment tu as pu supporter tout ça sans en parler à personne ? se désola-t-il en me considérant avec pitié.

— J'avais tellement peur... des conséquences, soufflai-je entre deux respirations chaotiques. Et je me sentais tellement... je ne sais pas, sale. Tu ne le penses pas, même une toute petite part au fond de toi ?

— Penser quoi, Enji ?

— Que je suis une traînée, parvins-je à articuler.

Il me saisit fermement par le poignet.

— Je t'interdis de dire ça, tu m'entends ? me réprimanda-t-il sévèrement. Tu n'as pas le droit de penser ça, pas après tous les sacrifices que tu as fait ! Et s'il y en a un pour le penser, je lui casserai la gueule moi-même, d'accord ?

— Je te remercie, Ghost, mais...

— Pas de merci et pas de mais, rétorqua-t-il en prenant une inspiration bruyante. Ni l'un ni l'autre n'ont de raison d'être.

— Je te remercie, insistai-je, mais ce que j'ai fait à N.J.... Comprends qu'à sa place, tu ne m'aurais surement pas pardonnée, toi non plus.

— Écoute, Enji, je ne suis pas en train de dire que ce que tu as fait était bien, ni même que c'était nécessairement le bon choix. Mais justement, on ne peut même pas parler de choix ! Tu as pris la seule option que tu avais. En plus, avec la mort de Fox et de son frère, tu étais encore plus déstabilisée, ce qui est parfaitement logique. Et ce N.J., si j'en crois ce que tu me dis, a entendu ta version de l'histoire. Il aurait dû comprendre que c'était une décision de dernière minute, une décision désespérée.

— Je l'ai trahi, Wyatt, soulignai-je. Il m'aimait et je l'ai blessé. Ce n'est pas moi qui ai le beau rôle dans l'histoire. Tu dois comprendre que j'ai fait du mal autour de moi, à commencer par Fox.

— Enji ! s'agaça-t-il. Tu n'es pas responsable de sa mort ! Dans toute cette histoire, tout est la faute d'Adamson et tu devrais le savoir. Ton N.J. devrait le savoir aussi. Qu'il ait pu souffrir, je le comprends, crois-moi. Mais il n'a pas d'excuse pour t'avoir traitée de cette manière.

ENDLESS RAINWhere stories live. Discover now