5. ANOTHER ME (PARTIE VIII)

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Une fois seul, mon cerveau se mit à tourner à plein régime. J'allais devoir trouver un moyen de contourner l'accord que j'avais passé avec le général Adamson pour protéger mon petit frère. Il était désormais évident que je ne pourrais vivre cette vie aux côtés de Norin en devant constamment porter cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Je n'avais pas encore les bons mots pour définir ce qui nous unissait, mais une chose était certaine, lui et moi étions irrémédiablement liés, bien au-delà des limites prévues par ce foutu pacte.

Mais comment faire pour préserver Nate des retombées d'une quelconque rébellion de ma part ? Il fallait que je le mette à l'abri, mais par quel miracle aurais-je pu y arriver en sachant que j'étais désormais piégée sur le territoire de l'Union Bleue ? Quand bien même je serais parvenue à accorder ma confiance à quelqu'un dans les parages, je ne voyais pas bien comme cette personne aurait pu s'aventurer à Negendra et en faire sortir mon frère sans se faire repérer. Si seulement j'avais pu entrer en contact avec Ghost... Lui au moins aurait été en mesure de faire quelque chose pour nous.

Chaque chose en son temps, pensai-je. J'avais déjà pris la décision de revenir sur mon engagement et de ne pas laisser le système en place s'écrouler, ce qui n'était pas en soi une mince affaire. Peu importait comment mon père s'y prendrait par la suite pour détruire ce qui aurait été érigé avec tant de difficulté, j'aurais au final la certitude qu'il ne passerait pas par le biais de son souffre-douleur de fils pour ça. Et même si la vengeance qu'il me réserverait serait certainement terrible, j'aurais au moins une chance de tenir Nathan à distance de tout ça et de le protéger efficacement avec l'aide d'N.J.

Je comptais bien mettre celui-ci au courant de toute l'histoire, une fois que j'aurais récupéré mon petit frère auprès de moi. J'étais certaine qu'il serait à même de comprendre et de me pardonner d'avoir ne serait-ce qu'envisagé de mettre les projets de mon père à exécution, au moins durant les premiers temps.

Mais avant d'en arriver là, j'allais devoir sérieusement gamberger pour trouver une solution. J'ouvris le robinet et tempérai l'eau, nettoyant du mieux que je le pus les dernières traces de tourmente sur mon visage. Pourquoi tourner en rond alors que derrière cette porte m'attendait quelqu'un avec qui j'avais encore tout à construire ? Bien qu'un peu hésitante, je poussai le battant avec plus de confiance que je n'en avais ressentie depuis longtemps.

J'aperçus N.J. allongé sur le sol de la chambre et vis sa poitrine s'abaisser lentement au rythme de sa respiration. Je le rejoignis et m'installai à ses côtés, tête-bêche. Il enleva l'un des deux écouteurs glissés dans ses oreilles et le fis tourner dans sa main, réfléchissant visiblement à quelque chose qui m'échappait.

— Tu sais quoi ? finit-il par déclarer au bout d'un moment.

— Non, répondis-je du bout des lèvres.

— Tu devrais laisser les gens utiliser ton prénom en entier.

J'esquissai un sourire. C'était bien son genre d'éviter d'entrer dans les détails de ce qui qui nous dépassait tous les deux en évoquant un autre sujet – brûlant certes, mais neutre de toute allusion envers notre situation.

— Tu accordes un trop grand privilège à Adamson en le laissant détruire quelque chose d'aussi important pour toi.

— Je sais.

— Comment tu en es arrivée à le laisser faire ça ?

— C'est compliqué. À la base, mon père détestait l'idée d'avoir une fille. Ma mère voulait m'appeler Angel, et il se fichait plutôt pas mal de ce détail. La seule chose sur laquelle il a vraiment insisté, c'était sur l'orthographe – avec un E. C'est comme s'il voulait à tout prix que je porte un nom masculin et du coup, je le considère un peu comme sa création. C'est stupide, je sais.

— Tu es surtout unique en ton genre, et ton prénom ne fait pas exception, avança-t-il au bout d'une seconde. Ne le laisse pas te faire ça, d'accord ?

— J'essaierai d'y penser. Mais je me suis habituée à Enji, en fait...

— Moi aussi, reconnut-il avec un sourire dans la voix.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant