ENDLESS RAIN

1. UNDERWATER (PARTIE I)

— Ça y est, Enji, on est au-dessus de la zone libre.

Le bruit des pales de l'hélicoptère m'empêchèrent presque de l'entendre.

— Regardez-moi ça, marmonnai-je en balayant l'horizon aux contours flous. Bienvenue à Endless Rain.

Mon sarcasme échappa au pilote.

— On a placé les recharges d'oxygène dans la cabine téléphonique au pied de l'immeuble 12, m'informa-t-il en rapprochant prudemment l'appareil de la surface de l'eau.

Mon regard se porta sur le bâtiment en question, à moitié englouti par les eaux. Depuis ma naissance, je n'avais fait que traverser les mêmes paysages post-apocalyptiques, encore et encore. J'aurais presque pu trouver toute cette grisaille et cette humidité déprimantes si elles n'avaient pas été l'essence même de mon quotidien.

Près d'une trentaine d'années avant ma venue au monde, notre planète avait connu une dérivation de son orbite plus importante que les précédentes. Un aller-simple pour une destination de rêve plus proche du Soleil, et des dérives climatiques extrêmes à la clé.

Même si l'Arctique avait disparu depuis longtemps sans causer de dégâts excessifs, la fonte des banquises restantes n'avait pas exactement suivi le même chemin. L'inévitable montée des eaux avait commencé par ronger le bord des continents, avant que la dérivation orbitale de la Terre n'entraîne des chutes de météorites lourdes de conséquences. Les impacts avaient non seulement ravagé une partie des sols, mais également remué les fosses océaniques, au point de provoquer des tsunamis meurtriers.

La population ayant été avertie bien avant que ces différents phénomènes ne se produisent, certains grands esprits avaient eu l'idée d'ériger des enceintes englobant un certain nombre de grandes villes proches les unes des autres, espérant ainsi faire barrage à la spectaculaire et inéluctable montée des eaux. Une réserve en particulier, créée au centre du continent — ou du moins, de l'ex-continent – nord-américain s'était vue privilégiée par le sort, sa situation lui permettant d'affronter la dernière l'arrivée progressive des océans.

Le niveau de la mer avait graduellement cessé de monter, du moins, bien avant d'atteindre les hauteurs vertigineuses des murs en béton, censés protéger les habitants retranchés derrière. La pression phénoménale qu'exerçait ce trop-plein d'eau sur le tour du barrage n'avait certes pas réussi à faire céder celui-ci – conçu dès l'origine pour résister à bien davantage – mais s'était tout de même répercutée sur le climat déjà anormalement pluvieux.

Quasiment recouverte par les eaux, la Terre s'était déjà rapprochée de l'astre solaire au point de pratiquement causer la perte de sa population, et se trouvait plus que jamais sous le joug de l'évaporation de celles-ci et des précipitations incessantes qui en résultaient. Avec l'effort provoqué par cette pression intense, la réserve était devenue le point d'impact de tous les phénomènes météorologiques des environs.

La pluie excessive ne pouvant s'écouler en dehors du périmètre de ce barrage, celui-ci n'avait bientôt plus servi qu'à transformer cet endroit en une gigantesque baignoire. Grâce au réchauffement, cependant, l'évaporation permanente de l'eau n'avait pas permis à celle-ci de s'élever au-delà de la moitié des principaux bâtiments de cette île de béton.

C'était cette histoire, dans les grandes lignes, qui avait tenu lieu de conte de fées pour tous les gosses qui peuplaient cet endroit, moi la première. On m'avait bourré le crâne avec ce récit au goût de fin du monde, au point de m'en donner envie de vomir. Peu importait le passé, au fond. C'était si lointain, si distant... Je n'arrivais pas vraiment à me connecter avec ce « avant » dont on m'avait tant rebattu les oreilles. Tout ce que j'en connaissais, c'était le présent, et c'était déjà bien assez à supporter pour moi.

— Enji, reviens sur Terre, intervint le pilote au beau milieu de mes pensées. Ou du moins, sur ce qu'il en reste.

Media : Lost It All, Black Veil Brides.