8. I'LL BE DAMNED (PARTIE VII)

723 110 10
                                    

Le silence plana un bon moment. Je finis par me rallonger, gagnée par des frissons de mal-être. N.J. m'imita et reposa la tête sur son oreiller.

— Je peux te poser une question ?

— Vas-y, opinai-je avec lassitude.

Il se mordit les lèvres.

— Qu'est-ce que ton père... a fait des corps ?

Je me forçai à déglutir et lui répondis avec difficulté.

— Il les a laissés là où ils étaient. Je n'ai pas eu mon mot à dire.

Son expiration profonde étira le temps entre nous.

— Tu peux encore y remédier, souligna-t-il.

— Comment ça ?

— Ça ne sera sûrement pas facile pour toi, mais je crois que c'est à la fois une bonne façon de commencer ton deuil et de faire une dernière chose pour eux.

— Tu veux que je m'occupe des corps ? compris-je en écarquillant les yeux.

Il hocha imperceptiblement la tête, me laissant digérer l'idée.

— Sincèrement, je ne sais pas si je serais capable de retourner là-bas et de les regarder alors que...

Il posa sa main sur ma joue.

— Crois-moi, tu t'en voudras davantage si tu ne fais rien maintenant.

— Mais comment on va faire ? Je veux dire...

— Ne t'en fais pas pour ça, me rassura-t-il. Il suffit que je prenne deux ou trois gars de mon équipe avec nous. Et ne t'en fais, si je les choisis, c'est qu'ils sont dignes de confiance.

Ce fut à mon tour de hocher la tête, comme pour mieux accepter l'idée d'y remettre les pieds.

— Par contre... on ne va pas avoir d'autre choix que de prévenir la Résistance, lâcha-t-il en scrutant ma réaction.

— Pourquoi ? m'étonnai-je.

Il haïssait pourtant leurs agissements plus que tout !

— Réfléchis une seconde. Le frère de ton ami était l'un des leurs. Je peux t'assurer que ce n'est pas la densité de leur réseau qui les empêche de s'intéresser au moindre de leur membre qui pourrait disparaître. Je suis même certain que ce Genesis s'était assuré une sécurité, ne serait-ce que vis-à-vis de ta position familiale et du danger qu'elle impliquait nécessairement pour lui et pour les autres. Il t'a rendu service, mais certainement pas au détriment de sa propre sécurité – ça m'étonnerait qu'il se soit montré imprudent à ce point-là. Il aura donc certainement averti quelqu'un de son absence.

— Et ce quelqu'un risque de lancer l'alerte s'il ne revient pas, complétai-je en me mordant les lèvres.

— C'est ce que je crains. En plus, et je ne veux surtout pas que tu t'inquiètes, mais au vu de toutes leurs dernières actions en date, j'ai dans l'idée que la Résistance prépare un gros coup d'ici notre mariage. Ça va mal finir.

Curieusement, l'idée que des gens qui ne me connaissaient pas aient le projet de s'en prendre à ma vie ne m'inquiétait pas le moins du monde. En même temps, pourquoi se faire du souci en sachant que ce mariage n'aurait jamais lieu à cause de mon débile profond de père ?

— Ça pourrait les pousser à agir plus tôt s'ils commencent à foutre le bordel pour le retrouver. Alors que s'ils savent qu'il est mort et qu'on arrive à faire passer ça pour un conflit avec des soldats qui a mal tourné, comme ça a déjà été le cas par le passé, ils prendront peut-être leur mal en patience. Pour se venger avec le plus d'éclat possible.

Il secoua la tête en haussant les sourcils, comme si l'idée lui paraissait absurde.

— J'ai déjà gagné leur confiance en me faisant passer pour l'un d'entre eux, ce qui était plutôt simple, compte tenu du fait que personne ne connaît mon visage ni même mon nom. C'est peut-être la seule décision intelligente que mon père ait prise de toute son existence en ce qui me concerne. Et je compte bien profiter de cet avantage pour en savoir le plus possible et minimiser les dégâts.

Je me frottai les yeux.

— Ça ne me plaît pas, avouai-je. Mais tu as probablement raison, on n'a plus tellement le choix. Et puis, ce sera l'occasion de m'adresser à qui de droit.

Je m'interrompis en réalisant que j'avais prononcé la dernière phrase à voix haute. Certes, j'étais prête à recommencer à zéro en m'adressant à une bonne âme capable de transmettre un message – et seulement un message, cette fois – à Ghost, mais pas à mettre N.J. dans la confidence. Ce dernier fronça les sourcils.

— J'ai besoin de comprendre ce qui a poussé Genesis à se mêler à ces gens-là, mentis-je avec aplomb. Peut-être que leurs intentions ne sont pas toutes mauvaises. Peut-être que ce ne sont que des dissidents qui s'en sont pris à vous. Je sais que je ne devrais pas te dire ça alors que tu as perdu toi aussi des amis par leur faute, mais...

— Ça va, je t'assure, me calma-t-il en faisant descendre sa main le long de mon cou, avant de la poser sur mon épaule. Je comprends la démarche, et ça ne me dérange pas. Tant que tu me promets d'être prudente, je devrais pouvoir le supporter.

J'esquissai un sourire en réalisant que malgré la haine que ces gens lui inspiraient pour lui avoir pris des proches, il était capable de me considérer comme suffisamment forte et responsable pour ne pas m'empêcher d'aller au-devant d'eux. Et il ne semblait pas me juger. À mes yeux, on s'approchait dangereusement de la perfection. Je regrettais juste que le chemin que je partagerais à ses côtés doive être aussi court.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant