4. DISTURBIA (PARTIE VIII)

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Je le vis se tenir fugacement les côtes et compris qu'il était loin d'être encore remis.

— Enji, on se connaît pas bien tous les deux, voire même pas du tout, commença-t-il en me suivant malgré ma demande. Mais tu sembles quand même me considérer comme quelqu'un de « correct ». Si tu as besoin de parler, je suis capable de t'écouter sans aller répéter quoi que ce soit.

Je haussai les épaules en essuyant mes joues, très légèrement humides.

— En tout cas, tu semblais me faire suffisamment confiance pour te tourner vers moi, ce matin.

— Je te faisais confiance pour monter la garde, soulignai-je sur un ton agacé. Pas pour te raconter ma vie.

Il y eut une pause.

— C'est moi qui ai prévenu N.J. de l'endroit où tu serais.

Je ne voyais pas ce que ça venait faire là, mais cela suffit à raviver ma colère.

— Et tu voudrais que je me confie à toi ! raillai-je en poursuivant mon chemin d'un pas plus vif.

— Si je te dis ça, c'est uniquement pour me montrer parfaitement honnête avec toi, objecta-t-il. Tu veux bien t'arrêter une minute, qu'on puisse parler ?

C'était certainement la raison pour laquelle Norin l'avait laissé en arrière, l'obligeant à s'occuper de moi. Il n'était donc pas revenu assurer sa garde juste pour mes beaux yeux – je me disais aussi...

— Vous n'en avez pas marre de tous me donner des ordres ? répliquai-je du tac au tac en lui faisant finalement face.

— Dis-moi ce qui ne va pas, proposa-t-il pour éviter un débat.

— Tu y tiens tant que ça ? Alors, O.K. ! Si on prend les choses dans l'ordre : primo, je suis loin de chez moi. Deuxio, une partie de ma famille me manque. Atrocement. Tertio, je suis bien malgré moi liée à un mec que je ne connais pas et qui n'essaie même pas de faire le moindre effort pour rendre tout ça ne serait-ce qu'un tout petit peu plus vivable. Un mec qui préfère se barrer toute la journée et une bonne partie de la nuit pour aller faire je ne sais quoi, pour débusquer je ne sais qui, et qui me traite comme une gamine – encore pire que si je n'avais jamais quitté la maison de mon père. C'est le seul moyen que vous avez trouvé pour que je ne me sente pas dépaysée ? Parce que de ce côté-là, je m'en passerai, merci bien ! Sans compter que ça ne fait qu'une semaine que je suis ici et que je m'ennuie comme un rat mort !

Parson haussa les sourcils, un peu surpris par le flot de paroles que je venais de déverser. Quoi, il voulait de la discussion, non ? Il en avait.

— J'entends bien tes arguments, mais sérieux... tu trouves que tu t'ennuies ? Rien qu'aujourd'hui, tu t'es fait agressée – inutile de te rappeler que je n'ai pas été épargné au passage – et tu viens de survivre à l'explosion d'une bombe dans l'immeuble d'en face ! Et t'appelles ça de l'ennui ?

Son regard à la fois interloqué et ironique me fit relativiser un peu.

— Dis comme ça... admis-je en ne pouvant plus retenir une esquisse de sourire. Mais ça ne change rien aux faits.

— Je comprends ce que tu ressens. Vraiment, insista-t-il. Mais, en ce qui concerne N.J.... C'est vraiment quelqu'un de bien. Je sais qu'il paraît un peu dur comme ça, mais je confierais ma vie à ce gars-là.

Il changea d'appui et croisa les bras.

— Il est du genre à ne se confier qu'aux gens en qui il a foi. Et tu sais, avec la vie qu'il a vécu, la confiance, ça se mérite avec lui... J'imagine que ce n'est pas à toi que je vais apprendre ça.

— Non, c'est vrai, reconnus-je en me frottant le visage.

— Je ne sais pas si ça t'aide, mais c'est la vérité, en tout cas.

— T'inquiète, je te crois.

— Tu vois que tu me fais confiance, plaisanta-t-il en croisant les mains à l'arrière de sa tête, avant d'esquisser une grimace.

Je ne fis même pas l'effort de cacher mon sourire, cette fois.

— Compte là-dessus !

Il jeta machinalement un coup d'œil derrière lui.

— Tu peux y aller, tu sais.

— N.J. m'a demandé de veiller sur toi...

— Je suis capable de me débrouiller. Et ne t'en fais, je ne compte plus bouger de la chambre, ce soir. Pour de vrai.

Il hésita un instant avant de se décider.

— Ça va aller, cette nuit ?

— Pourquoi ça n'irait pas ? m'étonnai-je.

— N.J. risque de ne pas rentrer cette nuit, ni demain, risqua-t-il d'un air inquiet.

— C'est sûrement mieux comme ça, tu sais.

— Essaie quand même de lui parler quand il sera rentré, me conseilla gentiment le soldat en s'éloignant.

Je le considérai un instant.

— Oh, Parson ! l'apostrophai-je. Fais gaffe. Dans ton état, précisai-je.

Je regrettai déjà ce que j'allais ajouter.

— Et... veille sur lui, d'accord ?

— Sans faute, opina-t-il en disparaissant de ma vue.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant