Chapitre 7

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J'ai toqué trois fois à sa porte avant d'entrer. Elle se tient de la même manière qu'hier, visage tourner vers la fenêtre, jambes repliées et bras croisés. Je fais abstraction des cicatrices apparentes sur son visage et son cou avant de déposer le sac que je tiens dans mes mains sur la table amovible près du mur.

_ Hey, j'ai ce petit cadeau de la part de Rodrigo.

Pas de réponse.

_ Quand je lui ai dit que tu as beaucoup maigri il a dit que ce n'était pas étonnant vu que la seule nourriture qui vaut la peine d'être mangé est la sienne.

Je vois ses lèvres légèrement frémir alors que je m'assois près d'elle le cœur battant d'espoir. C'est un bon début d'autant plus qu'elle a tourné sa tête vers moi les sourcils froncés. Ces yeux sont toujours d'un vide inquiétant mais le fait qu'elle ose me regarder une semaine après qu'elle ait accepté de me voir est un excellent progrès. A ce moment-là, une infirmière est entrée dans la pièce avec un tensiomètre et un cardiogramme. Elle lui pose un capteur au niveau du doigt avant de lui mettre la brassière sur son bras opposé.

_ Apparemment vous allez nous quitter demain, s'exclame-t-elle avec un grand sourire tout en se concentrant sur les données qu'affiche la machine. Ça va faire bizarre de ne plus se voir, enchaîne-t-elle alors que c'est à mon tour de froncer des sourcils car je ne suis pas au courant qu'ils comptent la laisser partir demain. Est-ce le bon moment ? N'est-ce pas trop tôt ?

_ Elle sort demain ? je demande étonné.

L'infirmière note des choses sur un calepin avant de retirer la brassière ainsi que le capteur.

_ Oui, le médecin estime qu'au vu des derniers résultats d'analyse elle peut sortir demain.

_ De quelles analyses vous parlez ? Elle n'a même pas de perfusion ! je m'exclame alors que je sens la main d'Allis se poser sur la mienne me figeant sur place.

Les battements de mon cœur ont atteint leur paroxysme et un nœud dans mon estomac s'est formé. Je n'ose même pas regarder nos mains de peur de me réveiller d'un rêve. La sienne est glacée et ce n'est pas l'envie qui manque de l'attraper pour la réchauffer. Bon sang, est-ce vraiment vrai ? Est-ce qu'elle est vraiment en train de me toucher ? Si c'est un rêve j'espère ne jamais me réveiller.

_ Nous lui avons fait un bilan sanguin complet hier. Nous avons eu tous les résultats nécessaires –elle marque une pause avant de reprendre d'une petite voix- la partie qu'il reste à traiter c'est la partie psychologique.

Elle a perdu son sourire et a refermé son calepin avant de faire rouler sa machine jusqu'à la sortie et de nous dire qu'elle repassera dans l'après-midi.

_ Qu'est-ce que Rodrigo m'a donné ?

J'ai ouvert la bouche en grande tout en clignant un nombre incalculable de fois les yeux. Vient-elle de m'adresser la parole ? Vient-elle de parler ? Est-ce vraiment elle qui a sorti ses mots ou suis-je toujours dans mon rêve ? Comment être sûr car elle n'a pas parlé mais murmuré. Je décide de croire en mon instinct et me lève à contre cœur mettant délicatement sa main sur son lit pour faire glisser la table jusqu'à elle un sourire idiot sur mes lèvres. Je n'ai pas osé mettre de nouveau sa main sur la mienne pour ne rien forcer en espérant qu'elle le fasse d'elle-même ce qui n'a pas été le cas.

_ Il ne m'a pas laissé regarder parce qu'il avait trop peur que je te mange tout avant d'arriver ici et que je ne te laisse plus rien.

Elle a acquiescé alors que j'ai entrepris de lui sortir toutes les boîtes qui sont présentes dans le sac pour les déposer sur sa table. Je les ai ensuite ouvertes une par une et de lui présenter les baguettes en bois que Rodrigo m'a glissé en dernière minute car il s'est rappelé qu'Allis a cette étrange habitude d'absolument tout mangé avec des baguettes. C'est une requête qu'elle m'a faite une semaine avant son départ et je n'ai pu qu'accepter. Elle a goûté un peu de tout sans réellement avoir mangé mais c'est déjà une bonne chose. Même si elle ne mange pas autant qu'avant, Stacy m'a indiqué qu'il y a eu un énorme progrès entre son premier jour ici et aujourd'hui.

_ Tu as le bonjour d'Hakim, je lui dis tout en me souvenant de sa révélation d'il y a une semaine.

Il serait donc amoureux d'Isabella... Je peux aisément comprendre pourquoi. A plusieurs reprises, lors de mes moments avec elle, j'ai pensé que ces deux-là se ressemblent sur beaucoup d'aspect. Nous n'en avons pas beaucoup discuté, Hakim est une personne très discrète sur ses sentiments et je sais que s'il a souhaité me partager cette information c'est pour que je puisse lui donner ma bénédiction afin qu'il enlève toute culpabilité s'il vient à vouloir se déclarer. J'ai essayé de prendre la température du côté d'Isabella mais elle est aussi discrète qu'Hakim. C'est très compliqué de savoir à quoi elle pense et, très souvent, je me suis posé la question de savoir si elle ne s'ennuyait pas en ma compagnie. C'est une évidence que nous ne sommes pas compatible mais elle est ici car elle a été choisi par le peuple.

Dans la liste que la production m'a communiqué sur le classement des sélectionnées attribué par les monégasques, Allis n'est arrivée qu'en sixième position. Je peux comprendre pourquoi car à chaque fois que nous avons été filmés, elle s'est montrée très silencieuse. J'ai vu qu'elle était très mal à l'aise devant les caméras mais, malheureusement pour moi, nous avons eu des accords au préalable avec la production sur le nombre d'entretiens qu'ils ont le droit de filmer et je n'ai pas eu le droit de changer et de décider de privilégier des temps avec les sélectionnées sans « intrus ». Hors caméras, le temps passé avec elle a été comme dans un rêve éveillé.

Stacy, sous ma demande, n'est pas venue rendre visite à Allis aujourd'hui. J'ai besoin d'avoir une journée avec elle et, maintenant que je sais qu'aujourd'hui est son dernier jour, de pouvoir savoir ce qu'elle compte faire. Où va-t-elle aller ? Chez ses parents ? Dans cet état ? Elle pourrait rentrer chez elle mais j'aimerai qu'elle vienne avec moi au château même si les chances qu'elle accepte sont extrêmement mince. Il y aurait trop de choses qui lui rappellerai Logan.

Après une longue hésitation à savoir si je lui propose ou non de partir demain avec moi je décide de me lancer ne voulant pas répéter mes erreurs du passé.

_ Si demain tu sors et si tu le souhaites, saches que tu seras toujours la bienvenue au château. Tu n'as aucune pression et je veux vraiment insister sur ça. Tu fais ce qui te rendras le plus à l'aise.

J'ai parlé à voix basse pour appuyer mes propos dans ma volonté de ne pas la brusquer. Elle ne m'a pas regardé et à dégager d'un mouvement de main son drap avant de passer avec difficulté ses deux jambes sur le côté et de se hisser sur ses pieds. Elle a ensuite attrapé le déambulateur posé tout près et s'est dirigée dans la salle de bain avant de fermer la porte derrière elle. C'est toujours un crève-cœur de voir qu'elle est trop faible pour pouvoir marcher sans aide et ça l'est encore plus de ne pas pouvoir l'aider et de la regarder se débrouiller seule. Elle porte un pantalon qu'elle a rentré dans des chaussettes épaisses malgré la forte chaleur de ses derniers jours. Elle porte également toujours un gilet léger ce qui me laisse perplexe sur le reste des blessures. Qu'essaye-t-elle de cacher ? Je pense que si elle le pouvait, elle cacherait également son visage... Comment quelqu'un a pu lui affliger tant de peine ? Comment ? Je ne comprends pas.

Je me lève et me dirige vers la fenêtre de sa chambre tout en croisant les bras derrière mon dos. Cette semaine j'ai été pas mal absent du château et demain sera le dernier jour de la sélection. Demain j'annoncerai aux filles que je ne les sélectionnerai pas. Je ne sais pas quelle sera la réaction de chacune mais, dans tous les cas, je réserve une grande surprise à Isabella. Demain sera un grand jour. Pour tout le monde.

Le Prince DéchuWhere stories live. Discover now