Chapitre 1

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En rentrant ce soir là, je suis vraiment à bout. Les chefs ont été particulièrement insupportables -plus que d'habitude- et je me suis embrouillée avec une fille car elle n'a pas arrêté de voler mes commandes.

En rentrant, je ne peux m'empêcher d'envier ma meilleure amie qui est en train de se peindre les doigts de pied de ce qu'ils appellent ici un verni. C'est censé embellir mais à mon sens c'est juste des artifices et une perte d'argent. La société nous fait acheté tout et n'importe quoi. Quand certains ne trouvent même pas de quoi manger, d'autres se payent le luxe de se tartiner le corps de paillettes ne faisant que les ressembler les uns aux autres.

_ Hey ta journée ? je demande tout en m'assayant à côté d'elle.

_ Au top ! Est-ce que tu as entendu parler de la nouvelle ? Le prince cherche sa belle ! (je lève les yeux au ciel) Comme je suis en couple et heureuse je me demande si tu ne veux pas te présenter au « casting » (elle mime les guillemets)

Je lâche un rire persuadée qu'elle rigole car c'est ma meilleure amie, on se connaît depuis le jardin d'enfant et ça fait trois ans qu'on vit en colocation. Elle sait ce que je pense de l'amour et en particulier des hommes. Surtout des rencontres bizarres comme celle-ci.

_ Je t'ai déjà proposé de travailler avec moi n'est-ce pas ? (de nouveau je lève les yeux au ciel) J'aimerai faire un article sur tout ça et il me faudrait une infiltrée.

_ Tu sais ce que je pense du fait d'être pistonnée ? En plus qui te dit que je serai prise ?

_ Ça vaut le coup d'essayer ! J'offre deux milles euros par semaine passée là-bas pour celle qui sera prise. Et quitte à donner autant d'argent à une personne autant que ce soit ma meilleure amie !

Je pose ma tête sur son épaule avant de soupirer. Cette journée a été une des pires au travail, je commence à être épuisée psychologiquement à ne pas trouver de taff à la hauteur de mon diplôme. Vraiment fatiguée. Tellement fatiguée que j'envisage l'éventualité de peut-être accepter son offre.

De toute façon je suis persuadée de ne pas être prise alors qu'ai-je à perdre à essayer ?

_ Parlant d'amour ça ne te dit pas d'enfin commencer à organiser ton mariage pour aller vivre avec ton fiancé ?

Elle me regarde avec cet air « on va encore passer par là ? » alors je me contente de ne pas insister et d'allumer la télévision.

Le soir, je m'installe sur mon lit, ouvre mon ordinateur portable et me renseigne sur les conditions pour participer à la sélection. Apparemment, elle se déroulera un week-end afin que toutes les demoiselles -même celles qui travaillent- puissent s'y rendre. Il faut avoir entre vingt-trois et trente ans et il y a pleins d'autres conditions à remplir pour pouvoir s'inscrire. Je ne sais pas encore si je vais participer mais deux milles euros par semaine ce n'est pas rien. Je sais que pendant toute la durée de mes recherches, Stacy, ma meilleure amie, a toujours été à fond derrière moi et m'a laissé entendre que si je ne trouve pas je suis la bienvenue dans son magasine à succès.

Stacy n'est pas une fille qui a aimé l'école, elle s'est très vite mise à faire des vidéos YouTube qui ont incroyablement rapidement décollées. Au lieu de se reposer sur ses lauriers, elle a créé sa propre marque de vêtements éco-responsable ainsi qu'un magasine qui connaît un succès bien au-delà de ses espérances. Aujourd'hui, à vingt cinq ans elle est multi millionnaire. Comme quoi, les études ne veulent absolument rien dire !

En mettant mon pyjama, je jette un rapide coup d'œil au miroir en me demandant s'il ne serait pas judicieux de faire un tour chez le coiffeur. Je secoue la tête car cette idée de participer prend beaucoup trop de place alors même que l'idée m'a répugnée au départ.

Mais quand même, huit milles euros par mois... Ça me permettrait d'arrêter de travailler et de me concentrer uniquement sur ma recherche de travail... J'ai parlé de factures mais en vérité Stacy ne m'a pas vraiment laissé lui payer un loyer tous les mois. L'appartement dans lequel nous sommes lui appartient et ça me met mal à l'aise de ne pas le lui payer. On a fini par se mettre d'accord sur la répartition des dépenses. Même si je sais que j'ai une porte ouverte pour arrêter ce que je fais, je ne trouverai pas ça juste et je n'aurai pas la conscience tranquille d'où le fait que je travail aujourd'hui en tant qu'intérimaire. Je me suis toujours dit que si au bout de quatre ans je ne trouve toujours rien alors je travaillerai avec elle mais c'est vraiment en plan Z. 

J'aimerai y arriver par mes propres moyens

*

Lorsque je me réveille -la lumière du soleil du printemps m'aveuglant presque car je dors les volets ouvert- je ne peux m'empêcher d'avoir l'esprit tourmenté. J'ai très mal dormi car j'ai réfléchi une partie de la nuit à la proposition de Stacy. Je n'ai aucune envie de participer à cette mascarade mais peut-être que si j'y participe ça me permettrai aussi de dénoncer les comportements du prince et de soulever des problématiques ? Je souffle avant de m'assoir sur mon lit. Il est assez tard mais aujourd'hui je suis de l'équipe de l'après-midi donc je ne suis pas vraiment en retard pour le travail. Après un long moment passé sur mon téléphone à faire des recherches sur ce fameux prince, je fini par me lever et me préparer un bon déjeuner. La plupart du temps, au vu de l'heure à laquelle je me lève, je mange directement le midi avant d'aller travailler.

Stacy ne lâche pas l'affaire et m'envoie un message juste avant que je ne quitte l'appartement afin d'insister pour que je passe à son bureau pour parler des modalités du contrat. Je souris tout en secouant la tête. Elle n'arrêtera pas... N'empêche dans le bus j'ai le cœur qui bat à cent à l'heure. Je n'ai pas envie de me rendre au travail. J'en ai vraiment la boule au ventre et, consciemment ou inconsciemment, je ne descends pas à mon arrêt. Je me retrouve, sans que je ne sache comment, devant l'immeuble où travaille Stacy. Je reste immobile. Complètement paralysée.

C'est fou quand même non ? Être payée pour participer à la sélection... Si je ne suis pas prise alors l'affaire est réglée mais si jamais je suis prise... Je jette un œil sur la vitre immaculée du bâtiment tout en me demandant quel homme sur cette terre pourrait me trouver attirante.

Stacy a toutes ces chances. Je me suis toujours cachée derrière elle. Cette femme est juste sublime autant intérieurement que sa beauté extérieure. Blonde, la coupe carré, de grand yeux verts qui décline parfois vers le gris, des sourcils naturellement bien tracés, une peau lisse et sans défaut, un corps naturellement sculpté... Il y a trop de choses à dire sur sa beauté ! Beaucoup de haters la soupçonne de faire de la chirurgie ou de mentir lorsqu'elle commence une vidéo par « je ne suis pas maquillée ». D'ailleurs elle ne se maquille jamais. Elle déteste ça tout autant que moi la seule chose qu'elle apprécie c'est le vernis à ongle qu'elle n'applique que lorsqu'elle ne prie pas.

Moi à côté j'ai toujours été la fille invisible. Je pense que le fait d'avoir le corps d'une feuille de papier n'aide pas vraiment. Je n'ai jamais vraiment été complexée et j'ai toujours été reconnaissante de ce que Dieu m'a donné. Il faut toujours être reconnaissant. À partir du moment où on est en bonne santé, avec sa famille et un toit sous la tête, il n'y a pas de quoi se plaindre. Mais c'est vrai que parfois je me suis rêvée à avoir des formes et des rondeurs... Ce que je préfère chez moi ce sont mes cheveux. Ils sont longs et bouclés c'est ce dont je prends le plus soin.

Je blâme un peu la société de nous donner autant de pression, à nous les femmes, d'avoir des certains standings. Si on n'a pas le corps de telle ou telle célébrité alors nous sommes considérés presque comme des garçons manqués. Être féminine a vraiment, de mon opinion, perdu tout son sens depuis plusieurs années déjà.

Je regarde mon téléphone qui s'est mis à sonner avant de décrocher pour répondre à ma mère. On passe un moment à parler de tout mais je ne lui raconte pas vraiment le dilemme dans lequel je me trouve. Évidemment qu'elle me parle de la sélection et sans surprise j'apprends que mes deux sœurs vont y participer. Elle non plus n'a pas l'air étonné face à mon hésitation. En même temps c'est ma mère, qui d'autres que la femme qui m'a mise au monde peut me connaître au mieux ? Elle me dit de suivre mon instinct et d'être en adéquation avec ma personnalité. Comme toujours, ma mère reste toujours aussi bienveillante.

Je finis par raccrocher, serrer la sangle de mon sac et de mettre un pied devant l'autre. De toute façon c'est le seul et meilleur moyen pour avancer. Car c'est le moment ou jamais pour le faire.

Le Prince DéchuWhere stories live. Discover now