Le Prince Déchu

Chapitre 19

_ Allez Maria, je lui supplie, j'ai pas envie d'être isolée sur la chaise là bas ! J'ai l'impression d'être punie.

_ C'est bon laisse-la, intervient Damien un des cuisiniers. Elle ne nous dérange pas ici.

Maria lève les yeux au ciel tout en affichant un petit sourire avant de repartir sans discuter. Comme à son habitude, le prince vient faire un tour en cuisine pour saluer tout le monde mais, bizarrement, je sens que la tension est palpable entre nous. Il ne me regarde pas, n'affiche aucun sourire, aucun commentaire à mon égard et si d'habitude il reste un peu pour parler aux personnes présentes, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Il est parti aussi vite qu'il est venu. Même le personnel est étonné car c'est la première fois qu'ils le voient dans cet état. Je ne relève pas surtout quand il a montré un tout autre visage au petit déjeuner. Il a discuté avec ses voisines, a rigolé, sourit et a accordé de l'attention à tout le monde sauf moi.

C'est vraiment bizarre. Pourtant je n'ai rien fait qui aurait pu le déranger... L'épisode de la danse a été expliqué et je lui ai bien spécifié que dans d'autres circonstances je n'aurais pas accepté l'invitation de Logan car je n'aime pas danser. Ces dernières semaines nous nous sommes bien rapprochés lui et moi ce qui me fait vraiment interroger sur son comportement. Qu'ai-je encore fait ? A-t-il tout découvert à mon égard ? Ce serait la seule explication.

Nous nous sommes ensuite rendues en salle de cours où absolument tout a changé. Il y a un tableau, des chaises, des tables où se trouve sur chacune d'entre elle un cahier et un stylo. Ursula et Claudia ont laissé place à un charmant jeune homme et je dois dire que j'ai hâte de savoir ce qui se trame. Il y a sept tables de deux et c'est tout naturellement que je me place au fond à côté de Béa.

_ Bonjour mesdemoiselles je m'appelle Evan et je suis ici pour vous enseigner la politique de Monaco et les enjeux du pays. N'hésitez pas à intervenir lorsque vous en sentez le besoin c'est avec plaisir que nous discuterons.

La politique.

Voilà quelque chose qui semble plus utile de connaître pour une future princesse. En tout cas, plus utile que connaître l'art de manger à table. Cependant, j'admets que ce n'est pas vraiment un sujet qui me passionne. Ce que j'aime c'est les sciences et la politique ne fait pas vraiment partie de cette catégorie.

Notre professeur -dont j'ai déjà oublié le prénom- commence son cours et je dois admettre qu'il pourrait bien me faire changer d'avis sur la politique. Il a une très bonne élocution, il sait happer son public et, même si ce n'est que superficiel, il est très agréable à regarder. Je n'ai pas vu la matinée passer et c'est bien la première fois que ça arrive depuis le début de la sélection. J'ai même été surprise quand un garde est venu annoncé l'heure du déjeuner.

L'après-midi c'est encore mieux. Vraiment ce Evan -il a redit son prénom ce qui m'a permise de le retenir- est incroyable. Il est né pour faire ce métier. J'ai tout oublié autour et je ne me suis concentrée que sur son cours. Je n'ai pas vraiment fait attention lorsque Logan est entré pour indiquer qu'il y aura une session d'entretien avec le prince. Je me suis contentée d'écouter et de prendre pleins de notes. Evan n'a absolument rien écrit sur le tableau mais en même temps ça gâcherait tout et ça couperait le rythme qui rend son cours si intéressant.

_ C'est bizarre le garde vient de dire que le prince a fini de s'entretenir avec tout le monde mais il ne t'a pas appelé, chuchote Béa.

_ Quoi ? je demande car j'ai à peine compris ce qu'elle a dit trop absorbée par les paroles de notre professeur.

_ Le prince t'a oublié, répète-t-elle alors que j'hausse les épaules et de reporter mon attention sur ce qui est vraiment intéressant.

Que Declan n'ait pas voulu faire d'entretien avec moi c'est son problème pas le mien. C'est un grand garçon qui a encore le droit de faire ce qu'il veut. Si ça avait été un cours de Claudia je lui en aurais voulu de ne pas m'avoir libéré mais, ici, je lui suis plutôt reconnaissante.

Tout comme le matin, je n'ai pas vu l'après-midi passée et une fois qu'il a annoncé la fin du cours, alors que toutes les sélectionnées ainsi que les caméras se sont précipités vers la sortie, moi je suis allée voir Evan pour lui poser des questions sur les zones d'ombres que j'aimerai qu'il développe. Si tous les professeurs étaient comme lui alors il n'y aurait plus d'échec scolaire. Cet homme est une pépite et il a l'air si jeune.

Alors que nous avons complètement dévié la conversation sur d'autres sujets, Logan a déboulé dans la pièce en ayant un petit temps d'arrêt faisant l'allée retour entre Evan et moi.

_ Mademoiselle Allis vous êtes attendue pour manger, déclare-t-il le ton froid.

_ Je n'ai pas faim, je réponds avant de reporter mon attention sur Evan.

_ Votre présence est obligatoire, insiste-t-il d'un ton plus ferme alors que je laisse passer un soupire.

_ Nous aurons tout le temps de parler demain, me rassure Evan avec un sourire amical tout en posant une main sur mon épaule.

Je lui rend son sourire avant de rejoindre Logan et de soupirer une deuxième fois quand je remarque qu'il marche devant, d'un pas rapide et sans m'accorder aucun regard. Qu'est-ce qui lui prend à lui aussi ? La mauvaise humeur de Declan a été contagieuse ?

Lorsque j'entre dans la grande salle, je salue le prince d'une révérence avant de m'assoir à ma place.

_ Vous n'avez rien à dire ? me demande le prince alors que je fronce les sourcils.

_ Bon appétit ?

Son visage est fermé et si un regard pouvait tuer, le sien m'aurait foudroyé sur place. Je n'aime pas cette facette de lui je préfère quand son visage est lumineux et ouvert. À chaque fois qu'il arbore sa mine renfrognée j'admets que j'ai peur.

_ Vous êtes en retard et les autres personnes vous ont attendu pour manger la moindre des choses c'est de vous excuser auprès de nous, déclare-t-il la voix cassante alors que mon cœur commence à s'emballer.

_ J'ai spécifié à Logan que je n'avais pas faim mais on m'a obligée à venir donc si vous êtes en retard vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même.

L'air s'est chargé en électricité et la tension est monté d'un cran -que dis-je ?- de mille crans. Je sens que tout le monde est aux aguets.

_ Logan ? relève-t-il.

_ Votre garde, je précise. Vous ne connaissez pas le nom de vos employés ? je rajoute alors que dans cette situation j'aurai pu m'abstenir.

Il regarde les autres filles d'un air songeur avant de demander :

_ Qui d'autre connaît le nom du garde qui vient d'accompagner mademoiselle Allis ?

Aucune ne répond ou n'émet un signe. Je suis la seule à m'intéresser aux personnes ici ? Moi qui suis en plus pas très sociable car je trouve les personnes fatigantes.

_ Passez me voir après le dîner à mon bureau, ordonne-t-il avant que les plats ne nous soient servis.