𝐀𝐏𝐎𝐋𝐋𝐎'𝐒 𝐒𝐎𝐍 ᴴʸᵘⁿˡⁱˣ

ፈᏂᏗᎮᎥᏖᏒᏋ 12

La seule chose se révélant vraie qui venait de mon précédent rêve, ou plutôt cauchemar, c'est bien le fait que nous sommes perdus. Plus de zones, plus de portes, plus de sablier. Rien. Et même si ça nous permet de nous reposer un peu, je commence à me demander depuis combien de temps nous sommes bloqués ici. 

Toujours aucune traces de Jisung et Minho, j'espère qu'ils vont bien. De notre côté, ça fait depuis sûrement quelques heures que Hyunjin dort sur moi, son bandage de fortune imbibé de sang mais heureusement il ne coule plus. Il s'est ramassé un bon rocher, mais ça devrait aller. Malgré tout, il a besoin d'un peu de repos pour se remettre de ses émotions, et je ne suis pas contre non plus. Nous ne nous sommes pas posés depuis qu'on est entrés dans ce Labyrinthe de malheur. 

Hyunjin commence à remuer un peu contre moi, et je ne peux m'empêcher de serrer gentiment mes mains sur son dos. Je ne sais pas pourquoi, mais l'épisode de la rivière nous a encore plus rapprochés qu'avant, j'ai l'impression de le connaître depuis bien plus longtemps qu'en vérité. Et je dois avouer que ça ne me déplaît pas le moins du monde.

Il y a 5 ans, au camp, je savais que j'étais attiré par rien d'autres que les hommes, plus en particulier Hyunjin. Je n'ai compris que ces dernières années que c'était plus que du respect ou de l'admiration, mais bel et bien de l'amour. Même lorsque je l'ai compris, je ne voulais l'admettre ni à moi-même ni à personne d'autre. Il m'en aura fallu du temps, pour lui pardonner de s'être emporté sur un pensionnaire. 

Même si, je dois bien l'avouer, je ne connaissais absolument pas ce fils d'Athéna. 

- Eh, Lix... Tu sais que t'as des beaux yeux ?

Je baisse la tête pour croiser les yeux mi-clos de Hyunjin, encore à moitié endormi.

- Hein ? Tu délires ou quoi ?

- Absolument pas. C'est vrai, ce marron tout brillant ça te va bien.

Il se redresse lentement pour s'appuyer à côté de moi contre une pierre derrière nous, se frottant légèrement la tête. 

- Ça fait mal mais au moins ça saigne plus... J'ai juste l'air d'un idiot avec ton bandage de secours.

- Quoi ? Tu t'attendais à ce que je rajoute des motifs Versace dessus, avec une petite épingle en or pour maintenir le tout ?

Il me regarde d'un air surpris avant d'éclater de rire, sûrement pour se moquer de mon air boudeur. 

- Qu'est-ce que tu racontes encore ? Je disais juste que les espèces de bandeaux comme ça ne me vont pas. T'emballes pas, il est magnifique.

- C'est ça, ouais..., je grommelle en croisant mes bras.

- Arrête de bouder Lix. 

Il sourit avec ses fossettes beaucoup trop mignonnes en m'ébouriffant les cheveux, comme s'ils n'étaient pas déjà assez décoiffés de toutes nos aventures. Je m'apprêtais à lui répondre quelque chose, lorsque soudainement le sol se mit à trembler.  

Je tourne ma tête dans tous les sens pour vérifier qu'aucun monstre ayant un goût prononcé pour la chair humaine se trouve à nos côtés, mais rien en vue. C'est alors que les murs de pierre autour de nous s'effondrent dans un grand fracas, laissant place à un long pont qui traverse un trou sans fond, ressemblant vaguement à la chute d'eau de toute à l'heure. Malgré tout, le chemin a l'air un peu branlant et j'en viens à me demander s'il supportera notre poids à tous les deux. 

Tandis que je réfléchissais à un moyen de vérifier que le pont ne s'effondre pas lorsqu'on posera le pied dessus, j'entends Hyunjin hurler de terreur à côté de moi, manquant de me causer un arrêt cardiaque.

- Quoi ?! Qu'est-ce que t'as vu ?

Je tourne brusquement ma tête dans sa direction, en manquant de me tordre une cervicale, pour croiser le regard vide d'une sorte de... fantôme ? Je savais que Hyunjin criait un peu pour tout et pour rien, mais j'aurais eu la même réaction en voyant ce truc.

Il ressemblait fortement à un humain normal, ou en fait plutôt à un demi-dieu comme nous, à l'exception qu'il était presque translucide, flottait au-dessus du sol et portait des habits en lambeaux. Pas très accueillant comme vision, mais bon nous sommes dans le Labyrinthe alors nous pouvons nous attendre à tout et n'importe quoi. Y compris des fantômes apparemment.

Lorsque sa voix, rocailleuse, lointaine comme un écho, résonne entre les murs, je sursaute avant de me crisper en comprenant ce qu'il nous dit.

- L'un peut sortir maintenant. L'autre devra rester piégé à jamais. Choisissez, valeureux combattants. 

Une lumière illumine enfin mon esprit, et je me tourne vers Hyunjin pour m'exclamer.

- La prophétie !

- Hein ?

- "Dans la nuit du jugement, prend un choix, La trahison choisira ; un seul vivra.", c'est à cette zone-là que la prophétie faisait référence ! On doit être au Pont du Jugement de Minos. 

- C'est super, mais ça vient juste de nous confirmer que l'un d'entre nous va crever. 

J'aurais ri de son ton monotone avec une telle phrase si je ne venais pas de comprendre la gravité de la situation. Une bourrasque invisible agita les cordes presque moisies du pont, qui grince comme un avertissement.

Quelqu'un va mourir aujourd'hui. Et ce sera l'un de nous deux. 

- Je reste, je dis immédiatement, sans hésitation. Il est hors de question que ce soit Hyunjin qui se sacrifie. Tu es blessé, il faut que tu sortes d'ici.

- Non, justement. Si je suis blessé je ne sers à rien à part te ralentir. Il faut que ce soit toi qui parte. 

- Hyunjin, je peux pas te laisser ici alors que-

- Alors que quoi ? Je ne sers plus à rien avec ce truc autour de la tête. Donc tu vas lever ces jolies petites fesses et prendre ce pont.

Je soupire devant son entêtement, avant de me tourner pour lui faire face totalement, attrapant le col de son t-shirt pour attirer son visage proche du mien.

- Écoute moi une seule fois dans ta vie, tu veux ?, je sers les dents, c'est bien la première fois que je suis autant sérieux durant ces 21 dernières années. Je ne bougerai pas d'ici. Je veux que tu te lèves, que tu prennes ce pont, que tu battes un monstre ou deux et que tu sortes sain et sauf pour mener ta petite vie, d'accord ?

- T'as pas compris non plus, hein ?, il soupire en recoiffant une mèche de cheveux derrière mon oreille, comme s'il avait compris que ce geste me rendait complètement fou. Je ne compte pas me lever d'ici non plus. Je ne pars pas sans toi. 

- Alors quoi ? On meurt ici tous les deux ?

- Ce serait une belle fin, avec toi dans mes bras.

Il me sourit ; pas de ce sourire idiot ou arrogant qu'il faisait tout le temps quand on était jeunes, plutôt de ce sourire qui me montre qu'il a pris sa décision, qu'il a accepté de mourir quoiqu'il lui en coûte. Et ça me crève le cœur, ce n'est pas possible qu'il n'y ait vraiment pas d'alternative.

- T'es vachement con quand même. 

- C'est marrant je me disais la même chose. 

Et, cette fois-ci, je ne peux retenir mes lèvres d'esquisser un léger sourire qui reflète le sien. 

Alors voilà. Si on m'avait dit que c'était comme ça que j'allais finir ma vie, j'aurais ri à leur nez et leur aurait offert un verre d'eau pour dessoûler. Maintenant, c'est nous qui avons besoin d'un verre. Et un énorme.