𝐀𝐏𝐎𝐋𝐋𝐎'𝐒 𝐒𝐎𝐍 ᴴʸᵘⁿˡⁱˣ

ፈᏂᏗᎮᎥᏖᏒᏋ 10

ᎦᏋᏝᎥጀ

Les bruits du Labyrinthe se sont tus. Pour une fois, tout est calme ; pas de murmures angoissants, pas d'animaux sortis de nulle part, et pas de portes. C'est ça, le problème. Aucune porte, aucune prochaine zone en vue.

Devant moi, Hyunjin me regarde intensément, de ses yeux marrons aux beaux reflets rouges qui m'hypnotisent depuis mon arrivée au camp. Son regard est doux, presque timide, comme s'il n'avait jamais réellement su faire la guerre. Je ne me souviens même pas de comment on est arrivés la ; sa main qui frôle la mienne, la chaleur qui monte, le souffle court.

Puis ses lèvres, tendres contre les miennes ; ses doigts, tel un souffle sur ma joue. Comme si ça avait toujours été ça, la réponse à toutes mes visions. Je ferme les yeux, je me laisse emporter avec les papillons qui tourbillonnent dans mon ventre agréablement. 

Et je sens... quelque chose de froid entre mes côtes. 

Mon souffle se bloque brusquement, suspendu entre les secondes. J'ouvre les yeux, Hyunjin est toujours là, trop près, trop calme. Ses lèvres tremblent légèrement, mais pas de peur. Comme si... il retenait un sourire. Je baisse les yeux sur sa main, qui serre quelque chose.

Un manche.
C'est là que je comprends ; c'est lui qui m'a transpercé. 

Les murs du Labyrinthe tremblent, comme s'ils avaient été blessés et trahis eux aussi. Ils saignent avec moi, s'effondrent sous mes pieds. Leur sang s'enroule autour de mes chevilles, tels des rubans liquides. J'appelle Hyunjin, mais il ne répond pas. Il me regarde toujours, mais ses yeux sont devenus noirs. Il m'observe tomber, avalé dans les entrailles du Labyrinthe, les murs m'ensevelissant dans ma chute.

Et puis, un hoquet. Mon corps se tend d'un coup, et je rouvre les yeux.

Plus de sang. Plus de rubans liquides.
Juste le sol froid de la pierre contre mon dos et ma gorge sèche, affreusement sèche. Hyunjin est là ; le vrai, le présent. Il me tient par les épaules, ses mains tremblantes, les yeux écarquillés de ce qui ressemble à de l'inquiétude. 

- Felix ! Tu... tu faisais un cauchemar. 

Ma poitrine me fait mal, et mon regard glisse malgré moi vers ses doigts. Ils sont vides, mais j'ai encore la sensation du manche enfoncé entre mes côtes. Je déglutis difficilement, évitant son regard.

- Ouais... ça va. 

- T'es sûr ? Vraiment, je peux-

- Oui, merci. 

Je me lève, ses mains quittant mes épaules. Je sens son regard sur moi, et à vrai dire je n'arrive plus à réfléchir correctement ; je ne sais pas depuis combien de temps nous sommes là, et ma précédente illusion sur ma mère m'a quelque peu retourné. Je me suis endormi, mais j'entends encore les mots de Hyunjin, qui me murmurait que tout allait bien. J'ai presque honte qu'il m'ait vu dans un tel état, à sangloter comme un enfant sans qu'il ne comprenne pourquoi. J'étais tellement épuisé que, heureusement, je me suis endormi. Mais je ne sais absolument pas comment nous sommes sortis de cette zone-là. 

Je me souviens de la sensation de ses grandes mains, dans mon dos et sous mes cuisses, qui me soulevaient et me transportaient hors de la pièce. Ses doigts, qui démêlaient mes cheveux... je ne sais plus quoi faire. Lorsque je commence à me laisser aller, à lui faire pleinement confiance, mon cœur me rappelle pourquoi je ne me reposais pas sur lui en premier lieu.  

Et ça me tue. Je ne sais pas si le Labyrinthe peut jouer avec les rêves pour nous détruire encore plus, mais en tout cas ça fonctionne. 

Après plusieurs minutes pendant lesquelles je tergiverse, me rendant presque fou à me demander si je devrais me fier à mon rêve ou pas, j'entends Hyunjin me rejoindre. Ça me fait mal de le laisser dans la confusion après ce qu'il a fait pour moi, mais je ne sais plus du tout à qui me fier dans ce Labyrinthe de malheur.

- Felix, tu..., il semble hésiter à me demander quelque chose pendant quelques secondes, avant de continuer. Tu veux qu'on avance un peu plus ? On n'a pas bougé depuis que tu t'es endormi, peut-être que c'est bien si on cherchait les autres zones à franchir. 

Quand je croise ses yeux, je vois que ce n'est pas ça qu'il voulait me dire au début. Mais je passe par-dessus en hochant la tête, lui tournant le dos pour avancer dans le couloir.

- Oui, bonne idée. 

Ça me fait mal à moi-même de lui répondre si froidement, avec 3 simples mots. Mais je ne peux pas me laisser aller tant que je ne serai pas sûr que mon rêve n'était qu'une idiotie de mon subconscient et non pas une vision du futur. 

Nous nous enfonce de plus en plus loin dans le couloir, dans un silence pesant qui serre mon cœur de plus en plus fort à chaque seconde. Après plusieurs longues minutes, j'aperçois enfin une lueur dans ce qui ressemble au fond du couloir. Les murs nous laissent plus d'espace, ils semblent s'écarter un peu plus à chaque mètre traversé. Et, finalement, nous nous retrouvons en face d'une source, une rivière s'écoulant calmement en plein milieu de notre chemin, entre quelques rochers mousseux. 

L'eau est clair, fraîche, quelques herbes poussant le long de son flux paisible. Ici, le Labyrinthe semble plus clair, la lumière nourrissant les plantes continuellement. J'ose m'accroupir au bord pour y plonger mes mains, nettoyant les saletés qui s'y étaient accumulés et ensuite boire quelques gouttes pour soulager ma gorge sèche. Après tout, avec tout ce que j'ai sangloté tout à l'heure, mon corps mérite bien un ravitaillement. 

Hyunjin, lui, arrive derrière moi et décide d'enjamber la rivière le premier tandis que je me désaltère. Mais, lorsque je relève la tête pour voir s'il ne s'est pas fait kidnappé par une chauve-souris géante, je tombe sur une vision encore plus surprenante. 

Alors qu'un de ses pieds était de l'autre côté de la rive et l'autre toujours sur le sol proche de moi, l'eau s'élève soudainement en deux grandes mains, frappant Hyunjin de plein fouet. Il perd l'équilibre, s'échoue dans l'eau sans un cri, ses yeux marrons noyés dans les remous de la rivière. 

Je n'avais pas remarqué à quel point elle était profonde. Et, surtout, à quelle vitesse elle arrivait à emporter un être humain adulte.