Il n'y a pas que la dinde qui sera fourrée à Noël

#SOLDAT | 107 - CONNOR

— Installez-vous à l'avant du voilier, je vous apporte de quoi boire.

— On peut aussi vous aider, propose Claire.

— Ma femme adore se mettre derrière les fourneaux.

— Tu veux cuisiner avec moi ?

— Ça serait avec plaisir.

— Tu t'occupes de l'entrée ?

Elle relève les manches de son pull, se lave les mains et commence à préparer une salade d'endives, betteraves et noix. Pendant ce temps, James nous cuisine un curry de poulet aux légumes. Il ne reste que le dessert à réaliser. Heureusement que James avait pensé aux courses et que le frigo était bien rempli.

— Une brioche perdue au caramel beurre salé, ça vous convient ?

— C'est l'idéal pour combler les papilles de Christophe.

Ce dernier, déguste son cocktail de fruits, assis sur les marches en nous regardant nous affairer. Après trente minutes de préparation, James remonte pour sortir le bateau de la Marina. Nous le rejoignons avec nos verres.

— Ça sera plus agréable d'être en mer pour manger.

— On a de la chance qu'il fasse un beau soleil, ajoute Claire.

On discute de tout et de rien. Ils nous partagent leur envie de tout plaquer pour venir vivre en Californie. Nous les encourageons à sauter le pas. Et nous les assurons de notre aide s'ils en ont besoin pour s'installer.

Avant de manger, j'ai envie de piquer une tête et seul Christophe m'accompagne. Faut dire que l'eau est plutôt fraîche aujourd'hui. Il est tout aussi compétiteur que moi et nous nous défions pour savoir qui nagera le plus vite, fera le tour de la bouée pour ensuite revenir au bateau. James nous donne le top départ et aussitôt nous plongeons dans la mer. Le contact est saisissant, mais mon corps est habitué à résister à encore plus froid.

J'entends mon homme m'encourager, tandis que Christophe me suit de très près. C'est un sérieux adversaire. Claire donne de la voix pour qu'il remonte à ma hauteur. Alors je me concentre sur mes mouvements de crawl sans perdre la bouée rouge du regard.

Je dois être régulier, enchaîner mes trois gestes puis sortir la tête pour respirer avant de recommencer. Malgré mon application, je n'arrive pas à le distancer. Il me colle au train et je sens la vague que son déplacement génère, taper contre ma hanche. Je dois accélérer, alors que les muscles de ma jambe abîmée se mettent à trembler.

Mais je n'ai pas le luxe d'écouter mon corps, je dois me focaliser sur la bouée. J'en fais le tour et attaque le retour vers le bateau. Je perçois la silhouette de James qui saute sur place pour que j'accélère. Dans mon champ de vision, quand je ressors la tête à la surface, je peux deviner le bout de ses doigts qui fendent l'eau.

Christophe a encore gagné du terrain. Ou c'est moi qui en perds ? Je ne suis pas au top de ma forme. Je le sais, mais je ne veux pas l'entendre. Je ne dois pas écouter mon corps, qui entre en zone rouge. Je dois le pousser à aller plus loin. Je tiens à dépasser les limites. Encore et encore.

Je suis un putain de Marines.

— Connor ! Accélère !

Je ne suis qu'à quelques mètres de mon but. Plus je me rapproche, plus j'entends la voix de James, qui me pousse à me dépasser. Mais je perçois aussi celle de Claire qui exhorte son mari à me rattraper.

À chaque fois que je sors la tête de l'eau pour respirer, je me rends compte que Christophe gagne du terrain. Ça va être serré alors, peu importe celui qui l'emportera, la course aura été belle. Le tout étant que j'ai donné le maximum de ce que je pouvais tirer de ma machine.