Prologue

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Novembre est un joli mois vous ne trouvez pas ? Le temps se rafraîchit, les feuilles continuent de tomber, l'approche de noël, de cadeaux, de retrouvailles en famille, l'arrivée de la neige, le temps des chocolats chauds au coin du feu de cheminée. Non, pas pour vous, ça ne vous donne pas envie ?

Jusqu'à aujourd'hui, j'adorais cette période et surtout ce jour en particulier. Aujourd'hui, le jour de mon anniversaire ! Belle journée où tout le monde vous le souhaite, on vous prépare une fête surprise, des amis, de la famille, vous êtes entourée et aimée.

Mais aujourd'hui, une vie différente va devoir commencer pour moi. Je suis dans un bureau aux murs blancs, avec cette mauvaise odeur bien réputée des hôpitaux. Un médecin est face à moi et continue de me parler. Je suis avec attention chaque parole, mais mon âme est absente, mon esprit également. Je suis présente dans la pièce, je l'entends, je l'écoute, mais ne veux pas croire un seul mot de ce qu'il me raconte. Apprendre le jour de son anniversaire que vous êtes malade et que vous devez vous faire opérer d'urgence sous risque d'avoir un cancer qui se développe n'est jamais très réjouissant. Une polypose adénomateuse familiale, en résumé, à tes souhaits ! Je n'ai rien compris. Et PAF ! Là, ça ne fait pas des Chocapic. Des polypes, des boutons quoi, qui poussent dans le tube digestif et peuvent devenir cancéreux. Eh bien ! Je suis gâtée par la nature à priori, car j'en ai à vue d'œil plus de 300 dans mon côlon et mon rectum. Je ne demandais pas à ce qu'on soit aussi nombreux lors de ma fête surprise. Une dizaine aurait suffi à me rendre joyeuse. On va me les retirer, du coup je vais devenir un meuble en kit à qui il manque des pièces ! Chouette. Ça veut également dire un changement de carrière professionnelle. Eh oui, en gendarmerie on a besoin de personnel apte à l'action, et après les opérations, ce ne sera plus possible d'après ses dires. Double chouette ! Que vais-je devenir... Une femme, jeune, qui n'a qu'un bac en poche, donc aucune étude dans un domaine spécifique, aucune expérience en dehors de la gendarmerie. Bien, bien, bien, je vais y arriver, non ?

Heureusement, je ne suis pas seule et suis soutenue par mon chéri depuis 2 ans... Bon, pas dans mes galères, même si je suis un peu un chat noir au quotidien, mais c'est mon pilier dans la vie de tous les jours. On a même prévu d'acheter une maison, alors je suis sereine pour sa réaction. Je rentre et lui annonce la nouvelle... Il trouvera les mots pour me rassurer et me remonter le moral, j'en suis persuadée.

— Chéri ! J'ai vu le professeur aujourd'hui à l'hôpital.

— Ah et donc ?!

— Je dois me faire opérer en janvier sous risque d'un cancer. L'après opération ne sera pas facile, j'aurais besoin de beaucoup d'aide. Je vais également devoir retrouver un autre travail.

— Tu vas devenir une loque ! Et ton corps de rêve tu ne vas quand même pas le perdre si ? Je vais dire quoi à tout le monde si tu n'es plus gendarme ? C'était une situation admirable. Belle et forte, et là, tu me dis que tu vas devenir faible, sans métier, possiblement laide, maigre et à ma botte en prime ?

— Non pas du tout, après les opérations je referai du sport, et je peux demander une aide à domicile pour s'occuper de moi, je vais faire des CV et lettres de motivations pour retrouver un travail rapidement.

— Non, ce n'est pas possible, et mon image tu y as pensé ? Écoute, tu es bien gentille avec tout ça, mais je dois penser à moi et mon avenir. Alors je te souhaite bien du courage pour ta future vie totalement pourrie. Je te laisse une semaine pour retrouver un logement et partir.

— Retrouver un logement ? Partir ? Mais ici c'est chez moi à la base ! C'est toi qui t'es installé dans mon appartement, ce sont mes meubles, tu n'as rien payé !

— Parce qu'en plus tu veux me faire passer pour un minable qui ne t'a jamais rien donné !? Je paie le loyer chaque mois !

— Oui, et tu ne paies QUE ça ! J'apprends être malade, devoir me faire opérer, et en plus tu me quittes et veux partir avec mes affaires ! Hors de question ! Tu prends ton sac et tu pars, sinon j'appelle la police et ils viendront te déloger !

— On n'en restera pas là, crois-moi sur parole.

— Tes paroles étaient toutes fausses, va-t'en !

Bon anniversaire Olympe... Tu n'as plus qu'à faire un vœu en soufflant tes bougies toute seule, en pleurs à la vue de la situation. Un moment rempli de solitude. Ce moment où votre vie est tracée, positive, et que vous êtes heureuse, avant qu'elle ne devienne un cauchemar. L'amour rend aveugle on dit... Eh bien moi je dirais qu'on me les avait carrément crevés. Je commence à me rendre compte qu'il y avait des signaux d'alarme que je refusais de voir. Ma famille a pourtant essayé mais je suis restée figée sur le fait d'avoir une famille aimante et heureuse, un mari et des enfants. Lui me supportait, moi et mon caractère de merde, lui m'aimait. Mais finalement il aimait quoi chez moi à part se servir de moi comme la potiche de service. J'étais, sans m'en rendre compte, devenue une soit belle et tais toi ! Une bougie, un souffle, une personne. Juste moi et mon âme brisée, mon cœur en miette, mes larmes ruisselantes le long de mes joues. C'est même elles qui éteindront la flamme de cette bougie. Une chose est sûre, la flamme n'est que sur cette bougie, dans mon corps il n'y a plus rien. Une enveloppe corporelle recouvrant le néant. Comment ai-je pu en arriver là... Comment a-t-il pu me faire ça...

L'hiver passe, il est froid, venteux, pluvieux, neigeux, triste. Je me fais opérer et retourne chez mes parents le temps de ma convalescence. Ils sont contents de m'avoir retrouvé même si ce ne sont pas dans des conditions très glorieuse, ils sont là et me soutiennent à nouveau. J'ai du mal à marcher, je n'arrive pas à me doucher, je mets des couches et des bas de contention et je suis intérieurement seule. Soutenue par ma famille mais seule, vide. Je ne trouverais jamais l'homme de ma vie dans mon état. Très mince, plus de masse musculaire, très creusé, j'ai même une poche au ventre. On va me la retirer dans deux mois mais quand même. Comment voulez-vous que j'imagine mon avenir dans un tel aspect... Ma famille me soutient, certes, mais ce n'est pas pareil que quand c'est notre moitié, notre tout... Mais pourquoi je ressens tant le besoin d'avoir quelqu'un dans ma vie ? Une vie de famille, ah oui ! Femme mari enfant... Si seulement... Mais je pense que je peux m'asseoir sur ce rêve ruiné en une seule journée.

Deux opérations, deux kilos de retrouvés sur les dix de perdus. C'est un début vous me direz mais loin d'être assez pour réussir à travailler à nouveau ou en tout cas plus en gendarmerie, ni force de l'ordre ni pompier ni rien dans un domaine avec de l'action. Comment retrouver un travail qui me plaît alors que même caissière je ne peux pas le faire car je cours aux toilettes dès que j'ai mangé. J'y vais vingt fois par jours et je ne peux pas me retenir alors... Super. Joie, bonheur ! Vie de merde ! Il avait raison finalement de me larguer, je fais tache dans la vie de tout le monde alors autant m'effacer, me gommer, me remplacer... Il avait raison, tellement raison sur chaque point. Je ne suis pas belle à regarder, pas intéressante à écouter, inutile au quotidien. Qui voudrait de moi ?

Avril, il va faire bientôt chaud, avec le soleil, la nature fleurit, le chant des oiseaux, le ciel dégagé rempli d'étoiles. Ça va faire du bien au moral ! J'ai décidé de rentrer chez moi, enfin de déménager et d'avoir un nouveau chez moi, sans aucune trace de personne autre que la mienne. Un appartement avec mon identité, à 100% rempli de plantes, de plantes et encore de plantes. Une fois tout installé, je me mets sur mon balcon face à cette vue magnifique donnant sur les falaises d'Yport, le soleil se reflétant sur l'eau. Je prends une grande inspiration. Que ma nouvelle vie commence. Je ne vous cache pas que je suis remplie de doute, de peur, de crainte. Peur de ne pas être acceptée telle que je suis aujourd'hui, crainte de rester seule avec une seule amie Charlie, mon amie d'enfance, je n'ai qu'elle. Le doute de pouvoir sortir à nouveau et accepter le regard des gens sur moi. On m'acceptera peut-être telle que je suis, remplie de défauts mais le cœur sur la main. Je suis peut-être remplie d'appréhension constante mais le plus important c'est que je redémarre ma vie dans ma ville d'enfance, proche de mon amie et de ma famille et j'ai espoir. Plein de projets dans ma tête, pleine de convictions, de désir et d'optimisme. La vie n'est pas un long fleuve tranquille mais elle n'est pas insurmontable. C'est ma vie et je compte être fière de mon parcours plein d'embûches. L'important n'est pas de chuter mais de savoir se relever. Je suis malade, apeurée, sans emploi, sans groupe d'amis mais je suis vivante et debout face à mon avenir prêt à m'accueillir à bras ouverts. Alors allons-y ! Vous me suivez vers l'inconnu ? Avec vous, je ne serais plus seule !


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Sous son empriseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant