Chapitre 1

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- Je ne veux pas de cette Mission.
- Vous n'avez pas le choix.
- Avec tout le respect que je vous dois, chef, je suis un agent senior et je devrais avoir un droit de regard sur mes affectations.
Il l'observa silencieusement : elle avait maigri depuis leur dernier entretien, ses yeux s'étaient assombris et durcis.
Elle le fixait, dissimulant à peine son air de défi, elle bouillait de colère.
Le dossier sur le bureau contenait ses états de service, ils étaient impeccables, exemplaires dans tous les domaines.
Ce dossier contenait les faits essentiels et rien sur cette sombre histoire.
Personne n'avait rien su de tout ça et n'en saurait rien. D'abord parce qu'elle n'en parlerait pas, et puis personne ne voulait qu'elle le fasse. 
Ce que tout le monde voulait, c'était reprendre le boulot, même routinier.
C'était exactement ce qu'il avait l'intention de faire : la remettre au boulot.

_ Vous avez été sélectionnée par la commission de sécurité. Ils pensent que vous êtes la personne idéale pour mener à bien cette mission. Ce n'est pas négociable.

_ C'est du foutu baby-sitting! N'importe quel bleu pourrait le faire.

Elle serrait les dents et frôlait l'insubordination, elle le savait et s'en foutait. Il n'y avait rien qui pourrait la toucher désormais, sauf peut être une connerie pareille. Elle avait besoin d'une mission de terrain, quelquechose qui l'épuiserait mentalement et physiquement, quelquechose qui l'empêcherait de penser.

_ C'est à cause de la blessure ? Ils pensent que je ne suis pas prête à reprendre le service actif? demanda t'elle.

_ Vous l'êtes?

_ Absolument. J'en ai  fini avec la rééducation et j'ai passé mon évaluation psychologique obligatoire.

_ Bien. Je suis heureux de l'entendre. Vous commencez demain. Je vous suggère de passer en revue le rapport du commandant actuel avant de partir pour New-York.

_ Bon sang, Titus !! Vous savez que je ne mérite pas ça.

_ Cela n'a rien à voir  avec vous, agent Woods. Ce sera tout.

Le directeur adjoint Titus la regarda s'éloigner, belle et raide de colère. Il savait qu'elle ferait de son mieux, elle l'avait toujours fait. Il s'inquiétait dvantage de sa façon de gérer son agressivité.

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_ La cabine sept est libre, l'informa le responsable du stand de tir.

Elle répondit d'un signe de tête, s'empara d'un casque de protection en traversant le petit bureau et prit le long du couloir qui s'ouvrait sur le stand de tir et les cabines  individuelles. Elle avait un tee-shirt gris et un pantalon de survêtement bleu marine qu'elle portait déjà lors de son entraînement de gym, son dos était trempé de sueur. Elle tenait à la main un sac contenant son arme de service, un pistolet automatique, et des munitions. Elle ne regarda ni à droite ni à gauche en entrant dans le box vitré.

Il y avait devant elle une série de boutons lui permettant de choisir le type de cible et la distance de tir. Elle choisit une silhouette humaine de taille standard qu'elle plaça à une distance moyenne et commença à tirer; d'abord à l'abdomen, puis à la tête. Au rythme régulier de ses tirs, son esprit se vidait de toute émotion jusqu'à ce qu'elle ne ressente plus que le recul de son arme dans sa main et les battements de son coeur. Quand la colère s'évanouit, elle recula la cible de quinze mètres. Cela lui réclamait une plus grande concentration, elle tirait en rafales courtes, rapprochées, pour oublier le déchirement de l'absence. Quand elle positionna la cible au fond du couloir de tir, elle ne ressentait plus rien du tout.

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Une fois chez elle, elle prit une douche puis alla nue jusqu'au bar dans le grand salon. L'appartement se situait au vingt et unième étage d'une tour, la large baie vitrée donnait sur Washington D.C et la vue de nuit était tout à fait stupéfiante. Elle se versa un doigt de scotch pur malt dans un verre en cristal et s'adossa au comptoir, le regard perdu dans les lumières de la ville et des étoiles. Il fut un temps où ce spectacle saisissant la bouleversait, tant de nuits où les tensions s'évanouissaient devant cette vaste étendue de lumières mobiles, quand le monde retrouvait une certaine stabilité et se réorganisait après le chaos.

C'était souvent la dernière chose qu'elle contemplait avant de se glisser dans son lit, mais à cette époque, elle n'était pas seule. En entendant des cousp discrets à sa porte, elle attrapa sur le dos d'une chaise sa robe d'intérieur en soie grise. Elle avait un vol pour New-York dans cinq heures, suivi d'une réunion avec sa nouvelle équipe prévue à huit heures; elle devait également étudier le dossier qu'on lui avait remis par coursier dans la soirée. Elle avait beaucoup à faire en très peu de temps, elle savait qu'elle ne pourrait pas dormir bien longtemps.

Elle jeta un oeil sur la pendule en allant ouvrir : une heure du matin, son visiteur était ponctuel, comme toujous. Elle ouvrit à  une femme d'une trentaine d'années, vêtue avec goût d'un tailleur pantalon en lin naturel et d'une chemise en soie ouverte sur sa gorge qui laissait deviner les courbes  de ses seins. Elle lui adressa un sourire familier et repoussa ses longs cheveux châtains frisés d'une main élégante.

_ Salut.

_ Bonsoir. Je te sers quelquechose à boire?

_ Ca dépend, répondit la jeune alors  qu'elle retirait  sa veste et la posait avec soin sur le dossier du canapé, tu es d'humeur à parler ce soir?

_ Je n'ai pas vraiment le temps.

_ Alors je prendrai ce verre une prochaine fois, dit elle doucement. Assieds toi face à la fenêtre. Lexa baissa l'éclairage de l'appartement et alla s'asseoir sur le canapé comme la jeune femme le lui avait demandé. La pièce était dans une semi-obscurité, à peine distinguait-on les ombres gravées par le reflet de la lune. Elle avala une gorgée de son scotch et regarda les étoiles devant elle. Elle avait déjà fait ça avant, même si ce n'étai pas de cette façon.

Elle sentit à peine la ceinture se relâcher autour de sa taille, pas plus que la soie qui glissait le long de ses bras. Au premier effleurement doux des doigts sur sa peau, elle tresssaillit involontairement. Un peu plus tard, les caresses plus fermes sur son ventre et ses cuisses réclamèrent toute son attention. Elle se tendit vers la femme agenouillée devant elle dans l'obscurité et une tension presque douloureuse l'envahit quand les lèvrees douces se fermèrent sur elle.

Les caresses lentes de sa langue moelleuse et veloutée balayèrent toute pensée cohérente et lui permirent de s'évader dans un plaisir presque insoutenable. Sa tête bascula en arière alors qu'un gémissement sourd lui échappait et que le plaisir grandissait au fond d'elle, l'emmenant au-delà de la soufrance. Les battements frénétiques  de son coeur emplirent ses oreilles et son souffle précipité était presque un sanglot. Elle lutta pour contenir le plaisir et échoua. Quand la vague déferla, abolissant tout contrôle, elle posa une main sur la tignasse sauvage de la jeune femme avec un long gémissement étrangé. Tremblante et abandonnée, pendant un court instant, elle glissa dans une miséricordieuse inconscience.

Puis, comme toujours, Lexa la raccompagna à la porte et lui remit une enveloppe posée sur la table de l'entrée.

_ Je serai absente pendant un moment. Je ne sais pas exactement combien de temps.

_ Est-ce que je te reverai ?

_ Je ne sais pas.

La jeune femme étudia cette quasi étrangère aux cheveux  bruns et aux yeux verts qu'elle avait rencontrée des dizaines de fois aux heures des plus sombres de la nuit, ici même ou dans des chambres d'hôtel de luxe, impersonnelles. Elle ne avait à peu près rien d'elle, excepté ce qu'elle avait appris de son corps. Elle connaissait ses muscles longs et fermes et la cicatrice récente sur sa cuisse ; elle connaissait les endroits les plus sensibles de son corps, ceux qui laissaient le souffle court. Elle se demandait à qui elle pensait quand elle jouissait en silence. Elle n'avait jamais cherché à savoir et elle ne le désirait pas vraiment; étrangement, elle voulait bien autre chose. Elle voulait lui laisser quelquechose d'elle.

Enfreignant toutes les règles, elle dit avec douceur : 

_ Je m'appelle Luna.

_ Luna, chuchota l'étrangères aux yeux verts et au regard impénétrable.

Elle l'embrassa pour la première fois, une brève et tendre rencontre qui était comme un baiser de retrouvailles ou d'adieu. Enfreignant toutes les règles à son tour, Lexa dit : 

_ Mon nom est Lexa.

Quand la porte se referma, les laissant retourner à leur vie, le souvenir indélébile de ce baiser serait tout  ce qui subsisterait entre elles.

Garde Du Corps avant toutWhere stories live. Discover now