23 Explications

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Le lendemain, dimanche, en tout début d'après-midi.

Depuis quelques minutes, ils marchaient dans la rue. Angelo était à la fois angoissé et fébrile. Il allait enfin mettre les pieds chez Christian, et même s'il tentait de se dire qu'il ne fallait pas en faire toute une montagne, il ne pouvait pas s'empêcher de trouver un peu de joie dans ces malheureuses circonstances.

Il s'était habillé de la façon la plus présentable possible, bénissant ce temps de fin novembre qui ne faisait pas honte au climat de la saison. Un froid quasi hivernal régnait déjà, et l'adolescent pouvait donc porter une écharpe sans qu'on se pose de questions. En effet, le petit suçon qu'il arborait imprimé sur son cou était tout sauf élégant. Il avait viré du rouge au violet pendant la nuit, et il s'étalait en petits pointillés disparates, peu visibles, mais ressemblant presque plus à une marque de strangulation plutôt qu'à un suçon digne des séries télé. Ça l'avait contraint à passer tout le dîner de la veille à repositionner ses cheveux sur son cou, prenant garde à remuer le moins possible pour qu'on ne lui pose aucune question gênante — il n'aurait pas su quoi dire.

Il frissonnait encore dès qu'il repensait aux événements de l'après-midi d'hier. Il tentait de ne pas s'appesantir là-dessus pour le moment — c'était trop frais —, par crainte de s'effondrer, comme ça avait été le cas le mois précédent. Il voulait éviter ça à tout prix. Néanmoins, il se sentait comme un animal blessé et apeuré. Il était sur la défensive.

À côté de l'adolescent, Sarah avançait sans lui accorder le moindre regard. Elle l'ignorait. Il aurait aimé discuter avec elle — même s'il n'appréciait pas toujours ses opinions —, mais elle faisait en sorte qu'il n'ose pas l'aborder ; évitant de tourner la tête dans sa direction, et marchant devant lui. Dès qu'elle le sentait accélérer, elle en faisait de même.

Depuis qu'ils avaient mis le nez dehors, elle n'avait pas prononcé un mot. Elle était clairement contre ça... aller chez Christian un dimanche après-midi — pour elle, c'était comme si on la forçait à suivre les cours un jour férié — et, pire encore, présenter des excuses : c'en était trop. Sarah considérait qu'elle était toujours dans son bon droit. Alors elle en voulait à Angelo. Pourtant, il n'y était pour rien, et il avait même essayé de la protéger. Il aurait eu envie de la secouer pour lui dire de cesser ses caprices de diva, mais il n'en ferait rien. Il savait que ça n'arrangerait pas la situation. S'il osait critiquer ses prises de position, elle allait se braquer et le mépriser d'autant plus. Ce n'était pas ce qu'il voulait. Au-delà même du fait qu'il ne souhaitait pas risquer de la voir déballer sa vie privée pour se venger, il désirait encore moins perdre ces prémices d'amitié qu'il tentait tant bien que mal de cultiver — et qu'il se sentait bien seul à entretenir, ces derniers jours.

Le pire dans cette histoire, c'était qu'il agissait par amour au détriment de l'amitié. Il aurait probablement dû se montrer capable de prendre le parti de Sarah contre Christian, et à la place, il n'avait pas su trancher — et s'il l'avait fait, ç'aurait été en faveur du proviseur. Tout ça pour quelqu'un qui le haïssait du fond du cœur. Il soupira. Il se trouvait stupide.

— Je suis désolé... dit-il assez fort, à l'attention de la jeune fille.

Elle ne répondit pas, avançant d'un bon pas, faisant comme s'il n'avait rien dit.

Angelo marcha encore dans son dos quelques minutes, hésitant. Il voulait désamorcer la situation, mais il n'avait pas envie de subir son courroux. Il n'arrivait plus à entendre des critiques sans que ça ne l'affecte. Il alternait entre des phases où il se disait qu'il était le plus pitoyable des minables et que tout reproche était mérité, et d'autres où il avait besoin d'éviter les critiques pour tenter de reconstruire son estime — dont il avait le sentiment qu'on avait détruit jusqu'aux fondations.

SurvieWhere stories live. Discover now