6 Tomber (1/2)

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L'automne s'installait. Le mois d'octobre pointait le bout de son nez et le temps s'était un peu rafraîchi.

Dimanche soir déroulait son tapis et je trainais dans ma chambre, regardant quelques feuilles mortes orange, jaune, rouge et marron voleter et tomber par terre depuis la fenêtre. Je devinais leurs couleurs mais ne les voyais pas distinctement. Il se faisait déjà tard, et les nuances s'étaient déjà couchées, elles.

C'était un spectacle apaisant, je ne m'en lassais pas. Peut-être même que j'avais passé les quatre ou cinq dernières soirées à ne rien faire d'autre. Oui, ma vie était palpitante.

L'avantage qu'il y avait pour moi de passer toute la soirée à guetter la chute des feuilles mortes — et leur danse face au vent — était que cela avait le mérite d'occuper mon esprit et d'empêcher toute concentration sur des sujets nettement moins plaisants.

Comme — par exemple — ma personne. Ouais, je suis très égocentrique et ma nouvelle vie tourne surtout autour de moi. Et ça fait un défaut supplémentaire sur lequel m'appesantir dans la longue liste de tares qui m'accablent et qui m'angoissent toujours plus. Mes prises de tête refusent de me lâcher, bien au contraire. J'ai le sentiment que mon malaise augmente de jour en jour, et je ne parviens pas encore à tirer les choses au clair.

Ce mois de septembre s'était écoulé de manière bien triste et plutôt monotone. Chaque journée ressemblait à la précédente et j'aurais eu bien du mal à distinguer ce que j'avais fait hier de ce qui était arrivé deux semaines auparavant. Mon quotidien était nul et sans intérêt, tout comme je l'étais.

Mes seuls moments de répit mental se résumaient aux instants passés en compagnie de Tom et de Sandra, aux disputes avec Sarah et à quelques autres brefs moments, comme les souvenirs concernant mes parents, les apaisantes douches brûlantes et mes doux rêves qui se faisaient de plus en plus rares.

Je présumais que le lendemain serait une journée comme les autres ; j'errerais en prétendant que tout allait bien alors qu'intérieurement, j'étais en lutte perpétuelle contre moi-même. Là-dedans, ça hurlait de rage et ça pleurait, ça passait de l'apathie à l'hystérie. Et plus j'y pensais, plus j'y pensais.

Lorsque j'allais me coucher, je me sentais plus lourd encore que la veille — comme chaque soir depuis de longues semaines.

***

Le lendemain matin, à l'heure de la récréation, je ne me retrouvais cette fois-ci qu'en compagnie de Sandra. Je lui claquais la bise — elle était très en demande d'affection.

— Salut ! T'as passé un bon weekend ? Tu sais où est Tom ? lui demandai-je.

J'appréciais cette fille, mais je n'avais aucune envie de passer toute la pause en solitaire avec elle. Je craignais toujours qu'elle ne décide — déjà ! — de me déclarer sa flamme. Je ne saurais pas tellement quoi dire, ni quoi faire. J'aurais peur de me griller.

— Salut. Il avait des amis à aller voir... me répondit-elle.

Je la sentais étrangement mal à l'aise. Et je ne comprenais pas pourquoi. Est-ce que c'était le moment que je redoutais tant ? Je commençais immédiatement à paniquer. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir dire ? Il fallait absolument que je la joue détendu, façon bon pote, et que j'essaie de tout prendre avec un humour bienveillant, que je la rassure si besoin, tout en étant ferme quant à mes intentions : toute une stratégie à mettre en place.

— Est-ce que ça va ?
Je lui posais la question parce qu'il fallait bien la poser, mais je n'avais pas envie de connaître la réponse. Pas. Du. Tout. Envie.
— ... ouais... ça va...

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