Survie

18 Accident

Dégage de là...

Il fallait qu'il se réveille avec cette maudite scène en tête. Il n'avait même pas encore ouvert les yeux que ces mauvais souvenirs s'insinuaient déjà dans chaque parcelle de son corps. Près de vingt heures que c'était arrivé et qu'il ne pensait qu'à ça.

Il tourna la tête et activa l'écran de son téléphone. Il n'était pas encore six heures. Il avait dormi par à-coups, se réveillant de nombreuses fois. Ça avait été tout sauf reposant, malgré le fait qu'il s'était couché avec les poules, Sarah n'osant pas le retenir dans le salon avec la famille. Il savait qu'elle l'avait couvé. Il avait senti qu'elle était venue plusieurs fois pour vérifier s'il dormait bien. Elle devait le prendre pour une pauvre créature fragile. Ce n'était pas le cas. Il accumulait les problèmes, certainement bien plus qu'elle n'en avait jamais connu, et il était toujours là, sur ses deux pieds. Aujourd'hui ne ferait pas exception à la règle.

Angelo décida de se lever. Il se sentait incapable de rester couché encore une heure ou deux. Il se prépara en silence, écoutant les conseils de Sarah en choisissant des vêtements plus présentables que ce qu'il s'enfilait habituellement. Puisqu'il devait parler à Christian, au moins une dernière fois, autant le faire avec un minimum de tenue.

Il était beaucoup trop tôt, mais ça lui laissait le temps de réfléchir à ce qu'il allait faire et dire. Le proviseur arrivait au lycée bien avant le début des cours, alors il comptait l'intercepter ; il pourrait ainsi s'entretenir avec lui sans que personne ne les dérange.

Il quitta la maison sans un bruit et sans rien manger. Ça faisait quelques temps qu'il n'avait pas sauté le petit déjeuner — depuis qu'il allait un peu mieux. Il n'aimait pas ressasser ça. Il essayait d'aller de l'avant et de laisser les problèmes derrière lui. Il marcha, par automatisme, jusqu'à arriver près du parking du lycée. Ses yeux se fixèrent dessus. Il regardait sans voir, sans réfléchir. Il était resté de l'autre côté de la rue, caché près d'un arbre, craignant que Christian ne s'enfuie en l'apercevant.

Angelo ressassait sans discontinuer. Il s'était forcé à cogiter sur comment dire ce qu'il avait à dire au proviseur, mais ses pensées le ramenaient toujours à la même chose, et en définitive, il n'était pas certain d'être capable de parler. Mais ça ne le minait pas. Il avait seulement besoin de le voir et de l'entendre, même si ce n'était pas agréable — ça, c'était pas sa raison qui le pensait.

Le temps s'écoula, mais l'adolescent n'y prêta pas attention. Le climat était très froid, son nez avait rougi, et ses cheveux isolés auraient presque pu geler avec l'humidité de l'air, s'ils n'avaient pas été planqués sous sa capuche.

Une voiture vint enfin se garer dans ce parking trop vide. Sa voiture. Angelo sentit sa propre respiration accélérer tandis qu'il quittait l'ombre de son arbre, prêt à traverser la route. Il n'accorda pas une once d'attention aux autres automobiles qui circulaient. On le klaxonna. Et Christian leva alors les yeux vers lui, tandis qu'il sortait — jusque-là très paisiblement — de son véhicule.

Il n'accorda pas un regard au jeune homme. Il ferma à clef la portière de sa voiture, mais ne put plus ignorer le garçon lorsqu'il sentit sa présence dans son dos. Il se retourna, se plaquant contre son auto. Il semblait à la fois légèrement effrayé — ça fleurait un début de harcèlement —, et agacé.

Angelo recula de deux pas, laissant un large espace de trois bons mètres entre leurs corps. Ça lui semblait être assez respectueux du besoin d'éloignement que paraissait souhaiter son interlocuteur. Il observa l'homme en face de lui, et il eut une furieuse envie — particulièrement insensée — de se blottir dans ses bras. Puis il leva les yeux sur son visage et n'osa pas ouvrir la bouche pour parler, tant ce regard l'intimidait.

Dégage de là...

Il fallait qu'il garde cette scène en tête, c'était important. Christian ne voulait pas de lui. Il le savait, alors il devait bloquer ses stupides pensées énamourées.