4 Sombre Hypothèse (2/2)

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Angelo était assis sur son lit, fixant toujours la petite boîte résolument kitch que Francis avait déposée sur sa table de chevet quelques minutes plus tôt. La couleur rouge s'estompait peu à peu de ses joues, même si ses sourcils restaient froncés. Perplexe, il attrapa l'objet d'un geste vif et le jeta dans le premier tiroir qui se trouvait à portée de main. Ça n'avait rien à faire ici.

Il se sentait encore étrangement mal à l'aise. Déjà à l'époque, lorsque son père en parlait, il se sentait nerveux des heures durant. Alors là, le fait que ça soit un quasi-inconnu qui ait évoqué le sujet — et qu'il l'ait même creusé —, le mettait d'autant plus mal à l'aise.

L'adolescent avouait sans peine qu'il détestait que l'on lui cause de tout ce que Francis venait de balancer. Peu importait qui lui en parlait : Angelo s'était toujours senti extrêmement tendu dès que quelqu'un abordait ce sujet — même s'il n'était pas concerné —, alors il était d'autant plus anxieux lorsqu'il se trouvait au centre de la conversation.

Il soupira, tentant de chasser ces obscures pensées bien loin de son esprit. Depuis le décès de ses parents, il n'avait pas eu une seconde à consacrer à ce type de réflexion, et il ne voulait pas que cela change. Cependant, il ne parvenait pas à virer de sa tête la discussion — monologue serait plus juste — qu'il venait d'avoir avec Francis. Du coup, il ne faisait que ressasser tout ça, remuant les souvenirs passés, et songeant ainsi aux nombreuses questions qu'il avait déjà dû affronter de la part de ses amis et de ses parents à ce propos ; car effectivement, comme l'avait si bien précisé son tuteur, Angelo était un charmant garçon, et malheureusement, certaines filles le constataient et agissaient en conséquence.

Ce que n'avaient pas compris les amis du jeune homme — ni ses parents, ni Angelo lui-même, il fallait bien le dire —, c'était pourquoi il ne finissait pas par sortir avec l'une d'elles ? De mémoire d'adolescent, il n'avait jamais flirté avec une nana, n'avait pas plus tenu la main d'une fille et avait encore moins embrassé l'une d'elles. Il avait bien eu une amoureuse en maternelle, mais ça remontait plutôt loin et puis, hormis le fait de s'être déclaré son amoureux, les choses en étaient bien évidemment restées là.

Pourtant, s'il fallait être objectif, les jeunes filles en question n'étaient globalement ni moches, ni stupides. Parfois, elles étaient même les plus jolies et les plus intéressantes possible. Angelo ne comprenait même pas pourquoi il les rejetait et pourquoi il ne remarquait jamais une belle fille, ni pourquoi il ne semblait attiré par aucune d'elles.

Ses amis lui avaient posé toutes sortes de questions à ce sujet, sans jamais obtenir de véritables réponses. D'une part parce qu'Angelo ne s'était jamais posé lesdites questions auparavant — il n'en avait aucune envie —, et d'autre part parce qu'il inventait toujours des mensonges, ou bien invoquait des prétextes plus ou moins subtils pour ne pas avoir à leur répondre franchement. Il ne savait pas pourquoi il réagissait de cette manière, à la fois étrange et virulente, mais il ne parvenait pas à agir autrement, et ses pensées se faisaient bizarrement troubles lorsqu'on lui parlait d'entretenir des relations amoureuses.

Angelo s'allongea bien à plat sur son lit. Il n'avait vraiment aucune envie de penser à ça. Il fallait qu'il cesse, tout de suite. Cette fichue introspection le dérangeait et l'empêchait de se sentir aussi bien qu'on pouvait l'être dans sa situation, sans parents, avec une sale peste dans les parages, et une veille de rentrée scolaire.

La vérité, c'était qu'Angelo craignait de découvrir des choses en lui dont il préférait tout ignorer — le trouble qu'il ressentait lui indiquait instinctivement de ne pas creuser. Pour remédier à ces atroces — ou pas — découvertes, il s'empêchait tout bonnement d'y penser et, jusqu'à présent, il n'avait jamais eu à se plaindre de sa technique.

En accord avec ses convictions, l'adolescent attrapa ses écouteurs et mit un peu de son à fond dans ses oreilles. Au moins, la musique le privait momentanément de focaliser sur le sujet.

Puis il éteignit la lumière de sa lampe de chevet. Après un certain temps, il finit enfin par s'endormir, bercé par les mélodies familières qui lui vidaient la tête.

***

Le lendemain matin, Angelo se réveilla avec un écouteur greffé sur l'oreille, l'autre étant allé se perdre quelque part entre l'oreiller et le drap. Consultant son réveil, il se souvint qu'il l'avait réglé un peu plus tôt, histoire d'être en mesure d'occuper la salle de bain avant le réveil de Sarah ; qui s'il avait le malheur de se réveiller un peu trop tard, ferait exprès de rester à l'intérieur jusqu'au dernier moment, il en était persuadé.

La tête lourde, il se leva et quitta la chambre. Il prit rapidement sa douche et se prépara à affronter sa nouvelle journée. Il descendit ensuite en direction de la cuisine, histoire de faire passer l'espèce de poids qui lui plombait l'estomac.

Marianne était réveillée et s'activait à préparer le petit déjeuner. Francis semblait être déjà parti.

— Bonjour mon garçon ! lança-t-elle en se tournant vers Angelo, un grand sourire aux lèvres.
— Bonjour ! lui répondit-il, parfaitement réveillé et tentant de se motiver.
— Tiens, sers-toi et mange ! dit-elle en posant une assiette devant l'adolescent qui venait de s'asseoir. Je vais aller réveiller ma fille : c'est une grande dormeuse ! dit-elle en riant, sur le ton de la confidence.

Angelo répondit à son sourire tandis qu'elle quittait la pièce. Puis il s'appliqua à tartiner ce qu'il avait sous les yeux avant de croquer dedans, tout en sentant les pensées de la veille s'insinuer brusquement dans son esprit.

— Putain de merde... pas ça... soupira-t-il, fataliste.

Il jeta un regard presque implorant en direction de sa tartine, qu'il ne se sentait plus d'humeur à grignoter. Si ses sombres idées persistaient à le hanter, Angelo savait qu'il allait passer une journée exécrable en tous points. Alors, concentrant toute son attention, il tenta de jeter toutes ses réflexions hors de son esprit. Malheureusement pour lui, il était de notoriété publique que lorsque l'on essayait de ne pas penser à quelque chose, on y songeait de plus belle.

C'est donc toujours occupé par cette activité de chasse à la gamberge qu'il quitta la maison pour aller au lycée, bien des minutes plus tard.

***

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