Survie

7 Réaliser (2/2)

Je ne savais pas quoi dire, alors je restai silencieux. En mon for intérieur, je savais que je n'avais pas beaucoup d'options. J'avais le choix entre ne rien lui dire, et elle ferait passer Tom pour une pédale ; ce dernier voudrait savoir d'où viendrait la fausse information, et Sarah balancerait que ça venait de moi, et alors tout le monde ferait le lien — j'avais pas de potes. Ou je pouvais éviter de perdre un copain et dire tout de suite la vérité à Sarah. Dans tous les cas, je m'enfonçais encore plus dans la merde. Comme je le disais plus tôt, ça pouvait toujours être pire, et là, c'était le début du cauchemar. Le vrai. Celui qui allait m'entraîner dans une spirale infernale.

Sarah était toujours face à moi avec son méchant sourire, guettant une quelconque colère de ma part, prête à étancher sa soif grâce à cette altercation inédite. Cette fille était un vampire émotionnel. Elle semait la zizanie et s'en nourrissait — c'était une certitude.

Je ne pus m'empêcher d'avoir les larmes au yeux. Cette fois, je les sentis monter et je parvins difficilement à les retenir. La diablesse ne sembla rien remarquer de mon œil brillant. Je m'assis correctement sur le lit, et adressai un signe de tête à Sarah pour lui faire comprendre de venir s'installer près de moi. Surprise par l'invitation, elle obtempéra.

Je pris mon courage à deux mains — chose qu'il me fallait trop souvent faire ces derniers temps —, et respirai un grand coup. Ça allait être très dur pour moi, mais il fallait que je lui dise la vérité. Il fallait que j'assume mes doutes. Quoi qu'il arrive, ça me retomberait dessus à un moment ou à un autre, alors autant ne mettre personne dans l'embarras.
— Écoute Sarah... je... commençai-je, avant d'être immédiatement interrompu.
— C'est pas la peine Angelo ! N'essaie pas de jouer la carte de la corde sensible. Il s'est bien foutu de ma gueule, maintenant c'est à mon tour ! Oui, il va forcément deviner que c'est toi qui m'as dit ça, et ensuite t'auras plus d'amis ! Mais c'est tant pis pour lui, et pour toi aussi. Apprenez à tenir votre langue, tous autant que vous êtes, bande d'idiots ! railla-t-elle.
— Écoute-moi, d'accord ! repris-je, tant que je me sentais encore capable de désamorcer le quiproquo. C'est pas lui qui est gay, je te jure...
— C'est ça... et maintenant t'essaie de sauver sa peau parce que t'as la trouille de perdre tes amis ! Charmant ! Quel preux chevalier ! ricana-t-elle, prête à quitter ma chambre.
Elle se mit à rire de plus en plus, et moi, j'avais de plus en plus peur de tout lui avouer.
— Ne fais pas ça, s'il te plaît... murmurai-je.

L'envie de vomir revenait en force. J'avais le sentiment qu'on me comprimait les entrailles. Et la migraine qui me taquinait le cerveau en avait profité pour s'intensifier. Ma tête allait exploser. Si je devais mourir tout de suite, ce serait presque un soulagement.

— Tiens donc ! Et voila que tu me supplies ! J'adore cette situation ! gloussa-t-elle avec un énorme sourire sadique.

Je me pris le ciboulot dans les mains. J'avais tellement d'appréhensions à l'idée que l'information fuite. Elle en serait d'autant plus réelle si elle quittait les méandres de mon esprit.

Est-ce que si je téléphonais à Tom pour lui expliquer la situation, il m'en voudrait ? Ou est-ce qu'il n'allait pas apprécier le geste et me balancerait devant tout le lycée lorsque Sarah aurait éparpillé le mauvais renseignement ? Ce serait certainement ça... Tom tenait à son style, il n'aimerait pas qu'on lui colle une étiquette qui ne lui convenait pas. Et, d'après ce que j'en savais, les homos n'étaient pas en tête de liste des minorités qu'il défendait, bien au contraire. S'il apprenait que j'étais gay, il ne me calculerait plus. Alors si on insinuait en plus qu'il l'était, il dénoncerait le véritable coupable sans la moindre hésitation.

Je m'étais mis dans cette merde tout seul, c'était à moi d'essayer d'en sortir avec mes maigres moyens.

— Sarah... je ferais ce que tu veux à condition que tu ne dises rien à personne !