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Je m'appelle Angelo.

J'ai fêté mes quinze ans il y a quelques semaines. À peu de choses près, je serais un adolescent des plus banals. Seule ombre au tableau : mes parents sont morts suite à un foutu accident de voiture il y a trois mois, et aujourd'hui, je vais découvrir ma famille d'accueil. C'est principalement pour cette raison que j'ai la migraine et que je suis extrêmement angoissé. Je n'ai aucune envie d'aller dans une nouvelle maison, avec de nouveaux parents, et encore moins envie de devoir reprendre une vie normale. Certainement pas dans l'immédiat. J'ai à peine eu le temps d'entamer mon deuil... franchement, prendre tout de suite un autre départ dans la vie, c'est comme les oublier et passer à autre chose — et merde ! —, je ne veux pas du tout faire ça, et je ne pense pas pouvoir y arriver.

Malgré ce manque d'entrain, j'ai pris la précaution de soigner mon apparence, pour honorer la mémoire de mes anciens, et pour éviter de leur faire honte. Ils étaient de ces gens qui accordaient de l'importance à ce type de détails. Alors j'ai revêtu le costard que j'étais censé porter à un mariage auquel je ne suis pas allé, faute de parents pour m'y traîner. Ensuite, j'ai noué mes cheveux sans laisser échapper aucune mèche ; puis j'ai jeté un rapide coup d'œil au miroir face à moi. J'ai l'air d'avoir au moins dix ans de plus, les traits fatigués, les sourcils froncés, et la mine renfrognée. Et il faut bien reconnaitre que du haut de mon mètre quatre-vingts, je suis relativement grand pour mon âge. J'ai une carrure plutôt athlétique, des cheveux noirs qui poussent un peu trop — me descendant sur les épaules lorsqu'ils sont détachés —, et de brillants yeux bleus, qui ont du mal à cacher mon angoisse et ma colère, se démarquent de mon visage, terni par les insomnies de ces derniers mois. Ma peau est vraiment pâle, conséquence directe de mes nuits cauchemardesques et d'un été passé enfermé dans un centre à chialer la tête dans l'oreiller. J'ai l'impression d'être un gamin qui a enfilé le costume d'un adulte, ou pire, d'être devenu adulte en l'espace de quelques semaines. Je me sens con.

***

Et c'est parti, me voilà installé dans la voiture qui doit me déposer chez ma famille d'accueil, en compagnie de l'assistante sociale qui gère mon cas depuis que je suis livré à moi-même. Je l'entends vaguement me signaler que le trajet menant à ma nouvelle demeure est assez long. Et je souhaiterais qu'il soit plus long encore ; qu'il n'arrive jamais à terme, si possible.

J'ai trop chaud, à l'étroit dans ces vêtements d'apparat. C'est normal, me direz-vous, on est en août. On subit encore l'été et ses températures caniculaires. Point positif : avec la fin du mois, viendra la fraîcheur... et point négatif : cette putain de rentrée qui approche à grands pas. Ah, les joies du lycée ! En seconde, histoire de faire d'une pierre deux coups ; nouvelle vie, nouveau système. Vais-je devoir me faire de nouvelles connaissances, dénicher de potentiels amis ? Je déteste ça. Je déteste les pouffiasses qui matent les mecs pas trop sales en remettant en place leur soutif rembourré, et c'est la même pour les trous du cul qui reluquent en se rajustant leurs microcouilles. Je déteste les abrutis qui se la pètent avec leurs sapes et leur coupe de merde, affublés de leur style copié collé sur le voisin. Et je déteste les fayots qui n'en ratent jamais une pour faire chier le monde — et tous ceux que j'ai pu zapper. Je les méprise tous, aussi nombreux soient-ils. Ils me refilent la gerbe, sans exception, ces connards qui ont une famille. Et c'est fou ce que la planète entière m'agace depuis que mes parents sont morts. Et cette rage qui me consume. Comme si j'avais le désir de voir tout le monde en deuil parce que je le suis. Voir les gens sourire, les voir s'amuser et tout simplement continuer à vivre, ça me tue.

Mes parents me manquent atrocement. Leur faculté à être toujours de bonne humeur, celle de relativiser facilement à chaque fois qu'il y avait un petit problème... ils étaient si proches de moi et je me sentais si bien avec eux ; ce qui n'est pas peu dire puisque la plupart de mes potes ne s'entendaient pas avec leurs propres parents. Nous étions une famille véritablement heureuse ; et bruyante aussi. Je me souviens que nos voisins venaient constamment sonner à la porte pour que l'on fasse un peu moins de bruit... malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin, disent les gens négatifs, dont je fais désormais partie. La leur est juste arrivée beaucoup trop vite, et on m'a oublié dans l'équation. Maintenant que ça devient plus réel que jamais, et qu'on m'a ôté jusqu'au moindre de mes repères... il se passera quoi, alors que je suis seul en milieu hostile ?

SurvieWhere stories live. Discover now