14 Sincères

36 4 54
                                    

Les vacances d'automne sont finies et c'est la rentrée, encore.

Angelo attend Sarah sur le pas de la porte et il désespère, car Mademoiselle n'a toujours pas fini de se préparer. Il ne tient pas à débarquer en retard au lycée par sa faute en ce jour de reprise, mais c'est ce qui risque d'arriver si elle ne se dépêche pas.

L'adolescent est plutôt en forme. Il mange mieux et il dort correctement. Il a pris des résolutions et il est prêt à aller de l'avant. Éviter de louper le début des cours en fait partie.

Sarah descend enfin les marches des escaliers et Angelo est surpris par son accoutrement.

Cette dernière l'ignore et va saluer sa mère, empochant au passage quelques sachets de biscuits pour grignoter en chemin.

Le jeune homme ouvre la porte d'entrée et avance jusqu'au trottoir. Elle le rejoint bientôt et ils se mettent en route.

— C'est quoi ce style ? lui demande-t-il.
— Comment ça ? fait-elle, l'air de rien.
Sa propension à répondre à ses questions par d'autres questions est agaçante.
— T'as pas l'impression d'en faire des caisses ? insiste-t-il.
Elle est habillée et maquillée comme s'ils retournaient en soirée.
— Et toi, t'as pas l'impression de même pas faire le strict minimum ? le toise-t-elle de la tête aux pieds, méprisant très clairement ses atours.
— On va juste en cours, réplique Angelo. Pourquoi tu veux frimer autant ? T'en as pas eu assez l'autre soir ?
— Ta gueule... les gens qui étaient à la soirée ce weekend vont nous reluquer et en parler à ceux qui étaient pas à la soirée, et si j'ai tous les regards sur moi, je préfère bien présenter. Pourquoi t'y as pas pensé, toi ? Tu me fous la honte avec ce vieux pantalon et ce sweat dégueulasse ! s'offusque-t-elle.
L'adolescent baisse la tête, mal à l'aise.
— Si je te fais honte... pas de soucis, on se calcule pas de la journée... on verra demain, avec un peu de chance tu me trouveras plus présentable...
Elle soupire.
— Ce sera pareil, à moins que je choisisse tes fringues... t'as un style terrible ! rétorque-t-elle.
— Navré de pas être assez superficiel... répond-il.
Sarah est en train de le mettre de mauvaise humeur et il n'a pas besoin de ça.
— J'ai des yeux, et ils préfèrent quand c'est harmonieux, c'est tout, dit-elle.
— C'est tes yeux qui te poussent à croire que tout le monde s'intéresse à notre couple ? demande l'adolescent.
— Ouais... ce sont — c'est comme ça qu'on dit —, mes yeux qui observent que certaines personnes attirent le regard plus que d'autres. Au lycée, t'en fais partie.
Sombre nouvelle pour Angelo.
— Comme quoi, peut-être que mon super style vestimentaire y est pour quelque chose ! tente-t-il avec une pointe d'humour, pour essayer de masquer la petite angoisse qui s'insinue en lui.
Il déteste qu'on se focalise sur sa personne. Il n'y a rien à voir, circulez !
— C'est ça, rêve ! ricane Sarah.
Ils marchent quelques secondes en silence, puis elle reprend la discussion.
— Tu fais quoi pendant tes pauses, habituellement ? lui demande-t-elle.
— Je me planque, répond naturellement Angelo.
Elle lui jette un drôle de regard.
— Comment ça ?
— Je m'enferme aux chiottes pour qu'on me fiche la paix... avoue-t-il.
Sarah se rapproche de lui et lui prend la main.
— T'es plus tout seul, maintenant, lui dit-elle.
— Je sais, réplique-t-il en lui adressant un léger sourire et en caressant la main qu'il tient entre ses doigts.

Et ça le réconforte. Elle est là, imprévisible mais stable à la fois. En quelques jours, elle est devenue son roc. Il ne sait pas si c'est une bonne chose ou si ça devrait le stresser plus encore, mais c'est un fait.

— Viens me retrouver pendant la pause, je serai avec les copines. Et souris un peu, hein... j'ai pas envie qu'on croie que je sors avec un zombie, balance-t-elle, toujours aussi rustre.
— Merci... peut-être que je serais moins éteint, si vos discussions étaient un tant soit peu intéressantes ! se moque-t-il.
— Vas-y, le génie, fais-moi part de ton analyse si subtile ! le raille Sarah.
— J'ai pas grand-chose à en dire, c'est vite étudié. Les trois-quarts du temps vous parlez de mecs, et — oh ! surprise ! — de mecs, encore...
— Et alors ? C'est un sujet qui devrait te brancher, le coupe-t-elle.
Angelo rougit tandis qu'ils marchent à bonne allure.
— Figure-toi que c'est pas du tout une discussion que j'ai envie d'avoir, peu importe avec qui, dit-il, gêné.
— Dommage... j'ai pas perdu la boule, tu m'as fait comprendre qu'un mec te plaisait au lycée. Il est canon ? lui demande-t-elle, toujours aussi curieuse.
— Pas du tout ton genre, réplique l'adolescent en sentant un nœud apparaître dans son estomac.
— Parce qu'il est mal sapé, comme toi ? questionne-t-elle.
— J'en sais rien, peut-être... commence Angelo, avant de reprendre. Mais je ne crois pas que ce soit très classe de parler de ça avec ma petite amie...
— Clairement pas, mais bon... t'as aucun savoir-vivre, c'est pas nouveau ! affirme-t-elle avec sa nonchalance habituelle.
— C'est toi qui a amené le sujet sur le tapis ! s'indigne Angelo, en la tirant gentiment par la main pour signifier son mécontentement.
Sarah essaie vainement de l'attirer dans sa direction, tout en répliquant.
— T'as choisi de répondre, c'est toi le boulet, déclare-t-elle en lui souriant.
Ses sourires semblaient toujours — ou presque — machiavéliques.
— Faux ! T'es beaucoup trop curieuse ! rétorque l'adolescent.
— Et toi, tu tombes à chaque fois dans mes pièges ! lui révèle-t-elle en haussant les sourcils.
Il la gratifie d'un léger sourire, et elle vient se blottir tout contre lui.
— T'es pas un marrant et t'es pas hyper malin, mais depuis quelques jours, parfois, je t'aime bien... lui dit-elle, constamment armée de son légendaire franc-parler.
— Je vais prendre ça pour un compliment... maugrée-t-il.
— C'en est un... ronronne-t-elle.

SurvieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant