8 Faire Semblant (2/2)

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Le regard d'Angelo balayait un recoin de la cour du lycée lorsqu'il sentit quelqu'un près de lui. C'était son directeur. Il marchait très silencieusement ! Ou alors, l'adolescent était dans le gaz. C'était ça. Complètement à la ramasse. L'adulte le fixa, de son désormais habituel regard inquiet réservé aux moments où il s'adressait à lui. Angelo était tellement triste comme type qu'il lui avait fait perdre son — légendaire — sourire.

— Il faut que je te parle mon garçon... commença-t-il.
Il avait une lueur grave dans les yeux.
— ... suis-moi dans mon bureau, s'il-te-plaît...


L'adolescent se sentit d'autant plus angoissé. Qu'est-ce qu'il pouvait bien avoir à lui dire ? Est-ce qu'il lisait dans ses pensées ? Pitié, non. 

Sans mot dire, il se leva et le talonna.

Le proviseur ferma sèchement la porte du bureau dès qu'Angelo en franchit le seuil.

— Assieds-toi ! lui ordonna-t-il, sur un ton très sombre que le jeune homme ne lui connaissait pas encore.

Tous deux s'installèrent. L'un devant le bureau, et l'autre derrière. Angelo, stressé, fixait l'homme sans pouvoir le quitter des yeux.

Ce dernier dégaina un dossier que l'adolescent identifia comme étant constitué de son livret scolaire et d'autres nombreuses feuilles volantes qu'il était incapable de déchiffrer à si bonne distance.

De longues secondes — peut-être même des minutes — s'écoulèrent, pendant lesquelles l'adulte ne prêta plus aucune attention au jeune homme, feuilletant les documents. Puis il ferma le dossier, le reposa bien à plat sur son bureau, joint ses mains sur la table et leva enfin les yeux vers lui.

— Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez toi mon garçon, et j'aimerais que tu m'en parles, dit-il d'une voix à la fois grave et pourtant si calme.

Trop sérieuse, cette nouvelle attitude. Angelo détestait ça. Il voulait juste le voir sourire. Ça lui mettrait peut-être un peu de baume au cœur.

Il évita le regard inquisiteur du proviseur, fixant le sol sans le voir. Il y avait tellement de choses qui n'allaient pas chez lui, il n'aurait pas su par où commencer. Et il ne pouvait pas en parler. Il avait bien trop de mal à exprimer ses propres pensées face à lui-même, alors comment les révéler à cette personne en particulier ?

Il inspira un grand coup. Il fallait bien qu'il réagisse. Alors il répondit, mal à l'aise, mais souhaitant démontrer une certaine assurance.

— Ce n'est rien de grave, Monsieur... j'ai perdu mes parents il y a quelques mois... vous le savez... et, euh... j'ai du mal à trouver mes repères... je suis désolé... je fais mon deuil... ce n'est pas tous les jours facile.

Il commençait à dégainer un peu trop souvent cette — non moins vraie pour autant — excuse. Et ça le dérangeait. Mais il ne se sentait pas capable de fournir une autre explication.

L'adulte le fixa plus intensément encore.

— Essaie encore, dit-il, agrémentant ses mots d'un petit sourire austère.
Rien à voir avec le joli grand sourire dont il gratifiait autrefois Angelo.
— Comment ça ? demanda l'adolescent, gêné.
— Tu as l'opportunité de t'exprimer librement, Angelo. N'ignore pas cette chance, ça n'arrive pas si souvent que ça.

Le jeune homme baissa les yeux. L'homme en face de lui semblait être courroucé. Une colère froide. C'était presque imperceptible, mais il s'était raidit.

Comment Angelo s'en rendait-il compte ? Il l'avait certainement observé bien plus qu'il n'aurait dû. Face à ce constat, une gêne supplémentaire l'étreignit.

SurvieWhere stories live. Discover now