20 Un Début de Relation (1/2)

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Il s'approche de moi pour me claquer la bise, mais j'effectue un mouvement de recul instinctif et lui tends ma main pour qu'il la serre. Il esquisse un petit sourire — qui me fait me sentir encore plus craignos — et me regarde de la tête aux pieds.

— Ça me fait plaisir de te voir ! T'es super mignon ! s'exclame-t-il en m'adressant un sourire charmeur.

Moi qui croyais que j'avais tout l'air d'une loque...

Je soupire, entrevoyant un petit rayon de lumière dans mon monde qui commençait à s'assombrir dangereusement — il faut que j'évite de penser.

— ... ah... euh... c'est gentil...

Et voilà, le retour de la panique et de l'embarras verbal. L'après-midi risque d'être long.

Cédric arbore un petit air gêné, et je repense aux remontrances de Sarah, alors j'ajoute un petit mot sympathique.

— ... t'es... pas mal non plus...

Je ne suis pas certain d'être convaincant. Il est mignon lui aussi, je ne prétends pas le contraire, mais est-ce que j'avais envie de le lui dire ? Pas vraiment.

Je me rends compte, en le revoyant, qu'il n'est pas du tout mon style de mec — est-ce que j'ai réellement un style de mec ? Ou est-ce que je me fie simplement au fait qu'il ne semble pas avoir de point commun avec Christian ? Je réalise que j'ai beaucoup de mal à juger de manière positive tout ce qui n'est pas lui — et réciproquement, je n'arrive toujours pas à le blâmer pour sa conduite à l'égard des homosexuels.

— Je te sens plein d'entrain... me dit Cédric, qui, cette fois, doit être refroidi par mon attitude.

Il en a perdu son sourire de dragueur et l'a troqué contre une petite grimace assez triste. La tête penchée, il fait la moue en m'observant sans vergogne. C'est beaucoup trop insistant pour paraître désintéressé. J'essaie d'esquiver son regard et focalise mon attention sur le parc.

— Pourquoi est-ce que tu m'as donné rendez-vous ici ? me demande-t-il. Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse de notre après-midi ?

Pourquoi ici ? Ça, c'est évident, mais je ne me vois pas lui dire que je n'ai pas envie qu'il me saute dessus — visiblement, je suis un gamin trop prude, et d'après Sarah, tout le monde sauf moi ne pense qu'à se tripoter. Alors je ne prends aucun risque, surtout face à un mec qui a l'air d'en vouloir à mon innocence. Quant à ce que je veux faire de l'après-midi : c'est une très bonne question. Qu'ai-je bien envie de faire ? Rien en particulier.

Cédric me fixe toujours intensément, j'ai peur qu'on remarque qu'il me lorgne dessus — pire, que les gens croient qu'on est ensemble.

— ... on peut marcher dans le parc... dis-je, pour faire preuve d'un peu d'initiative — je ne fais que répondre à sa question —, malgré mon absence de véritable intention.

Il ne dit rien — il jauge ma proposition ? —, et je sens une gêne s'installer. Il m'avait pourtant semblé bavard à la soirée, l'autre fois. Sans compter les caisses de messages envoyés alors que je lui répondais à peine. Là, il est muet comme une tombe. Il me ferait presque pitié, avec son petit sourire triste et ses grands yeux sombres voilés par l'envie — l'envie ? je ne sais pas de quoi il s'en retourne exactement, et je ne veux absolument pas y penser.

— Si tu veux, murmure-t-il d'une drôle de voix — chaude et séductrice ? comme lors de notre première rencontre —, je t'emmène manger une crêpe ou une gaufre — ou toute autre sucrerie qui t'irait bien — dans un chouette salon de thé qui est pas loin d'ici. Ça te dit ?

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