Survie

19 Aller de l'Avant (1/2)

Me voilà face à la porte de la chambre de Sarah. Je réfléchis. Est-ce que je la dérange dans ses activités, ou pas ?

Je n'ai pas été la personne la plus amicale du coin ces derniers temps. Je l'ai évité comme la peste. Globalement, j'ai esquivé tout le monde, mais elle en particulier. Je n'ai pas trouvé le courage de lui parler. Pas envie d'avoir à lui raconter toute la vérité. Je sais qu'elle m'aurait cuisiné. Elle a dû trouver que j'étais un gros nul — comme souvent —, mais elle m'a fichu la paix après avoir tenté quelques infructueuses approches les premiers jours. Je crois qu'elle s'est dit que j'étais une cause perdue à partir de l'instant où je lui ai avoué que je comptais discuter avec Christian.

C'était il y a dix jours, tout pile.

Il m'a fallu ce temps-là pour digérer le rejet radical de Christian et tout son mépris à mon égard. J'étais motivé, alors je trouve que je ne m'en suis pas trop mal sorti tout seul. J'y tenais. C'était important que j'y parvienne par mes propres moyens, même si ça a surtout consisté en un repli sur moi. Néanmoins, contrairement à ce qui a déjà pu m'arriver, cette fois, c'était pour me recentrer sur ma personne et pour prendre un peu soin de moi. Les jours qui ont passé ont fait le reste.

Je pense toujours énormément à mon directeur, mais je me suis fait une raison. Le croiser est encore très douloureux — et me plonge dans un état de grande tristesse —, cependant, ça finira bien par passer.

Je réfléchis donc à ce que je peux faire de ma vie maintenant que j'ai à peu près repris conscience du monde qui m'entoure. La première chose qui me vient à l'esprit, c'est de discuter avec Sarah. Je lui dois bien ça. Et puis, il faut que je lui raconte la vérité — j'en ai besoin — et que j'en profite pour lui demander quelques conseils — je ne suis pas certain qu'ils soient fiables, mais bon... je ne connais rien concernant les relations amoureuses, et ma tentative de gérer seul face à Christian ayant été un franc succès, je me suis dit que j'allais bien avoir besoin de quelques recommandations avant de contacter Cédric ; qui m'a envoyé quelques messages et à qui je n'ai toujours pas répondu — je me régénérais. Sarah a un point de vue sur beaucoup trop de sujets, elle sera forcément à même de m'éclairer.

Alors je frappe finalement deux petits coups à sa porte, et j'attends.

— Ouais ! répond-elle.

Je prends ça pour une invitation et j'ouvre doucement le battant avant de me glisser dans sa chambre en refermant derrière moi.

— Eh ben... qui voilà ! s'exclame-t-elle en levant les yeux sur moi. Cro-Magnon sort enfin de sa caverne, il découvre que d'autres grottes sont habitées : va-t-il enfin oser développer le langage et échanger avec ses congénères ?

Elle est assise sur son lit, dos contre le mur — un oreiller lui rendant la position plus confortable —, les jambes étendues devant elle.

Je baisse les yeux et me gratte la tête. J'avais jamais remarqué ce tapis, au sol, multicolore et à poils longs, avec motif géométrique — pourtant, il est très tape-à-l'œil... Décidément, il va falloir que je sois beaucoup plus observateur.

— Je suis désolé, dis-je. J'ai eu besoin de rester tout seul, dans mon coin...

Je lâche le tapis des yeux pour l'observer un instant avant d'y revenir. Il ne m'intimide pas tellement, lui. Quand je le regarde, je ne me sens pas coupable.

Elle me fixe, songeuse.

— Et d'un coup, t'as plus envie d'être tout seul, et tu te pointes alors que tu m'as pas calculé pendant des plombes ? avance-t-elle, un vilain sourire aux lèvres, que je capte du coin des yeux.