15 Révélations

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Tout va bien ?

Voilà le message que j'avais envoyé à Sarah une demi-heure plus tôt.

Ça faisait déjà un moment qu'elle était entre les griffes de Geoffrey. J'avais pu rentrer, faire tous mes devoirs, et même trouver le temps de lire quelques chapitres d'un bouquin. Les minutes avaient filé et je m'étais rendu compte un peu tard que ça faisait nettement plus de deux heures qu'elle était partie. Oups !

Heureusement, elle m'avait rapidement répondu, étouffant mon inquiétude naissante.

Le renard quitte le poulailler, je répète, le renard quitte le poulailler.

J'avais bêtement ri malgré mon estomac noué. J'enviais Sarah de pouvoir être là-bas, chez mon directeur. Elle avait peut-être pu lui toucher deux mots et il lui avait souri — parce qu'elle n'avait pas mis de coup de poing dans la tronche de son petit-fils, elle, même si ça lui démangeait certainement. Et accessoirement, parce qu'il était dingue d'elle, cet idiot de Geoffrey. Ça ne pouvait que la rendre sympathique auprès d'un grand-père bienveillant.

Alors que moi... j'avais torpillé toutes les chances d'être acceptable à ses yeux. Il ne voulait même plus voir ma tronche.

Je soupirai. Retourner au lycée n'était pas simple du tout. J'étais motivé par les cours, mais de savoir que nous cohabitions dans le même espace — lui et moi —, c'était émotionnellement épuisant.

C'est alors qu'on frappa à la porte de ma chambre.

— Entre ! répondis-je, ayant deviné l'identité de ma visiteuse.

Sarah referma silencieusement ladite porte après avoir pénétré dans mon antre, venant s'affaler sur le lit, tout près de moi. Je posai mon livre sur la table de chevet et elle en profita pour hisser sa tête au niveau de la mienne. Elle m'embrassa, toujours avec cette pudeur pour laquelle je la remerciais systématiquement en silence.

Elle me regardait, espiègle. Elle attendait certainement que je la cuisine, mais je n'allais pas le faire. Je n'étais pas certain de vouloir en savoir plus concernant cet homme qui me perturbait. Sarah était intimement persuadée que ça me permettrait de me détacher, mais j'étais sûr que ça pouvait être à double tranchant. Et si j'aimais — beaucoup — ce que j'apprenais ? C'était un vrai risque.

Néanmoins, mon cœur se mit à battre plus vite, sans doute à la perspective d'en assimiler davantage le concernant.

— Ça va ? lui demandai-je, la tête sur l'oreiller, la regardant droit dans les yeux, tentant inconsciemment de sonder les tréfonds de son âme pour savoir si elle avait de véritables révélations à me confier.

Elle me répondit par un étrange sourire, restant délibérément silencieuse. Elle posa sa tête face à la mienne sur l'oreiller, me forçant à tourner ma caboche pour la suivre du regard. Une main posée sur mon torse, me caressant le teeshirt, elle sembla un instant se perdre dans ses pensées.

Est-ce qu'elle essayait de me pousser aux mêmes crises d'impatience dont elle pouvait faire preuve ? J'étais tenté de lui dire que ce n'était pas mon genre, mais non... ça ne valait pas le coup de s'exprimer pour ça. Et puis c'était une drôle de façon de la taquiner à mon tour. L'air de rien, et sans faire quoi que ce soit.

— Ouais, tout roule, finit-elle par affirmer. Et toi ? demanda-t-elle, ne semblant pas du tout intéressée par la réponse que je pouvais apporter à cette question.

Je hochai la tête. Inutile de m'étaler et de balancer que je me sentais tout chose depuis qu'on avait croisé le directeur ce midi.

— T'as rien à me dire ? Tu viens pas aux nouvelles ? s'enquit-elle après une autre minute de silence.
Je lui souris à mon tour.
— Non, rien de spécial...
Je savais que ça ferait mouche. Elle me jeta un regard noir.
— Tu le fais exprès ! s'exclama-t-elle. Pas de soucis, je garde tout pour moi ! me menaça Sarah, plus ou moins gentiment, entre la blague et la mesquinerie.
— Pas de problème, dis-je simplement en fermant les yeux.

SurvieWhere stories live. Discover now