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Samedi soir.

Déjà deux heures que cette maudite fête a débuté, et tout autant de temps que je suis greffé au bras de Sarah, qui ne me lâche pas. Ma chère et tendre jubile, et je le ressens dans son attitude : grands-sourires exagérés à tout va et surexcitation démesurée lorsqu'elle m'agrippe.

Moi, je me sens comme un parfait crétin. Je n'ai d'autre choix que la suivre et je réponds gauchement aux salutations et aux questions que l'on me pose. Elle m'avait vendu une soirée avec quinze personnes maximum, mais même si je n'en ai pas compté plus que ça, j'ai le sentiment à la fois qu'il y a beaucoup trop de monde, mais pas assez pour que je prétexte un besoin pressant et que je puisse disparaitre aux toilettes pendant des heures.

C'est à chier, je passe un mauvais moment, et même les compliments de deux-trois personnes concernant notre joli couple ne me dérident pas. Je force quelques sourires, mais n'engage pas la conversation. Je ne me sens pas à ma place. Ça discute de ragots, de futures soirées, du lycée, d'alcool, des réseaux sociaux et d'anecdotes passées.

Est-ce que c'est moi qui suis à côté de la plaque ? J'aurais aimé bavarder de jeux vidéos, de bouquins, de musique — celle que j'affectionne uniquement, je l'avoue...

À un moment, je sens que Sarah est un peu plus à son aise avec ces quasi-inconnus — complets à mes yeux —, et je profite du fait qu'elle soit en pleine discussion pour m'éclipser dans le jardin de cette immense baraque.

L'air est très frais, mais ça me fait du bien. La solitude et le calme sont les bienvenus.

Je marche un peu, m'éloignant des fenêtres trop lumineuses. Mon répit est de courte durée, car je repère rapidement une silhouette qui quitte la maison et qui se dirige vers l'endroit où je suis.

C'est un jeune homme que je n'avais pas tellement remarqué jusque-là. Il approche et s'arrête à près d'un mètre de moi, allumant une cigarette.

— Salut ! me lance-t-il avec un grand sourire. T'en veux une ?

Il me tend son paquet de cigarettes. Je fais non de la tête. Il est blond, cheveux courts mais qui poussent dans tous les sens — certainement un bordel organisé, ça n'a pas l'air si naturel —, et de grands yeux qui m'ont tout l'air d'être noirs. Il est plus petit que moi et il est plutôt joli garçon.

— Tu es Angelo, n'est-ce pas ? Le beau gosse du soir... pas très loquace... fait-il en riant gentiment.

Sa remarque m'étonne. Il est jaloux ? Sa copine m'a reluqué toute la soirée ? Il me gonfle déjà...

— Tu me veux quelque chose en particulier ? que je lui demande, ne retenant pas ma mauvaise humeur.

Il avance d'un pas supplémentaire, se retrouvant un peu trop près à mon goût. Je détourne la tête tandis qu'il aspire de nouveau de la nicotine plein les poumons.

— Dis-moi, bel Angelo, que fais-tu bras dessus, bras dessous avec cette fille, alors que je vois parfaitement que c'est pas du tout ta came... déclare-t-il, en employant un ton étrange, que je suis incapable d'identifier.

En entendant ça, je panique. Bordel de merde ! Ce type est au courant ! Comment est-ce possible ? Est-ce que Sarah a cafté en douce ? Il n'y a quand même pas marqué « pédé » sur ma tronche, si ?

Je regarde à droite, à gauche, et les battements de mon cœur s'accélèrent. J'ai la sensation d'étouffer. J'essaie de calmer ça, et je lui crache violemment une réponse à la figure.

— De quoi tu te mêles ? Qu'est-ce que tu t'inventes ?
Il esquisse un petit sourire en tirant sur sa clope.
— T'as l'air de t'emmerder avec elle. On croirait qu'elle t'a mis un couteau sous la gorge pour que tu viennes ici, dit-il en expirant.

SurvieWhere stories live. Discover now