#19 - Lost in translation

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My tailor is rich. The flowers are beautiful.

Même l'anglais, qui est pourtant omniprésent dans notre culture, c'est compliqué. Combien de professeurs sont parfaitement incapables d'expliquer les subtilités de la prononciation à des enfants de 8 à 18 ans ? Combien d'entre eux vous ont été parachutés, sur le seul prétexte qu'ils parlaient la langue, sans avoir la moindre notion de pédagogie ? Comment quelqu'un qui a toujours pratiqué l'anglais, peut réellement se mettre à la place d'une personne qui n'en connait absolument rien, afin de l'expliquer ? Combien d'entre vous, francophones, savez correctement prononcer "heart" ? Combien de noms factices en "ing", comme parking, dressing, pressing ou camping, va-t-on encore inventer ? A quel moment vous a-t-on précisé les subtilités entre les différents accents ? Pourquoi le Youtubeur Edward, que je remercie par ailleurs pour tout ce qu'il nous apporte, ne sait toujours pas faire la différence entre le financement participatif (crowdfunding) et le ravitaillement par les corbeaux ("crowfunding"). Pourquoi, après tant d'années de pratique, ne suis-je toujours pas capable de prononcer "Spiderman" correctement ? Je vous épargne les "th", les diphtongues, les "phrasal verbs", les voyelles longues, les courtes et les 9 prononciations de "ough". Nous avons honte en France de parler anglais. Nous sommes incapables de l'apprendre correctement, et nous détestons notre accent.

***

" - Ta Maman vient d'accoucher, tu as une petite sœur.

- Ah bah c'est pas trop tôt !

- Ce soir, ton papa viendra te chercher, vous irez à la maternité ensemble. Donc tu ne prends pas le car comme tous les jours, d'accord ?"

***

Pour ma sœur pourtant, comprendre l'anglais fut vite devenu indispensable. Elle avait une copine bilingue, qui parlait anglais avec ses parents. Cela avait dû l'impressionner, et même attiser sa curiosité. Elle devait se sentir parfois exclue chez sa copine de même, par des mots qu'elle ne comprenait pas. Alors chez mes grands-parents, quand tout le monde se mettait à parler une autre langue, pour elle, c'était de l'anglais.

Mais plus que des grand parents et arrière-grands-parents que nous ne visitions qu'en de rares occasions, c'est surtout son frère qui jouait à des jeux incompréhensibles. Pourquoi avoir appris à lire, si ce n'était que pour déchiffrer des mots étrangers, sur l'écran de télévision ?

Je ne lui ai en effet rien épargné. J'avais tout revendu. Secret of Mana en premier lieu, rare jeu en français dont elle avait pu déchiffrer quelques lignes, le temps de ses premières parties. Puis tout le reste. Les jeux en français avaient tous été bannis de la maison. Mon unique but était de me procurer Final Fantasy VI, dont j'avais vainement attendu l'arrivée dans notre hexagone, pendant plus d'un an. Si j'avais été patient, il m'aurait fallu attendre 12 ans de plus.

Les japonais se moquaient bien de savoir qu'à l'autre bout du monde, nous faisions des pieds et des mains pour récupérer quelques miettes de leur gâteau. Ils avaient bien essayé d'exporter quelques-uns de leurs trésors. Les quatre premiers Dragon Quest ont eu le droit à leur traduction en anglais. Mais chaque épisode, vendu à des millions d'unités au pays du soleil levant, n'a reçu qu'un accueil froid dans celui de l'oncle Sam. Ils ne sont pas parvenus jusqu'à nous. L'indifférence des U.S.A. nous en a privé.

La raison de cet accueil mitigé était une différence culturelle conséquente. Avec des chauves-souris à la bouille ronde, des monstres souriants, et des fantômes qui tirent la langue, Dragon Quest était "mignon". Or, dans les années 80 outre-Atlantique, on vendait du muscle saillant. Les maitres de l'univers étaient alors pour les enfants, le pendant de Stallone et de Schwarzenegger. Il y était question de détenir "la toute-puissance", à dire avec une voix grave et un ton sentencieux. Quand les japonais sont donc arrivés avec leurs Dragon Quest sans relation, les équipes marketing locales décidèrent de retravailler les boîtes. En tentant de faire passer l'ensemble pour du Conan le Barbare, ou du Dungeons and Dragons, la déception mutuelle fut donc logiquement au rendez-vous.

Manette au poingWhere stories live. Discover now