Chapitre 24, Partie 2

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Aly, Tyler et moi passons donc le reste de l'après-midi ensemble, comme au bon vieux temps. Ils m'ont terriblement manqué. Le temps est mauvais, alors nous restons à l'intérieur et nous nous occupons en jouant aux jeux vidéos, et en discutant de tout et de rien, même si les révélations sur notre directrice pèsent dans nos esprits. J'ai presque l'impression d'être de retour dans notre salon à Miami, mais quelques détails ont changé : ici, pas de lumière du soleil qui filtre à travers les fenêtres, des cerveaux toujours alertes, et une Alyssa distante avec Tyler. Je la comprends, entendre Tyler parler sans cesse d'Isabel est douloureux. Alors elle se met en retrait, ce que mon ami n'a pas l'air de remarquer.

Nous assistons ensuite à une brève réunion avec la section informative, qui se déroule sans accrocs. Le soir venu, je ne peux m'empêcher d'aller retrouver Aaron, qui s'apprête à fermer la porte du quartier de la section administrative.

Je m'approche de lui et le salue, et un franc sourire fend son visage.

— J'ai bien réfléchi, j'aimerais te proposer de faire plus ample connaissance avec mes amis, je lance de but en blanc.

Il se fige, et se racle la gorge, mal à l'aise. Sa réaction n'est pas du tout celle à laquelle je m'attendais. Je suis décontenancée.

— Heu... Qu'est-ce que je dois en conclure ?

— Amber. Ce n'est pas parce que nous... nous entendons bien...

Il hésite sur l'expression, cherche mon approbation. J'acquiesce en souriant. C'est un euphémisme.

— ... que c'est le cas avec tout le monde.

— Je ne vois pas du tout où tu veux en venir.

S'il essaye de faire mention de son sale caractère en tant qu'entraîneur, ce n'est pas ça qui fera fuir mes amis. Je m'apprête à le lui dire quand il poursuit.

— Tu te rappelles notre discussion au musée ?

Un sourire éclaire mon visage.

— Je t'avais signifié qu'il serait préférable pour toi de te tenir loin de moi.

Mon sourire s'évanouit.

— Aaron, tu me l'as dit toi-même, tu n'es plus un Vampire. J'ai entièrement confiance en toi, je fais, fronçant les sourcils.

La facilité avec laquelle je prononce cette phrase et le mot Vampire me surprend.

— Tu as très probablement tort. Personne ne sait ce dont je suis capable, ni même ce que je suis. Je ne devrais pas fréquenter d'autres humains outre mesure.

— Es-tu en train de me dire que tu crains d'avoir toujours une part de Vampire en toi ?

— Ce que je veux dire, c'est qu'il serait imprudent de me considérer comme inoffensif. Qui sait si le monstre en moi n'attend pas le moment propice pour se réveiller ?

— Tu penses être capable de nous blesser ? je hoquète, choquée. De nous tuer ?

Il réduit la distance restante entre nous et prend mon visage entre ses paumes. Il articule d'une voix sans appel :

— Je ne te ferai jamais de mal, je t'en fais la promesse. J'ai passé les derniers mois à m'en assurer. Tu es beaucoup trop précieuse à mes yeux.

Le souffle court, je le questionne :

— Mais en ce qui concerne mes amis ?

— Je ne veux blesser personne, répond-il en secouant la tête.

Je médite ses paroles.

— Tu ne te fais pas confiance, je déduis.

Il baisse la tête, j'ai visé juste.

— Pire même... Tu te fais peur.

Comme la nuit de ses grandes révélations, dans la voiture, c'est la compassion qui me submerge. Je n'ai plus devant moi cet homme si fort, si fier, ce modèle de courage, de justice, et de loyauté, mais un être vulnérable.

Sans hésiter, je le prends dans mes bras, l'attirant vers mon cœur. Sa tête se pose sur mon crâne. Après quelques instants, il se laisse enfin aller.

Nous demeurons ainsi une minute ou deux, le temps nécessaire pour lui transmettre tout l'amour et la confiance que j'éprouve, savourant notre proximité. Puis, il se recule doucement.

— Est-ce pour cela que tu tiens tout le monde à distance en étant si froid ?

— J'ai parfois l'impression que quelque chose est brisé en moi. Que je serai pour toujours une créature brutale et sanguinaire.

— Je suis persuadée du contraire.

— Je fais tout ce que je peux pour ne pas perdre les pédales, et pour ne pas me faire dominer par ma colère. C'est elle qui me terrifie le plus. La solution la plus efficace jusqu'à récemment était d'empêcher les gens de m'atteindre.

Il comprend mon interrogation silencieuse.

— Quelque chose d'autre me canalise désormais. Toi.

Il m'adresse enfin un sourire. Mon ventre papillonne.

— Être près de toi m'apaise. En comparaison avec les démons qui peuplent mon esprit, tu es incroyablement douce, calme et compréhensive. Immensément brave. Tu n'imagines pas combien je me bonifie en ta présence. J'ai déjà l'impression de ne plus rien avoir à voir avec le moi d'il y a un an.

Ses paroles résonnent comme la plus agréable des musiques à mes oreilles.

— Tu aurais dû m'en parler tout de suite, je lui reproche gentiment.

— C'est plus facile à dire qu'à faire. J'ai le sentiment que plus je mets des mots sur ces angoisses, plus elles deviennent réelles.

— Nous devons mettre fin à ces doutes, j'affirme. Comprendre une bonne fois pour toutes ce que tu es.

— Je crains fort que nos recherches ne nous mènent à rien. S'il existait une explication à mon histoire, je l'aurais trouvée, depuis le temps.

Tandis qu'il termine sa tirade, nous plongeant dans le silence, la solution s'impose à moi, comme par magie. Peut-être n'a-t-il pas cherché au bon endroit.

Une seule personne peut m'aider à résoudre ce mystère. Son prénom est inscrit en lettres de feu dans mon esprit et son visage angélique me nargue depuis qu'il m'a donné rendez-vous lors de notre prochaine chasse aux Vampires.

Après avoir pris congé d'Aaron, je m'en vais me coucher. Il est tard. Je me glisse sous mes draps avec bonheur, avec une pensée pour la nuit dernière, lorsque Aaron m'avait portée jusqu'à mon lit et avait pris soin de moi.

Je m'endors sereinement. Mes rêves sont peuplés d'images d'Aaron, de Jake, d'Eden. Mais, après plusieurs heures, tout disparaît soudainement lorsque la sirène du Centre retentit, me réveillant en sursaut.

Je me lève instantanément, bondissant sur mes pieds. Je sais ce que ce son signifie. Ce n'est pas la même alarme que celle qui nous réveille le matin. Celle-là nous informe que nous partons à la chasse.

Et comme pour confirmer mes dires, à peine quelques secondes plus tard, une voix résonne dans les haut-parleurs, finissant de me tirer de ma torpeur.

— Alerte à tous les Chasseurs. Les Vampires que nous traquions ont été aperçus à New York. Tous les effectifs sont requis. Merci de vous préparer pour la mission. Départ dans quinze minutes.

Je me mets en mouvement, regroupant mes affaires. Mais pour la première fois, je ne pense pas une seule seconde aux Vampires, à la peur, à la mort. La seule image occupant mon esprit est celle d'Eden.

Les ChasseursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant