Les Chasseurs

Chapitre 11, Partie 3

Nous quittons sans bruit la section redevenue déserte, et après un petit détour pour rendre le badge à Jacob, nous allons toquer chez Tyler. Comme personne ne nous ouvre, je pousse la poignée, et nous entrons dans la pièce, que les rires simultanés de Tyler et de la demoiselle près de lui remplissent de bonne humeur.

— Hey ! vous vous joignez à nous ?

La voix de Tyler est pleine de gaieté. Je devine instantanément que cette superbe sud-américaine à ses côtés est Isabel, la jeune femme de la section informative qui m'avait saluée à mon arrivée à l'aéroport. Je lance à mon ami un sourire malicieux, et nous nous installons avec eux.

— Izzy, voici Amberly, et Alyssa. Les filles, voici Isabel.

Je ne peux m'empêcher de noter comment le prénom Isabel sonne dans sa bouche. Il semble en adoration devant elle.

— Appelle-moi Amber.

— Il m'a beaucoup parlé de vous deux, répond Isabel, le regard brillant.

Étonnamment, sa voix est assez grave, profonde, mais très douce à la fois.

Aly, avec qui Tyler n'a jamais évoqué la jeune femme, cache ses interrogations sous une couche de banalités, et elles se mettent à bavarder comme si elles se connaissaient depuis toujours.

Je ne participe pas activement à la conversation, préférant, comme de coutume, écouter la discussion plutôt que d'y prendre part.

Izzy semble être une femme très intelligente, très droite aussi. Elle a des idées bien placées sur tout, répond avec franchise à Aly. Sûre d'elle, mais ouverte d'esprit. Elle me plait. Je ne manque pas de remarquer la ressemblance physique flagrante avec Maria, l'ancienne petite amie de Tyler.

Je hoche de temps en temps la tête, parle peu. Tyler non plus, mais je constate qu'il fixe intensément Isabel, et il a l'air d'essayer d'apprendre à mieux la connaître en écoutant son échange avec Alyssa.

— J'ai entendu que vous aviez dû réintégrer le niveau débutant de l'entraînement. Vous pourrez partir en mission bientôt ?

— Dans quelques semaines, je crois.

— Hum... Je me demande pourquoi Kristina sollicite tous ses effectifs.

Elle n'est pas au courant. Je dissimule ma surprise. Les agents du Centre sont tenus à l'écart des informations sur le danger auquel ils doivent faire face. Rien n'est normal ici.

Aly joue la carte de l'ignorance.

— Je me le demande aussi.

— Quoi qu'il en soit, nous serons forcément avertis en temps et en heure, quand Kristina le jugera bon. Elle change soudainement de sujet. C'est dur de devoir reprendre l'entraînement au niveau débutant, pas vrai ?

— Horrible. Je rêve du moment où je pourrai mettre une raclée aux gars, plaisante Tyler qui ouvre enfin la bouche.

Je ricane. Tyler est si joueur.

— C'est juste une garantie, le Centre a besoin de membres efficaces.

— Il est certain que vous l'êtes ! s'exclame Isabel. Si Kristina vous fait confiance, c'est que vous êtes tous les trois à la hauteur de n'importe quelle mission.

Notre échange continue sur le même modèle pendant un moment. Alors qu'Aly et Isabel sont en pleine conversation, Ty se penche vers moi et chuchote :

— Vous avez intérêt à m'expliquer ce que vous fichiez dans la section informative, vous deux. Am, ton objectif était de rester discrète.

— Je sais... Je te dirai tout dès que nous serons seuls.

Ty lève les yeux au ciel.

— Quelle excuse as bien tu pu trouver pour faire bouger les agents ? 

— Je n'ai pas eu besoin d'en trouver une. J'étais avec Izzy à ce moment-là, je lui ai demandé si elle ne pouvait pas m'aider à vous éviter une situation délicate. Coup de chance, elle devait parler à Joshua à propos d'une modification à effectuer sur je ne sais quel dossier, et elle m'a proposé de l'accompagner. Joshua était avec deux autres personnes juste devant votre porte. Je n'ai rien eu à faire. Vous lui devez une fière chandelle.

— Elle me semble très bien, je réponds avec un sourire entendu.

— Elle l'est.

— Amber, Tyler ! Ça vous dirait d'aller dîner en ville à New York un de ces jours ? Aly a une super adresse de restaurant italien qui fait de délicieuses penne.

— Aly a toujours de super adresses ! Le radar intégré à son estomac est infaillible.

Nous éclatons de rire. Peu de temps après, Izzy prend congé, et Aly et moi pouvons enfin lui raconter notre découverte. Il est vingt-trois heures lorsque nous finissons de parler. Chacun de nous retourne dans sa chambre. J'ai toujours les impressions du dossier sur Philadelphie sur moi, mais je me dis que cela peut attendre le lendemain. Exténuée, je m'endors rapidement, mes rêves troublés par des visions d'Aaron ; son visage magnifiquement glacial me pétrifie, à coups de regards sombres d'où semblent provenir les ténèbres.