Les Chasseurs

Chapitre 28, Partie 2

Munie de mon sésame, je pars en direction de la section informative, beaucoup plus sereine que la dernière fois. Mais sur le chemin, je me ravise. Certains des dossiers informatiques de la section sont verrouillés. Le bureau d'Aaron, lui, n'est qu'à quelques pas, et il a évidemment accès à l'entièreté des informations que possède le Centre. Mon cœur balance. Aaron me fait confiance, et nous avons promis de ne plus nous mentir. Je pèse le pour et le contre, mais la tentation est trop forte. Il n'y a qu'avec son ordinateur que j'obtiendrai les renseignements que je cherche.

Je me rends donc au bureau d'Aaron, situé dans le couloir de la section principale. Mais alors que sa porte n'est plus très loin, j'avise quelqu'un sortir du bureau de Karl Thomas. Christian. Une idée me traverse l'esprit, et je l'interpelle :

— Salut, Christian.

Surpris de me voir, il s'approche, un sourire au coin des lèvres.

— Am ? Je ne pensais pas te trouver ici. Qu'est-ce qu'il se passe ?

— J'aurais voulu te parler. Tu as une minute ?

Il hoche la tête, curieux. Nous nous éloignons de quelques pas, et je guette discrètement les alentours.

— Ma question va probablement te paraître bizarre... Aurais-tu connu une certaine Kelly ? Elle travaillait ici, il y a quelques années.

Ses yeux s'agrandissent. Il ne s'attendait sûrement pas à ça.

— Kelly Evans ?

Sans savoir s'il s'agit bien de cette Kelly, la Kelly d'Aaron, j'opine. Il lève les yeux au ciel, comme s'il tentait de raviver de vieux souvenirs depuis longtemps oubliés. Ses prunelles sont brillantes.

— Elle était redoutablement efficace. Probablement la meilleure de nos Chasseuses, fut un temps. Et pourtant crois-moi, j'en ai vu passer, il rajoute en riant.

Mais son sourire s'efface bien vite.

— C'était une jeune femme dynamique, incroyablement rigoureuse. Impliquée. Une acharnée de travail. Un peu comme toi, en fait.

J'accuse le coup sans dire un mot.

— Comment était-elle ? je demande finalement. Je veux dire, quelle était son histoire ? Elle avait de la famille ?

— Je n'en sais trop rien, elle ne l'évoquait pas. Comme je viens de te l'expliquer, elle n'avait rien d'autre en tête que son travail. Elleavait été recrutée un jour par le Centre, alors qu'elle n'avait qu'unequinzaine d'années, quasiment en même temps que Jake d'ailleurs. Ils étaienttrès amis, malgré leur différence d'âge. Sa mort a été une immense perte.

— Jake ? Kelly et Jake étaient amis ? je répète, abasourdie. Il ne m'a jamais parlé d'elle.

— J'imagine que sa disparition était un épisode douloureux à aborder.

— Comment est-ce arrivé ? je l'encourage à continuer, piquée dans ma curiosité.

— Nous n'avons jamais vraiment su. Kelly participait parfois à des missions d'espionnage ou de reconnaissance, seule. C'est au cours de l'une d'elles qu'elle a perdu la vie. Elle est partie, et n'est jamais rentrée au Centre.

— Vous n'avez jamais retrouvé son corps ?

Christian secoue la tête négativement.

— Pourquoi toutes ces questions ? m'interroge-t-il.

— Pour rien. Quelqu'un m'en a parlé, c'est tout, j'affirme évasivement.

Intrigué, il cherche à lire au fond de mes yeux, mais je reste de marbre. Il finit par capituler.