Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : Nuit

Chapitre 16, Partie 3

Il m'entend. Sa tête tourne d'un micron vers moi. Sans daigner croiser mon regard, il fait mine d'écouter Simon, mon ami de la section informative, compléter le rapport par ses propres renseignements.

— C'est pour ça que tu ne voulais pas y aller, je continue, mes mots à peine perceptibles.

Il ne réagit toujours pas. Ses yeux sont résolument fixés sur la table, tête baissée. Simon présente maintenant les profils des Vampires aperçus ou tués à Philadelphie. Leurs portraits apparaissent en grand, projetés par hologramme au-dessus de la table.

— Pourquoi te cherchent-ils ? j'insiste sans obtenir de réponse.

— ... nous avons également pu identifier un Vampire du nom de Ted Crover, expose Simon alors que la photo d'un jeune homme brun, au visage juvénile, s'affiche devant nous. Il a été tué par Dani.

Dani Caldwell hoche la tête à l'entente de son nom, et chuchote quelque chose à Jacob, assis à ses côtés.

— Est-ce que Kristina est au courant ? je presse une fois de plus Aaron.

— Non ! répond-il fermement, dans un souffle.

— Quoi ? Mais alors...

Je n'y comprends plus rien. Si Kristina n'est pas en train de couvrir Aaron, qui protège-t-elle ?

— Il y a également Thomas McLagen, Vampire d'une trentaine d'années que nous recherchions depuis déjà un an et qui avait été aperçu en Ohio il y a quelques mois. Aaron s'en est chargé et a enfin mis fin à ses agissements.

Aaron et moi tiquons instantanément. Le visage qui se trouve en face de moi est celui de la créature qui parlait avec Aaron, et qu'il a prétendu ne pas connaître.

Lorsque la photo de ce Thomas disparaît, c'est pour être remplacée par celle du second immortel qui m'a attaqué. Je reconnais la forme de ses yeux aux prunelles rouge sang. Un frisson me parcourt l'échine tandis que je me remémore la violence de ses coups, et son souffle tout contre mon oreille.

— Celui-ci n'a pas été identifié, il n'était pas connu de notre base de données. Cependant, cela n'importe plus, puisque Maya l'a tué.

Elle ne le sait pas, mais ces paroles m'inspirent en plus du reste une instantanée gratitude envers elle. De l'autre bout de la table, je lui adresse un sourire.

 — En ce qui concerne la dizaine de Vampires qui nous ont échappé et qui semblent également s'être éloignés de Philadelphie, nos contacts de la police fédérale ainsi que les services de renseignements américains sont sur le coup et les recherchent activement. Nous pensons qu'ils se sont éparpillés dans la nature. D'après nos informations, ils se font très discrets.

Karl laisse planer un silence. Il fait volontairement peser sur nous le poids de ses mots, quelques instants, avant de reprendre :

— Ce qui est plus préoccupant, ce sont les quelques-uns qui ont quitté la ville depuis environ cinq semaines. Ceux-là sont extrêmement expérimentés, la plupart ont plus d'une centaine d'années. Nous avions perdu leur trace après la mission du mois dernier, jusqu'à il y a quelques jours. Deux d'entre eux auraient été aperçus aux alentours de New York, ce qui veut dire qu'ils se rapprochent. Nous en connaissons certains, dont nous vous partageons les identités. Leur chef se cache toujours et nous ne savons rien sur lui actuellement.

Ce serait peu dire que d'affirmer que mon cœur se serre lorsque, à l'écran, apparaît le visage de mon frère, et son nom en dessous. La photo date d'il y a quelques semaines, probablement prise à Philadelphie. Ses traits auparavant si beaux et délicats se sont creusés, traçant d'autant plus sa mâchoire. Sa chevelure blonde, reconnaissable entre mille, a beaucoup poussé. Ses yeux, non plus bleus, mais désormais rouges, me retournent l'estomac. Ce sont eux qui causent mes cauchemars depuis deux ans.