Chapitre 11, Partie 1

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Après avoir quitté la salle d'entraînement, je m'assure d'être à l'abri des regards et m'adosse au mur, choquée. Les éléments dans ma tête peinent à trouver une explication.

La position du Centre, d'abord. Kristina a clairement exprimé le fait que nous sommes menacés ici, et je n'ose imaginer l'ampleur du danger. Jamais encore elle ne s'était inquiétée autant pour une bande de Vampires. Elle ne maîtrise pas du tout la situation et semble totalement désemparée. Pourtant, sans cependant réussir à déterminer d'où il provient, j'ai le sentiment qu'elle en sait beaucoup plus que ce qu'elle a dit à Aaron.

Aaron. Il connaît les Vampires. Le frisson qui me parcourt le corps à cette idée est éloquent. Il cache bien plus de secrets qu'il ne veut bien le faire croire. Et il est dangereux, tout cela ne fait que confirmer ma thèse. Je me refuse toujours à penser qu'il puisse côtoyer des immortels. Et qu'il puisse en être un ?

Impossible. Il serait tout de suite démasqué. Il ne survivrait jamais ici.

En tout cas, ces créatures traquent quelque chose, assez avidement pour semer un trouble sans précédent au sein du Centre et dans l'État de New York tout entier. Ils sont à la recherche de quelque chose. Ou peut-être est-ce de quelqu'un. Un humain ? Un Vampire ? Aaron Moore ?

Je ne parviens pas à assembler les éléments entre eux, et pourtant je suis convaincue que tout est lié. Tout est forcément lié, mais comment ? Le Centre renferme beaucoup plus de secrets que ce que j'aurais pu imaginer. C'est terrifiant, dans un lieu où l'on se doit d'être unis pour combattre, de se fier aux autres jusqu'à pouvoir leur confier notre propre vie. Et dire que je commençais à abandonner ma défiance à l'égard de mes collègues. Les seuls que je peux réellement croire sont Tyler, et Alyssa.

Je pars sans plus attendre vers le studio de mon amie. Ma course est silencieuse. Surtout, ne pas attirer l'attention. Tout me semble soudain suspect, et mensonger, jusqu'au salut souriant du type que je croise alors que je ralentis. Une fois disparu derrière une porte au fond du couloir, j'accélère de nouveau.

J'entre sans frapper dans la chambre d'Alyssa, et j'entends le bruit de l'eau de la douche éclaboussant la faïence de la salle de bain. Je m'installe sur le fauteuil près de la télévision et patiente. Cela me laisse le temps de me ressaisir, et de réfléchir à ce que je vais révéler à Aly.

Elle me rejoint dans la pièce dix minutes plus tard. Son visage ne marque aucune surprise à ma vue et elle sourit, s'appliquant à sécher légèrement ses boucles rousses contre une serviette moelleuse.

— Il me semblait bien avoir entendu la porte claquer.

Elle se hisse sur le bureau, dévoilant ses jambes pâles sous son peignoir, tout en me questionnant.

— Alors, cet entraînement avec Aaron ?

Pour être honnête, j'avais presque oublié l'entraînement, totalement focalisée sur la discussion secrète entre les deux membres de la section principale. Je hausse les épaules.

— Ça allait. Mais je ne suis pas venue pour ça, j'ai quelque chose à te raconter.

Alyssa se penche avec curiosité vers moi.

— À propos d'Aaron ?

— À propos de Kristina. Écoute, elle était là, au gymnase. Ils m'ont mis à l'écart, mais ce que j'ai réussi à entendre, c'est la raison pour laquelle ils veulent nous envoyer si vite en mission. Il y a un groupe de Vampires, à Philadelphie, qui est tellement fort et violent que les meilleurs agents du Centre ne parviennent pas à en venir à bout. Et Kristina est paniquée, car ils traquent quelque chose. C'est plus qu'une histoire de subsistance. Elle ne sait pas comment les arrêter, ils sont incontrôlables.

Mon amie répond lentement, comme pour vérifier ses dires, à mi-chemin entre la question et l'affirmation.

— Ils pourchassent quelqu'un.

— Et si c'était quelque chose, Aly ?

— Je ne crois vraiment pas.

Elle secoue la tête.

— Et qui voudrais-tu qu'ils traquent si désespérément ?

— Je ne sais pas... Tu n'as rien entendu d'autre ?

Une microseconde d'hésitation qu'elle ne remarque pas.

— Rien du tout.

— Réfléchissons. Ils ne cherchent pas de quoi se nourrir. Ils cherchent quelqu'un d'assez malin pour leur avoir échappé durant déjà un bon moment.

— Donc potentiellement quelqu'un au courant de leurs facultés.

— Quelqu'un connaissant l'existence des Vampires, oui.

— Du genre quelqu'un comme nous.

Aly arrête son geste. Quant à moi, j'ai le cerveau en ébullition.

— On doit aller voir dans cette satanée section informative.

Mon amie se lève et se précipite vers son dressing. Elle prend des vêtements au hasard et s'habille en vitesse. Je n'ai même pas le temps de réagir qu'elle me lance un regard grave, juste après avoir boutonné son jean.

— Maintenant.

Elle est sur le pas de la porte lorsqu'elle réalise :

— Attends. Nous ne savons toujours pas comment y entrer. Il nous manque un badge.

— J'ai peut-être une idée, je réponds, songeuse. On se retrouve ici dans une demi-heure, je lui indique avant de quitter la chambre au pas de course.

Il me faut un moment avant de trouver le studio de Jacob Blunt. Lorsqu'enfin je pense être au bon numéro, je tambourine à sa porte et il ouvre finalement, fronçant les sourcils. Je suis certainement la dernière personne qu'il s'attendait à voir.

— J'ai besoin de ton aide, j'annonce de but en blanc.

Il me dévisage d'abord sans comprendre, puis, d'un signe du menton, m'encourage à continuer.

— J'aimerais que tu empruntes le badge de ton père.

Il laisse échapper un rictus qui se transforme en rire nerveux. De mon côté, je garde mon sérieux, et croise même les bras dans un air de défi.

— Pour quoi faire ? me questionne-t-il finalement.

Je décide de jouer la carte de l'honnêteté, et de parier sur le fait qu'il ne me dénoncera pas.

— J'ai besoin de renseignements qui se trouvent dans la section informative.

Il continue de me fixer sans sourciller.

— Et pourquoi me demander ça à moi ?

— Parce que seuls les membres des sections informatives et principales peuvent y accéder. Et ton père en fait partie.

Jacob semble sur le point de répliquer, quand j'ajoute :

— Et puis parce que tu me dois bien ça pour t'être montré si maladroit l'autre jour.

Il s'offusque, lève les yeux au ciel. Je le vois soupirer et taper du pied, fébrile, pesant le pour et le contre.

— Tu es consciente que tu me demandes d'aller voler quelque chose à mon père ?

— Mais ça ne sera pas long, et Christian n'en saura jamais rien ! J'ai vraiment besoin de ton aide, s'il te plait, j'insiste avec toute la conviction dont je suis capable.

Il hésite encore pendant quelques instants.

— Très bien, accepte-t-il finalement. Je vais voir ce que je peux faire. Attends-moi ici.

J'acquiesce et il s'en va. Quelques minutes plus tard, il revient, le badge à la main. Je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire soulagé.

— Tu as trente minutes, m'avertit-il en me tendant le sésame.

— Merci beaucoup, Jacob.

— Maintenant, c'est toi qui m'en dois une, me fait-il avec un clin d'œil.

Je le remercie encore et me dépêche de rejoindre Alyssa. 

Les ChasseursWhere stories live. Discover now