Les Chasseurs

Chapitre 21, Partie 2

Nous montons en voiture. Il m'ouvre la portière avant de s'installer à son tour derrière le volant et de démarrer. Aucun de nous deux n'ose briser le silence et engager cette discussion si importante. Je patiente en observant le paysage par la fenêtre, tourmentée par sa déclaration.

Mais après dix minutes passées sans un mot, je me tourne vers lui, intriguée par son mutisme.

Aaron a les yeux fixés sur la route. Le visage fermé, les sourcils froncés et les iris sombres. J'y lis l'angoisse, et j'en suis stupéfaite. Il n'osera pas ouvrir la bouche en premier.

— Donc... Tu es humain ?

— Tu ne me facilites pas la tâche, répond-il avec un rire nerveux.

— Comment ça ?

— Je ne pense pas pouvoir dire que je suis humain.

Je me crispe.

— Mais tu n'es pas un Vampire ?

Il secoue la tête.

— Alors qu'est-ce que tu es ?

Il laisse passer un silence, hésite, et élude ma question.

— Le Centre des Chasseurs dissimule de nombreuses choses à ses membres. Et il en ignore encore d'autres. Je suis ici parce que je me cache.

— Des Vampires ?

Nouveau hochement de tête. Je le savais.

— Ils te veulent du mal ?

— Certains, oui. La plupart, comme celui dont tu as entendu le message, pensent pouvoir m'utiliser pour infiltrer le Centre, et y commettre un massacre. D'autres cherchent à me tuer pour se venger.

— Pourquoi ? Qu'as-tu fait ?

Aaron inspire profondément. Il ne détache pas ses yeux de la circulation, comme s'il craignait de croiser mon regard.

— D'après eux, je les ai trahis.

— Donc... Tu étais de leur côté ?

Impossible pour moi d'employer le mot Vampire.

— Je l'ai été. Contre mon gré au départ. Puis, j'ai appris à les connaître, à les comprendre. Je leur ai été fidèle...

— Oh mon Dieu...

— Je ne sais ni comment, ni pourquoi, mais sache que cette période de ma vie est révolue. Je suis plus éloigné d'être un Vampire qu'on peut l'être.

C'est à mon tour d'être sans voix. Il a été l'un d'eux ? Aussi inconcevable que cela puisse paraître, il a été un Vampire. Mes premières suppositions étaient donc exactes. Sa révélation me semble si invraisemblable que je peine à l'assimiler, à l'instant où elle jaillit dans mon esprit. On ne passe pas d'immortel à humain.

Je retiens de toutes mes forces les larmes qui perlent au coin de mes yeux. Aaron tourne enfin la tête vers moi, et il soupire en percevant dans l'obscurité de l'habitacle une larme solitaire roulant sur ma joue. Il l'essuie de son pouce, et je suis ramenée à des dizaines d'années-lumière d'ici, dans la voiture de Jake, en route vers le Nevada, le jour de notre rencontre. Je ferme les yeux pour chasser les autres larmes et inspire.

— Dis-moi à quoi tu penses..., murmure Aaron.

Sa voix n'est que douceur désormais. Il garde son pouce sur ma joue, qui trace des cercles tendres et brûlants contre ma peau.

— Ils m'ont tout pris...

— Amber...

— Comment as-tu pu être de leur côté ? je finis par m'exclamer, pleurant franchement maintenant.