Chapitre 11, Partie 2

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Lorsque je la retrouve peu après, je secoue le badge, triomphante.

— Comment l'as-tu obtenu ? demande-t-elle, ébahie.

Je lui fais part de l'aide de Jacob. Puis nous nous partons en direction de la section informative, ralentissant à l'approche du couloir. Que quelqu'un remarque notre pas hâté et nous arrête est bien la dernière chose dont nous avons besoin. Cela me donne le temps de ressasser un peu plus sur mon mensonge à propos d'Aaron.

Techniquement, d'ailleurs, ce n'en est pas un. J'ai simplement omis un détail de la discussion que j'ai surprise. Bon d'accord, le plus gros détail, l'implication d'Aaron dans l'affaire, mais je m'étais promise de ne rien dire pour le moment. Je n'ose pas m'avouer qu'en réalité, j'ai voulu le protéger des soupçons et de l'esprit affûté d'Aly. J'ai gardé ça pour moi, comme un secret partagé avec mon entraîneur, quelque chose de privé entre nous deux. Idiote. Ce n'est un secret qu'entre toi et toi.

Je ne tourne vraiment pas rond.

Me voilà avec deux enquêtes sur les bras, deux mystères que j'ai du mal à mettre en lien.

Nous arrivons dans le couloir de ladite section. Personne en vue. Aly m'ordonne par quelques gestes d'être totalement. Ce que nous faisons est interdit, et sévèrement réprimandable. Seuls quelques membres privilégiés ont un droit d'accès à cette zone sécurisée du Centre. Ici, les allées sont plongées dans la pénombre pour permettre à ces derniers de mieux s'accoutumer à l'intensité lumineuse de la salle de recherche aux murs tapissés d'écrans.

Pourtant ce n'est pas cette pièce qui nous intéresse, mais la suivante. Je passe le badge devant le lecteur, et un voyant clignote. La porte s'ouvre. Alyssa jubile. Nous entrons, enclenchons l'interrupteur et détaillons cette salle de la section informative.

Le local est rempli d'étagères supportant des dizaines de boîtes dans lesquelles sont classés des dossiers. Je soupire de soulagement. Cette organisation rigoureuse est si réconfortante et si pratique !

Au fond, derrière les nombreuses rangées, plusieurs ordinateurs alignés côte à côte sont en veille, et Aly se dirige directement vers l'un d'eux afin de rallumer l'écran.

— Qu'est-ce qu'on cherche exactement ?

Je la rejoins et découvre un moteur de recherche, vierge, patientant tranquillement que l'on profite de ses connaissances. Alyssa hésite au-dessus du clavier.

— Un nom ? Ou peut-être une date ? Je ne sais pas comment ils classent leurs infos.

Alyssa inscrit le nom de notre directrice sans réfléchir et un registre d'articles et de tableaux apparaît. Mon amie clique sur le premier lien, le plus récent.

— Ce sont des comptes-rendus.

Le premier est une gigantesque liste de tous les agents et collaborateurs du Centre œuvrant ici et à travers le monde. À côté de chaque nom sont notés quelques renseignements sur eux. Instinctivement, je fais défiler cet interminable classement jusqu'à nos noms. D'abord le mien. Mais avant d'avoir pu atteindre la lettre J, c'est une autre ligne qui m'arrête subitement, comme si son nom, inscrit en lettres incandescentes, m'avait porté une décharge électrique.

À côté du nom de Jake Davis, la date suivant celle de sa naissance me brise une fois de plus le cœur sans pitié. La main de ma meilleure amie m'enserrant le bras à m'en faire mal est la seule chose qui m'empêche de plonger à nouveau dans mes souvenirs.

— Quand je pense qu'il devait rentrer dans la section principale cette année-là...

— Le poste d'Aaron, murmure Alyssa. Il aurait été brillant.

— Je déteste Aaron.

— Continuons.

Elle fait comme si je n'avais rien dit et reprend silencieusement la recherche. Nous atteignons rapidement le nom de Johnson. L'unique lien qui suit mon nom me donne la terrible impression de revivre l'incessante tragédie qu'est ma vie. Aly clique dessus sans hésiter et un nouveau document s'affiche. Nous sommes redirigées sur la page du compte-rendu de la situation de Philadelphie.

— Pourquoi suis-je reliée à la bande des Vampires de Philadelphie ?

— Voilà pourquoi, murmure Aly en pointant son doigt sur l'écran.

— C'était évident...

Le nom de mon frère est recensé parmi ceux des Vampires du groupe. Le document date du dernier affrontement avec les Chasseurs, un mois plus tôt.

— Ils n'étaient pas censés savoir qu'Eden était en vie à ce moment-là.

— Ça a été modifié après coup, Am, regarde. Ils ont dû réussir à l'identifier après que l'on ait appelé Kristina.

— Alors la lettre était en provenance de Philadelphie, je raisonne. Pourquoi ne pas garder l'avantage de l'anonymat ? Il était mort, selon tous les registres du Centre. Pourquoi ne pas en jouer, pourquoi nous mettre au courant ?

L'idée que mon frère soit réellement plus près de moi qu'il ne l'a jamais été depuis des années fait battre mon cœur plus fort.

— Je n'en sais rien.

Ce document rapporte avec précision les informations connues à propos des différents Vampires de la bande, le résumé des interventions, les victimes présumées de ces buveurs de sang, et encore des dizaines d'indications que nous n'avons pas le temps d'examiner.

— Imprime ces pages, me murmure Aly tandis qu'elle scrute les comptes-rendus des traques effectuées par le Centre à Philadelphie.

Soudain des bruits de pas et des voix retentissent dans le couloir, de l'autre côté de la porte. Trois personnes.

— Merde ! Amber, dépêche-toi !

Mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines. Si nous sommes surprises par quelque agent que ce soit, nous sommes foutues. Je clique sur les touches à la va-vite, tentant de n'oublier aucune page. Les voix se font entendre de plus en plus fort, à quelques mètres de nous.

— C'est presque bon !

Je finis d'imprimer le compte-rendu et Aly ferme la session, avant de m'entraîner par le bras.

— S'ils rentrent, on ne pourra pas se cacher. Il faut les faire bouger d'ici.

— Tu as une idée ?

On peut maintenant clairement distinguer deux hommes répondre à une femme que je n'identifie pas. Ils sont juste devant notre porte. Nous sommes tapies dans le coin gauche de la pièce, lumières éteintes. Je ne discerne même pas le visage d'Aly.

— Je sais quoi faire !

Je prends mon téléphone, envoie un message à Tyler, prie pour qu'il fasse vite.

— Qu'est-ce que tu as fait ?

— J'ai dit à Tyler de venir et d'inventer quelque chose pour les attirer ailleurs. Ça va le faire. Il prétendra que c'était urgent et qu'il devait se rendre dans cette section.

Les quelques minutes dans l'attente d'un secours par notre meilleur ami sont terribles. Nous sommes piégées, les agents campent derrière la porte, et Tyler n'arrive pas.

Enfin nous entendons sa voix à quelques mètres. Au bout de quelques instants de discussion, le silence revient dans le couloir, je soupire de soulagement. 

Les ChasseursWhere stories live. Discover now