Chapitre 61 : Le reflet dans le miroir

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Enfermée dans ma chambre depuis la fin de matinée, je ne me préoccupe guère des allers-retours incessants entre le parc et le manoir. Toute la journée, j'ai entendu mon prénom résonner derrière la porte de ma chambre... Des coups à la cloison, des excès de colère ou d'agacement, des supplications. De ma tante, mon oncle, ma cousine... Mais rien à faire. Je n'avais envie de voir personne. Parce que le seul être que je voulais réellement voir venait de me rejeter après mes terribles confessions. En même temps, comment en aurait-il pu être autrement ?

Je l'avais déçu... Pire... Je l'avais trahi. Et avec la tension, l'appréhension d'être séparés toute une année, ce climat de doute constant... J'avais terminé par céder à la folie. Exactement comme ma mère avait cédé à la folie au décès de mon père.

En ce jour honteux, je n'ai plus l'impression d'être une Peverell. Mais une Yaxley. Peur, doute, colère... Jalousie... Ce sont des sentiments qui me sont inconnus. Des sentiments qui me terrorisent. Parce que je ne sais pas les contrôler... Parce que je ne suis tout simplement pas comme ça. Je suis pure, bienveillante, obéissante, délicate. Tout ce qui s'est passé cet été n'aurait jamais dû se produire... Ce n'est pas moi. Ça n'a jamais été moi !

Toc ! Toc ! Toc !

Je ferme les yeux, fortement, et vais pour congédier la personne qui ose me déranger mais je n'en ai guère le temps. La porte s'ouvre sur Eudoxy, les oreilles baissées, les yeux rivés vers le parquet. Entre ses grandes mains tremblantes, se trouve un plat en argent avec une tasse de thé brûlante, une coupelle de petits sucre roux et un minuscule pot de lait Sans m'adresser le moindre mot, si ce n'est un regard chargé de tristesse, elle pose le plateau sur ma coiffeuse et récupère la tasse vide, apportée un peu plus tôt dans l'après-midi. Elle disparaît alors en un petit « pop », me laissant de nouveau seule avec moi-même, mes sombres pensées, mon hibou grand duc enfermé dans sa cage, s'impatientant de retourner à Poudlard, et cette tasse de thé bien fumante.

Étendue sur le dos, par dessus les couvertures de mon lit, encore habillée de ma robe d'été et de mon long collier en perles, alors que la gravité fait échapper des dizaines de larmes de mes yeux, mon regard est rivé au plafond. Il est d'un blanc si étincelant, si... Stérile, que j'ai l'impression d'être dans une chambre d'hôpital. Je roule alors sur le côté, dos à la porte de ma chambre, face au miroir de ma coiffeuse. Mon reflet est effroyable... J'ai des cernes violettes, et les yeux rouges. Après des heures à pleurer, je me sens toute desséchée. Mes lèvres sont gonflées, encore tremblotantes, mais sur mon visage, tout stigmate de tristesse et de colère a disparu. Il ne reste rien. Absolument rien. Et dans ma poitrine aussi il n'y a rien... Plus rien, en tout cas. Je me demande même si un jour, il se passera à nouveau quelque chose. J'en doute très fortement... J'en suis même certaine. Henry a pris de moi tout ce qu'il voulait prendre, tout ce qu'il pouvait prendre. Et me voilà entièrement consumée... Et consommée. Ma tante avait raison depuis le début... Je reproduis exactement le même schéma funeste que le sien.

Je renifle doucement et me redresse tant bien que mal dans mon lit. Je me sens épuisée. Vidée de toutes émotions, de toutes pensées. Lorsque je me mets debout, la pièce tourne autour de moi et je dois me cramponner au rebord de ma coiffeuse pour ne pas m'écrouler sur le parquet. La douleur que je ressens entre mes poumons est si forte qu'elle me brouille la vue.

Difficilement, je retiens mes larmes et attrape avec fureur la boite à échange que m'a offert Henry, prête à la fracasser sur le sol pour soulager ma peine mais un petit sifflement de réprobation retient mon geste.

Surprise je lâche la boite sur la coiffeuse, elle roule jusqu'à ma tasse de thé alors que mon regard effrayé cherche l'origine de ce bruit.

— Qui est là ? murmuré-je, le cœur battant alors que le soleil se couche doucement à l'horizon baignant ma chambre blanche d'une douce couleur ocre.

First ImpressionWhere stories live. Discover now