Chapitre 32: Une longueur d'avance

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- Je crois que... je... je viens de trouver vos lettres, Henry, déclaré-je d'une voix fantasmagorique alors que le regard d'Henry se perd sur sa propre écriture, là où « Charlotte Peverell » est écrit en calligraphie.

Un silence assourdissant envahit alors la suite parentale, et je sens les battements de mon cœur cogner avec force dans mes oreilles. Je n'ose plus bouger, plus parler... ce que je viens de découvrir est étouffant. Le goût de la trahison s'épaissit sur ma langue, chassant alors la douceur des baisers de Henry, mémorisée sur ma bouche.

Minerva me prends délicatement le tas d'enveloppe des mains pour l'examiner à son tour, alors que mes yeux sont accrochés à ceux d'Henry. Nos regards sont en parfaite fusion. Sa tête est posée sur l'encadrement de la porte et ses bras sont croisés sur son torse. Le mien est comprimé dans mon peignoir... et je ressers sa veste autour de mes épaules. Mes doigts s'y accrochent comme si ma vie en dépendait.

- La dernière remonte à deux jours, murmure Minerva.

Le temps semble flotter dans la pièce. Je n'ai même pas la force de me tourner vers ma meilleure amie. Je l'entends décacheter l'enveloppe et en extirper le courrier. Au froissement du papier, je devine que ses doigts tremblent. Les miens sont toujours crochetés à la veste d'Henry, sur mon dos. Et mes yeux sont toujours vissés aux siens. Ils sont d'un bleu étincelant... et terriblement fatigués. Fatigués par toute la situation j'imagine.

Minerva me tends la lettre, et ma main la saisit timidement. Je fini par décrocher mon regard du visage de l'homme que j'aime pour balayer sa dernière lettre. Ses mots sont forts... frappant d'une vérité que je n'avais encore jamais lu. Il parle d'amour... de loyauté.... de fidélité. Et mes lèvres remuent légèrement, buttant presque sur chacune de ses phrases.

« ... Pourquoi ne me répondez-vous, Charlotte ? Jamais je ne pourrais imaginer que notre histoire puisse prendre fin ainsi. Jamais je ne pourrais accepter qu'elle puisse s'arrêter...

Avez-vous peur ? Sachez que je suis moi aussi effrayé. Au moins autant que vous, si ce n'est plus. Je vous aime Charlotte... depuis le jour où mes yeux se sont posés sur vous, l'été dernier.

Mon coeur vous appartiendra jusqu'à mon dernier souffle... »

Ma bouche murmure la dernière phrase et l'ambiance suffocante de la chambre semble retombée comme un soufflet. Quelques larmes viennent brouiller ma vue, et mes doigts frottent mes paupières timidement. Je respire difficilement et glisse la lettre dans la poche de mon peignoir. Quand je relève la tête vers Henry, je suis surprise de voir qu'il n'a toujours pas bougé. Immobile comme une statue. Sa tête est toujours appuyée sur le montant en bois, et ses yeux sont toujours fatigués, mêlés à une certaine pointe de colère. De colère et de déception...

Je m'approche doucement de lui, et mes mains se posent sur ses poignets, l'obligeant à desserrer ses bras pour les enrouler autour de moi. Quelques secondes plus tard, je suis blottie contre lui, le nez enfouit sous son oreille, là où quelques une de ses petites boucles brunes me chatouillent les narines. Les mains d'Henry montent et descendent lentement dans mon dos, et son souffle frôle le bout de mes oreilles à chacune de ses inspirations.

- Je vous aime, Henry, murmuré-je en relevant mon visage vers le sien. Jamais je ne pourrais cesser de vous aimer... et... renoncer à vous c'est... c'est comme renoncer à la vie. C'est une chose qui m'ait impossible...

Mes murmures sont hésitants, balbutiants même, me faisant alors comprendre que c'est la première fois que je suis aussi libérée dans l'expression de mes sentiments à son égard. Je devrais conserver une certaine retenue, une certaine distance vis-à-vis de mes émotions. Ma condition de jeune fille de bonne famille m'y oblige à bien des égards... sauf qu'aujourd'hui, j'ai faillit perdre l'homme de ma vie. Aujourd'hui, j'ai faillit perdre Henry... à cause de cette condition justement ! A cause de ma tante... de ma tante... la personne en qui j'avais sans doute le plus confiance dans ma famille. Celle qui m'a élevé, m'a aimé... bien plus que ma propre mère.

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