Jamais Shuai n'aurait pensé qu'un jour il se retrouverait à ruser contre son apprenti.
Il ne répondit à aucun de ses appels, Wu était persuadé qu'il n'avait plus de crédit alors il rechargea de cinq euros. Mais une fois qu'il rechargea, il s'aperçut qu'il lui restait encore plus de vingt-cinq euros, il regrettait d'avoir ajouté cinq euros. Wu était mort d'inquiétude, il était très sensible dernièrement et avait besoin de beaucoup d'attention.
Cet après-midi, Wu mit plus d'une heure à se rendre à la clinique.
Lorsqu'il arriva, la clinique était fermée. Shuai n'était pas venu travailler !
C'était lundi pourtant, il devrait être là !
Wu essaya de l'appeler mais il tomba immédiatement sur sa messagerie, il était désespéré alors il fonça à son appartement. Dans l'ascenseur, il pouvait sentir Chi Cheng autour de lui, une essence puissante et très masculine. Bien que Chi Cheng n'ait pas d'odeur particulière mais il laissait toujours quelque chose de pesant derrière lui.
Il était le seul capable de sentir sa présence ainsi.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent.
La porte d'entrée de l'appartement n'était pas verrouillée, Wu l'ouvrit et entra, il sentit l'odeur de l'alcool. Wu savait très bien à quel point Shuai prenait sa santé au sérieux, il fumait et buvait très rarement. Wu resta à la porte et cria son nom, personne ne répondit. Il était perplexe, il se rendit dans chacune des pièces de l'appartement mais il ne trouva personne. Finalement, il finit par le trouver sur le balcon, il était décoiffé et dans un état terrible.
« Comment se fait-il que tu sois dans cet état ? » demanda Wu choqué.
Le sol était jonché de bouteilles de bières, seule la bouteille dans sa main avait été ouverte. Ses yeux étaient rouges, son regard semblait hagard avant qu'il ne se pose enfin sur Wu. Il le fixa droit dans les yeux et leva sa bouteille dans les airs avant de crier.
« Hé mec ! Bois avec moi ! »
Wu était habitué au cool et intelligent Shuai, il le traîna jusque dans la chambre et l'allongea sur le lit. Puis il s'en alla, Shuai s'assit et se mit à jeter tout ce qui lui tomba sous la main, il souffrait.
Bande de fils de putes ! Une fois que vous serez ensemble, je vous ferai payer !
Wu entendit du bruit et se précipita à l'intérieur.
Le docteur se cachait sous ses couvertures, il tremblait.
Le cœur de Wu se serra dans sa poitrine, il tapota son dos et le questionna.
« Qu'est-ce qui t'arrive, Shuai ? Tu peux tout me dire. Tu n'as pas à souffrir seul ? »
« Te parler ne sert à rien ! » cria Shuai.
Wu réalisa que cela devait être grave, il s'assit sur le lit et le réconforta.
« Shuai, écoute-moi, tu me connais. Crois-moi, je peux t'aider. Laisse-moi te rendre la pareille pour tout ce que tu as fait pour moi. »
Putain, tu es mon problème ! Pourquoi est-ce que tu ne te laisses pas faire pour une fois, laisse-le faire ! A cause de toi, je suis dans cet état !
« C'est à cause de Chi Cheng ? » dit Wu en se levant. « Je vais lui parler. »
« Non ! »
Shuai saisit son bras.
« Je t'en supplie, ne vous disputez pas à cause de moi ! Je t'ai déjà dit que l'on ne doit pas le provoquer. On aurait dû battre en retraite plus tôt ! Si l'on avait pas été aussi vorace, on n'aurait pas à souffrir autant ! J'ai même pensé à me suicider... »
En voyant Shuai dans un tel état, Wu était triste.
« C'est à cause de lui, n'est pas ? » demanda furieusement Wu.
Lorsqu'il vit Wu se lever, Shuai le rattrapa rapidement et s'accrocha à lui de toutes ses forces.
« Wu, je t'en supplie, reste ! »
Il essaya tant bien que mal de se défaire de son emprise. Finalement, il finit par ravaler sa colère.
« Dis-moi tout. »
Shuai inspira profondément, ses yeux rouges et boursoufflés fixèrent les draps blancs un moment puis il finit par l'ouvrir.
« Hier, Chi Cheng est venu me voir, il m'a dit qu'il était à bout, si tu continues de refuser de coucher avec lui alors il couchera avec moi. »
Le visage de Wu se crispa puis il s'emporta.
« Comment ça ? Qu'est-ce que cela a à avoir avec toi ? »
« Je ne sais pas mais as-tu oublié que Guo n'arrête pas de me draguer ? Chi Cheng et lui se détestent. Il ne m'a pas approché parce que tu étais à ses côtés mais maintenant qu'il s'impatiente, je suis devenu sa cible ! »
Shuai se mit à frapper son crâne.
« Ne t'inquiète pas pour moi, j'ai de l'expérience. Mon chrysanthème n'est pas aussi précieux que le tien. Si j'ai de la chance, on ne le fera qu'une seule fois. »
Le visage de Wu se figea et il ne dit rien.
Shuai n'avait pas l'habitude de boire, il était déjà saoul après seulement quelques gorgées, sa tête tournait et il n'avait plus la force de pleurer. Il finit par s'endormir. Lorsqu'il se réveilla, Wu était déjà parti, il s'assit et se remémora la conversation qu'il avait eu avec son disciple. Wu lui avait dit qu'il ferait tout pour arranger les choses. Une émotion indescriptible émergeait en lui, il avait l'impression d'être un monstre.
Il venait de forcer la main à son disciple pour se protéger. Il le forçait à faire une chose qu'il n'avait pas envie de faire.
Un lien spécial et indestructible existait entre les deux hommes.
Il se tenait debout devant sa fenêtre et réfléchissait. Il se demandait si Wu se trouvait déjà dans le lit de Chi Cheng. Sa vision se brouilla et alors qu'il s'apprêtait à essuyer ses larmes, il entendit une douce voix derrière lui.
« Shuai, ne pleure pas. J'ai déjà réglé le problème. »
Le visage de Shuai se contracta, il se tourna vers lui incrédule. Wu se tenait devant lui en un seul morceau.
« Tu.. Tu as fait vite. Il ne t'a pas retenu ? »
« Ce n'est pas encore le bon moment » répondit Wu.
Shuai se souvint que son échéance approchait, il comprit pourquoi Chi Cheng avait limité son temps.
« Tu ne veux pas savoir comment j'ai résolu le problème ? » dit Wu comme s'il venait de lui sauver la vie.
Le cœur de Shuai se serra dans sa poitrine et ses yeux devinrent rouges.
« Je ne veux pas savoir ! Je ne veux rien entendre ! »
Wu sourit et ses yeux scintillèrent.
« J'ai trouvé un moyen de faire d'une pierre deux coups, car on peut résoudre ton problème et le mien. J'ai un super plan, tu vas regretter de ne pas m'avoir écouté ! »
Shuai sentait qu'il préparait quelque chose de sérieux.
« Je suis allé voir Guo et il a accepté de sortir avec moi une fois que Chi Cheng ne voudra plus de moi. Il se mettra avec moi afin de te protéger. »
« ... »
« Ainsi même si Chi Cheng veut se venger, il ne te visera pas toi mais moi ! »
Shuai se souvenait d'avoir un jour lu un article à propos d'une personne qui avait un problème avec son système nerveux. Il pouvait éjaculer seulement en se brossant les dents. Shuai avait vraiment l'impression que Wu n'était pas loin d'en arriver à ce stage. Il n'en pouvait plus, il explosa.
« Qu'est-ce qui t'empêche de baiser avec lui ? Pourquoi est-ce que tu tournes autour du pot ? »
Wu était certain que son plan était parfait.
« Tu te trompes. Chi Cheng est rusé et perspicace. Mieux vaut prévenir que guérir. Je ne vais pas me donner à lui juste parce qu'il t'a menacé, je ne vais pas tomber dans son piège. Je dois faire en sorte d'avoir un plan b, s'il finit vraiment par s'impatienter ainsi il ne sera pas trop tard pour te sauver. »
Il est déjà trop tard, mes jours sont comptés ! Chi Cheng n'est pas le plus rusé ici, c'est toi ! Je suis dans la merde à cause de toi. Pendant que je t'aide à faire le ménage, tu fais le paon. Tu te pavanes en te vantant que tu vas tout arranger alors que tout ce que tu fais c'est de me remettre dans la merde. Tu es le plus rusé dans l'histoire !
Criait intérieurement Shuai.
Shuai jeta un œil à l'horloge sur le mur, il était minuit, le premier jour venait déjà de toucher à sa fin.
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Le lendemain, tout se passa bien pour Wu. Chi Cheng ne s'était toujours pas montré, il avait passé une excellente journée. Lorsqu'il rentra ce soir-là, il se doucha et plongea sous ses couvertures.
Le jour suivant, alors que Wu était assis à son bureau et approuvait les commandes, il reçut un appel de Shuai.
« Wu, j'ai une bonne nouvelle à t'annoncer, tu vas être très heureux ! »
« Dis-moi » dit Wu très intéressé.
« Guo vient de me dire que l'ex de Chi Cheng rentre dans trois jours ! »
« Qui ? » demanda-il désintéressé mais il était en fait très tendu.
« Qui ? Le premier amour de Chi Cheng ! Celui qu'il n'a jamais oublié ces six dernières années, la cause de la perpétuelle querelle entre Guo et lui, le fameux Wang ! Hier chez Guo, j'ai vu une photo d'eux trois quand ils étaient au lycée et accroche-toi bien. Mon dieu... Il est à tomber ! » dit Shuai tout excité.
Wu devint blanc comme neige.
« Pourquoi est-ce qu'il a décidé de rentrer ? »
« Pourquoi ? On s'en fiche ! Chi Cheng ne se préoccupera plus de nous une fois qu'il sera là ! Il cessera de te courir après et ne me menacera plus. Sans oublier que Guo a eu une aventure avec lui, alors dès que Wang Shuo sera rentré, il ne me tournera plus autour ! Réfléchis, on peut faire d'une pierre trois coups ! C'est génial, n'est-ce pas ? »
Wu se força à sourire, son rire était encore plus superficiel que celui d'un acteur.
« Oui... C'est génial... »
« Hé, tu ne trouves pas que la chance est de notre côté ? »
« Ouais » répondit Wu insipidement.
D'un côté, on avait Shuai très joyeux et de l'autre, Wu complètement figé. Lorsqu'il reprit ses esprits, il fut étrangement calme.