"- Il faut s'attendre à quoi de la part de Nicolas ?
- Au pire."
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Je m'étais endormie, fatiguée de cette journée sans fin et pleine de péripéties. Pour la première fois depuis bien longtemps, je fis une nuit complète, sans cauchemar ni rêve. J'avais pu récupérer plusieurs heures du sommeil qu'il me manquait.
Je fus réveillée par mon réveil qui sonnait à 6h00. Je l'éteignis, baillai un bon coup puis je sortis prendre de nouveaux vêtements et prendre une bonne douche. L'eau chaude décontractait tous mes muscles. Je me laissai emporter dans mes pensées.
J'avais l'impression qu'hier n'était qu'un rêve absurde. Hélas, ça ne l'était pas. C'était bel et bien réel.
Je devais rejoindre Carter au foyer, mais étais-je prête à le revoir après ce qu'il s'était passé hier ? Et où en étais-je avec Aymeric ? Je tenais aux deux, je ne voulais en blesser aucun. Qu'étais-je censée faire ?
En plus de ça, il y avait les révélations sur ma famille. Dire qu'avant que j'arrive dans cette école, j'étais une fille tout à fait normale qui ramenait des bonnes notes à la maison et qui, durant ses heures perdues, se consacrait à l'art.
Je n'avais même pas touché à mon violon depuis que j'étais arrivée ici alors qu'avant, je ne restai pas une journée sans en jouer.
Avant, j'avais un physique basique, brune aux yeux marrons et maintenant j'étais blanche de partout, seuls mes yeux étaient restés de la même couleur qu'à l'origine. J'avais ce tatouage aussi. Je posai ma main sur mon ventre.
J'étais censée avoir des pouvoirs mais je n'en voyais rien. Je n'avais jamais lancé de sortilège à quelqu'un encore. Je n'avais jamais utilisé ma magie qui était apparemment ''exceptionnelle''. Peut-être parce que j'étais différente des autres, je n'avais en réalité aucune magie ?
Ma différence était que j'avais un tatouage et que je m'étais métamorphosée alors qu'en réalité, je n'avais aucun pouvoir.
Il faudrait peut-être que j'apprenne à utiliser mes pouvoirs, si j'en avais, si je veux pouvoir aider quand la guerre qui pèse au-dessus de l'école aura commencé. Je ne voudrais pas être un fardeau qu'on devait protéger, je voulais savoir me défendre seule.
Avant, il n'y avait que ma mère, moi, et un père qui était parti. Maintenant j'avais appris que mon père était un homme cruel qui avait tué sa mère. Ma grand-mère était la fondatrice de l'école où j'étudiais.
Je pensais toujours que mon père ne pouvait pas être si monstrueux que ça. Il était resté dix ans avec ma mère et lui avait donné un enfant. Même s'il était parti, c'était pour éviter que ma mère soit au courant de l'existence de la magie. Je pensais que mon père avait un bon fond, même s'il le cachait bien.
D'ailleurs, j'avais reçu une lettre de l'école pour me proposer d'intégrer cette école. Ici, on ne pouvait venir que si on appartenait à une famille de mages qui était déjà dans cette école depuis des générations et des générations.
Comment savaient-ils que j'étais la fille d'un pratiquant de la magie ? Andrew savait-il que j'étais la descendante de Nicolas ? Était-il au courant depuis le début ? Je devais aller lui demander.
Je sortis de la douche. J'avais de plus en plus de questions sans réponse qui se bousculaient les unes après les autres dans ma tête. Comment y répondre ?
En premier lieu, j'irai voir Andrew pour qu'il me dise tout ce qu'il sait sur moi, ensuite, j'irai à la bibliothèque trouver des livres qui expliqueraient en quoi consiste ma magie, comment je peux apprendre à la maîtriser et je ferai des recherches sur mon père. Ma journée promettait d'être chargée.
Je descendis les escaliers pour rejoindre Carter. Lorsque je fus devant le foyer, une douce mélodie jouée au piano s'échappait de la pièce. Carter s'arrêta en entendant mes pas lorsque j'entrai dans la pièce pour le rejoindre. Il me sourit et me fit une place sur le siège.
- Bien dormi ? me demanda-t-il.
- Mieux que jamais, lui répondis-je.
Il commença à jouer. Je reconnus le morceau immédiatement : le quatre main du Clair de lune de Debussy. Que ce morceau était beau. Il me rappelait tellement de souvenir. J'avais souvent joué ce morceau petite avec ma grand-mère maternelle pour épater ma mère. Je le connaissais par coeur depuis. Je suivis Carter dans la mélodie.
Je me remémorai ces souvenirs. On l'avait joué à Noël, devant toute la famille. Ma mère me filmait, comme à chaque fois que je réalisai quelque chose. À la fin du morceau, tout le monde avait applaudi. J'étais fière de moi mais ma mère et ma grand-mère l'étaient encore plus.
Je me laissais emporter par la mélodie. On posa les dernières notes puis Carter tourna la tête vers moi. Je fis de même et nos regards se rencontrèrent.
Il me saisit par la taille pour me rapprocher de lui puis il déposa ses lèvres sur les miennes. Je ne le repoussai pas, j'avais moi aussi envie de le sentir contre moi. Sa langue titilla mes lèvres que j'entrouvris légèrement pour le laisser entrer.
Je ressentis des millions de papillons dans le ventre, j'eus des frissons qui parcoururent tout mon corps, de la tête au pied. Et cette fois-ci, je ne me laissais pas emporter par mes pensées ou par la mélodie du piano mais bel et bien dans ce baiser.
Aymeric avait raison, j'avais bien des sentiments pour Carter et je ne m'en étais même pas rendue compte.
J'avais cru avoir des sentiments envers Aymeric car il prenait soin de moi et il était gentil avec moi. Je me sentais bien en sa compagnie et j'avais mal interprété mes sentiments à son égard. Il était pour moi seulement un ami proche et je le réalisai que maintenant.
On se détacha l'un de l'autre à bout de souffle. On colla nos fronts. On souriait. On entendit des bruits dans le couloirs et on décida d'aller au réfectoire. Les gens arrivèrent petit à petit. Alors qu'on mangeait, Armande demanda :
- Il faut s'attendre à quoi de la part de Nicolas ?
- Au pire, répondit Tegan sans aucune hésitation, comme si ça paraissait évident.
La nouvelle qu'une guerre avait été déclarée par Nicolas se répandait telle une traînée de poudre dans l'enceinte de l'école. Les élèves ne parlaient plus que de ça. Ils étaient terrifiés à l'idée de devoir se battre contre lui.
Tout le monde le considérait comme un monstre cruel et sans cœur. Ils avaient peur qu'une guerre de magie telle que celle qui s'était déroulée en 1609 éclate à nouveau. Ils paniquaient tous, la majorité des élèves avait perdu leurs parents dans cette guerre.
Cette guerre était encore un souvenir récent dans les esprits des élèves. Toute cette histoire me persuadait de plus en plus à garder le secret de l'identité de ma famille. Je ne voulais pas être rejetée parce qu'on pensait que j'étais comme lui, parce que j'étais sa fille.
À la fin du repas je me dirigeai vers le bureau d'Andrew, je toquai puis, après avoir eu la permission, j'entrai.
- Alyssia ! Que me vaut l'honneur de ta visite?
- Que savez-vous sur moi ? Pourquoi m'avez-vous envoyé une lettre d'inscription ? Savez-vous qui je suis ? Comment ? Vous savez quels sont mes ancêtres ? Depuis quand le savez-vous ? m'emportai-je d'un coup, me surprenant moi-même.
- Doucement Alyssia, assieds-toi, je t'en prie.
Je pris place sur la chaise qui se trouvait en face de son bureau. J'attendis quelques secondes avant qu'il réponde.
- Ta mère sait pour l'existence des personnes comme nous. C'est elle qui m'a contacté pour me demander de te laisser étudier dans ce lycée.
Comment ça elle savait ? Pourquoi ne m'en avait-elle pas parlé ? On avait toujours été complices toutes les deux. Comment avait-elle su ? Comment connaissait-elle cette école ? Pourquoi mon père était parti si elle était au courant ? Ça ne tenait plus debout.
- Elle avait reçu une lettre de ton père, continua le directeur. Il la menaçait elle, et toi, sa fille. Il voulait à tout prix mettre la main sur toi, même s'il ne s'acharnait pas à l'époque puisque tu ne t'étais pas encore transformée. Tu avais donc moins de valeur. Maintenant, beaucoup de personnes en ont après ton pouvoir exceptionnel.
Elle avait eu des nouvelles de mon père et elle ne m'en avait pas parlé ! Je lui en voulais de m'avoir caché ça. Elle était au courant de tout depuis le début et elle ne m'en avait jamais parlé alors que ça me concernait directement !
Elle savait donc que j'avais des pouvoirs, de quelle nature était cette école, qui était mon père et qu'il était mage, et elle ne m'avait rien dit. Je me sentais soudainement trahie.
- Se sentant menacée et sans protection, poursuivit Andrew, ta mère m'a contacté pour que tu sois inscrite à Preston et que nous puissions te protéger. Elle voulait que tu découvre ta vraie nature ici, dans le monde d'où tu viens, avec des gens comme toi. C'est pour cela que tu as reçu cette lettre d'inscription.
- Vous savez qui est mon père ?
- Non, ta mère ne nous a rien dit à propos de son identité. Elle nous a juste dit que c'était un mage puissant.
Oh ça oui, il l'était. Bien plus que tout ce que les gens pouvaient imaginer.
- Que savez-vous sur ma magie ?
- D'après les livres, tu as le pouvoir de la guérison.
- Quand est-ce que vous allez m'apprendre à m'en servir ?
- Dès que j'estimerai que tu es prête.
- Et quand serais-je prête ? Ça fait déjà un mois que je suis transformée et je ne sais même pas faire des étincelles avec mes doigts !
- Tout vient à bout à qui sait attendre.
Qu'est-ce qu'il pouvait m'énerver celui-là ! Ce n'était pas avec ses citations que j'allais pouvoir me défendre si mon père venait attaquer cette école ! Je respirai un bon coup pour éviter de m'emporter puis je dis :
- Vous comptiez m'en parler quand, de l'histoire de ma mère ?
- À vrai dire, jamais. Ce n'est pas à moi de te dire ce genre de trucs mais plutôt à ta mère.
- Très bien. Je veux voir ma mère.