C H A R L E S
J'ai fini sur le podium aujourd'hui et ce n'était pas gagné d'avance après les qualifications désastreuses, mais la stratégie mise en place a finalement payé autant pour moi que pour Carlos.
On a donc décidé d'aller fêter cela avec toute l'équipe dans un célèbre club de Singapour. Pour ma part je ne connaissais pas l'endroit, mais Pierre qui s'est joint à nous est déjà venu auparavant.
Cela doit faire deux bonnes heures qu'on est arrivés et placés dans le carré VIP, quand on sort pour prendre l'air à l'arrière du club, Joris en profite pour fumer une cigarette. Je n'ai jamais supporté l'odeur du tabac.
Je sors mon téléphone de ma poche et inconsciemment la première chose que je fais c'est d'aller checker mes mails. C'est devenu un automatisme maintenant, de rafraîchir cette application.
Souvent, je suis déçu d'avoir plein de mail qui ne m'intéresse même pas et de ne pas avoir celui tant attendu de Holly.
D'ailleurs cela fait 5 jours que je n'ai pas eu de réponse d'elle et je dois dire que cela m'inquiète un peu. De nous deux c'est elle qui répond généralement le plus vite sauf cette fois. Toujours pas de réponse.
Soudainement, je sens des bras venant dans mon dos puis sur mon ventre pour m'enlacer chaleureusement. J'ai oublié de préciser que Charlotte est aussi présente ce soir, mais c'est logique, là où je vais, Charlotte me suit.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Elle me demande à mon oreille d'une voix enjôleuse, elle a bu trois ou quatre verres de champagne.
Et j'ai dû lui lancer un regard accusateur à chacun d'entre eux, sachant pertinemment qu'elle ne tient absolument pas l'alcool, mais parfois et même souvent je devrais dire elle préfère n'en faire qu'à sa tête.
- Rien de spécial.
Je rentre mon téléphone dans ma poche avant pour ne pas la laisser voir ce que je faisais. Ses mains quittent mon ventre pour qu'elle vienne se placer devant moi.
- On rentre ? Je ne me sens pas très bien.
Par-dessus sa tête brune, j'aperçois le regard blasé de Pierre, mais aussi celui de Joris qui hausse l'un des sourcils par-dessous ses lunettes.
- Tu te sens capable d'aller chercher tes affaires ? Charlotte hoche la tête. Alors vas-y, je t'attends ici et on rentre.
Elle dépose un baiser sur mes lèvres en murmurant un merci avant de filer vers la porte blindée pour rentré à nouveau dans le club blindé.
- Comment elle te mène à la baguette !
Pierre se moque clairement de moi, Joris se joint à son rire en tirant une taffe de sa cigarette dont le bout incandescent ressort dans la noirceur de la nuit déjà bien tombée.
- Les gars, elle n'est pas bien.
- Elle te fait ce coup là à chaque fois.
Je hausse inconsciemment les épaules en fourrant mes mains dans mes poches de mon jean. Et il a raison.
- On dirait que tu n'as pas le droit de t'amuser mec, c'est terrible.
Pierre renchérie à la remarque de Joris, je laisse tomber ma tête en arrière dans le désespoir d'avoir encore une fois cette conversation au sujet de Charlotte. Puisque oui, ce n'est pas la première fois qu'ils me font ce genre de remarque et ça me saoule autant à chaque fois.
- Vous abusez les gars.
- T'es aveuglais par l'amour.
- L'amour, ouais c'est ça..
Je soupire limite à moi-même, mais pas assez faiblement puisque même s'il fait noir, je peux apercevoir mes deux compagnons me regardaient sans vraiment comprendre ma réponse.
- Attends. Pierre s'approche. Qu'est-ce que tu nous caches ?
- Absolument rien.
Pierre ne semble pas satisfait de ma réponse à sa question, il ouvre la bouche, mais c'est Joris qui prend la parole.
- Ça n'aurait pas un rapport avec la fille de la vidéo ?
Joris écrase sa cigarette dans le cendrier à deux mètres de nous puis se place à côté de Pierre, son téléphone à la main.
- Quelle vidéo ?
- Je savais que tu allais demander pierre.
Mon assistant tends son téléphone vers mon adversaire sur la piste, je tends le visage par-dessus l'écran et réalise aussitôt qu'il lui montre la vidéo du clip de Holly qu'il a réalisé.
- Joris, qu'est-ce que tu ne comprends pas dans privé ?
Je tente de chopper son téléphone, mais pour une fois il a de bon réflexe et il est plus rapide que moi, car il décale sa main au bon moment.
- Ça va mec, c'est Pierre, pas Charlotte.
Ma main ne retombe pas le long de mon corps, mais se pose sur ma nuque que je masse nerveusement. Pierre pointe du doigt la vidéo alors qu'il ne regarde même plus l'écran.
- Mais j'ai déjà entendu cette musique, je crois que Kika l'a chante souvent. Tu l'as connaît ?
- La fille ou la vidéo ?
Malgré la situation qui m'enchante guère, j'aime faire tourner Pierre en bourrique. Dans mon dos, des pas de talons résonnent sur les graviers qui recouvrent le sol, c'est probablement Charlotte qui revient pour qu'on s'en ailles.
- Les deux ? Pierre a juste le temps de me demander.
- Oui.
— — —
La lumière du jour me réveille plus tôt que je l'aurais souhaité, la prochaine fois je fermerais les rideaux.
Je sens une chatouille sur mon bras, quand j'ouvre les yeux ce n'est rien d'autre que les cheveux de ma petite copine qui a l'air toujours endormie.
Elle est dos à moi, je tente de retirer mon bras lentement pour ne pas la réveiller.
Une chose occupe mes pensées.
J'attrape mon iPhone qui a passé la nuit sur la table de chevet.
- Tu es sérieux là ?
Merde, elle ne dormait plus. Elle se retourne vers moi en faisant tellement de mouvement brusque que tout le lit bouge comme-ci le matelas était rempli d'eau.
- Quoi ?
Je lui demande sans comprendre ce qui l'a met d'aussi mauvaise humeur à peine ses yeux ouverts. Et encore, ils ont l'air collés avec son mascara qu'elle n'a pas retiré hier soir qui a coulés partout autour de ses yeux.
- Tu es à peine réveiller que tu vérifies tes mails pour voir si cette meuf ne t'as pas répondu ?
Ah. Un soir elle m'a grillé en train de répondre à un mail de Holly, je n'ai pas eu le choix de tout lui expliquer, qu'on entretenait une correspondance, mais dans les grandes lignes évidemment.
Je lui ai dit qu'on avait décidé de garder contact. Sans parler des règles, ni de la fois où on a été au restaurant puis sur le bateau, ni de la fois où j'ai fait faire un montage vidéo.
- Qu'est-ce que tu racontes ? J'attends un mail important de Ferrari.
- Et moi je suis la reine d'Angleterre ?
- Elle n'est pas morte ? Je tente de d'étendre l'atmosphère.
- Abruti.
Elle se lève du lit pour aller s'enfermer dans la salle de bain, je ne la suis pas, je ne suis pas d'humeur à me prendre la tête pour aucune raison.
- Il faut que l'on discute.
Pourtant, c'est moi qui balance cette phrase assez problématique quand elle sort de la salle de bain, une phrase que personne n'aime entendre, elle n'annonce jamais rien de bon et cette fois n'est pas une exception à la règle.
- Toi et moi, ça ne fonctionne plus.
Si Charlotte n'était pas assise sur le canapé de la chambre je pense qu'elle serait tomber à la renverse.
- Quoi ? Elle s'offusque.
- Tu as très bien compris. Ne fait pas l'étonner Charlotte..
J'ai revêtu des vêtements pendant qu'elle prenait sa douche, dans l'idée d'aller faire un footing après cette discussion. Debout à quelques mètres d'elle, je vois son visage se décomposer.
- Mais je t'aime Charles.
- Je t'aime aussi, vraiment, mais parfois ça ne suffit pas..
- Tu ne peux pas me quitter Charles.
Les larmes dévalent déjà ses joues rougies par la douche qu'elle prend toujours bouillante et je m'en veux déjà de lui faire du mal, d'avoir osé lui dire que nous deux c'était terminé.
- J'ai mis ma famille et mes études de côté pour te suivre, pour que toi tu poursuives tes rêves en dépit des miens.
Elle crie ses mots tellement fort que je pense que les dix chambres autour de la nôtre ont pu l'entendre.
- Pardon, tu as raison.
Je réduis la distance et m'agenouille devant elle, la forçant à croiser mon regard qu'elle doit maudire autant que la personne que je suis pour avoir osé mettre fin à notre relation.
- Je suis désolé, c'est qu'une mauvaise passe d'accord ? Je carasse ses mains avec mes pouces. Ça va passer, ça va s'arranger.
- Tu vas te forcer à rester avec moi parce que tu as pitié.
- Ne dis pas de bêtises.
N'empêche que je n'ai pas eu de réponse de Holly.