𝓒e fut seulement le lendemain qu'on demanda Kan à la tente du capitaine. Tous les élèves étaient restés sur place, car on leur avait réservé deux tentes (une pour les filles, une pour les garçons).
Kan se trouvait avec Isebell et Ynaseriam, tout près des montagnes, en train de discuter et de débattre avec eux, quand ils avaient remarqué qu'un Garde venait vers eux. Et comme il n'existait pas mille Kanwill Melym en Astriale, il avait tout de suite réagi à son nom.
Et désormais, il se retrouvait à suivre ce Garde, qui devait être lion étant donné l'anneau d'ambre qu'il portait à l'oreille. Il sentait les regards de ses amis dans son dos, et il se retourna vers eux pour leur offrir un sourire forcé. Il ne savait pas ce qu'on lui voulait, mais visiblement, quelque chose dans son carnet avait dû retenir l'attention. En tout cas, Isebell et Ynaseriam échangèrent un regard, avant d'acquiescer pour eux-mêmes.
On le fit entrer dans la grande tente, où se trouvait déjà dame Vyllas, le capitaine, et quelques autres Gardes. Kan n'était pas petit pour son âge – au contraire, il avait eu une poussée de croissance vers ses treize ans, et il faisait partie des plus grands élèves. Pourtant, face à tous ces regards sévères et sérieux, il se sentait minuscule. Et aussi, il avait la sensation d'être redevenu un enfant.
Sur la table, il aperçut son carnet. Il était ouvert sur une page qu'il ne pouvait pas lire d'où il était, mais il devinait un croquis sur le haut de la page de droite.
– M. Melym, commença le capitaine (plus tard, il apprit qu'il se nommait Parcy), pouvez-vous nous dire exactement où est-ce que vous avez vu cela ?
On lui rendit son carnet, qu'il parcourut rapidement. Le croquis représentait le porche d'une maison affaissée. Au début, il ne comprit pas ce qui avait retenu leur attention, puis ce fut en se relisant qu'il réalisa.
Foulard bleu roy accroché à une poutre, à l'intérieur – aurait-il était oublié ? avait-il écris. Or, le bleu roy était rare en Astriale, car il n'était produit que dans les Îles de Glace. En conséquence, peu de personne en portait.
Et ce n'était certainement pas un paysan vivant près des Mordantes qui allait posséder ce genre d'objet. Même Kan n'avait aucun vêtement de cette couleur, tant c'était cher.
– Nous avons tenté de retrouver cette maison que vous avez dessiné, monsieur, mais sa charpente a dû s'écrouler, car nous ne l'avons pas vu, déclara le capitaine Parcy. Pourriez-vous nous y emmener ?
– Je pense, répondit Kan – bien qu'il se souvenait déjà de l'endroit où il avait réalisé ce croquis.
– Dans ce cas-là, allons-y.
Kan fut ébloui en sortant, mais à force de cligner des yeux, il parvint à adapter sa vision. Ainsi, il se retrouva en tête de procession, et pendant un instant, il craint de ne pas retrouver la maison.
Il secoua la tête. Non, il savait parfaitement où il avait dessiné le croquis – sa mémoire était infaillible. Il tourna dans les rues, tout en tentant de faire abstraction des odeurs de mort. Déjà, plus rien ne fumait, ce qui était un bon début.
Le ciel était couvert ; aucun doute, il n'allait pas tarder à pleuvoir. Il grimaça en sentant déjà l'odeur qu'on pourrait ressentir quand tout serait trempé.
Au bout d'une petite dizaine de minutes à marcher, il parvint enfin devant la demeure et, effectivement, celle-ci s'était affaissée sur elle-même. Il voulut se diriger vers l'intérieur, mais Dame Vyllas le retint, en lui faisant signe de laisser les Gardes y aller.
Il était vrai que le lieu était dangereux, et le fait de toucher un simple mur pourrait faire tomber tout l'édifice. Ainsi, il patienta avec sa professeur, tandis que le capitaine et ses femmes et hommes s'introduisaient dans la maison. Kan l'entendait donner des ordres, toutefois, il continuait de surveiller l'entrée d'un œil, craignant que tout s'écroule d'un coup.
Heureusement, la petite équipe finit par revenir. Parcy tenait en main le foulard bleu, qui s'était visiblement pris par accident dans un clou, ce qui expliquait que son propriétaire l'ait laissé sur place. Ce qui était bien imprudent, mais cela était un cadeau immense pour eux.
– M. Melym, vous avez fait un excellent travail, déclara le capitaine.
Il ouvrit le foulard et, bien qu'il soit abîmé, Kan parvenait à reconnaître le motif présent dessus. La créature légendaire recouverte de poils noirs semblable à un serpent géant avec des ailes et se mordant la queue ne lui était pas inconnue.
Un selestem ouroboros.
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Publié le 28/08/2021