L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]

Chapitre 3.I : Un bal de capes

A partir de ce jour, une marque de distinction sera obligatoire pour reconnaître Apprentis d'Espions, Espions de Mentors, Mentors de Meneurs, comme vous l'avez exigé. Ainsi, nos Apprentis porteront désormais une simple cape bleu marine, nos Espions une cape noir ébène et leur broche d'argent, nos Mentors garderont leur cape gris cendre mais porteront désormais une broche d'or. Quant à nous les Meneurs, nous prendrons une cape blanche et nous ferons une broche de diamant que nous céderons à nos successeurs. Je m'engage à financer ces changements, et à vous faire parvenir un prochain courrier pour vous prévenir de la fin de tous ces changements dans notre organisation.
Lettre de la sénatrice Elinya Capricorne adressée au dirigeant Adewyn Taureau, an 1093.

𝓙illan avala une gorgée de sa bière, tout en gardant son attention fixée sur les cartes qu'il tenait d'une main. Assis à la même table que lui, dans une taverne d'Opaltys, quelques-uns de ses camarades Espions riaient et discutaient entre eux, en attendant qu'il joue. Pourtant, bien qu'il réfléchissait à sa prochaine action, il prêtait une oreille attentive aux échanges de ses camarades.

  — Eh ! Tu connais pas la dernière, disait Zym à Aigle. Pas plus tard que la semaine dernière, j'étais à Sténographie, avec Jill, et tu sais ce qu'on a vu ?

  — Non, mais raconte.

  — Attends, on va demander à Jill de raconter à ma place. C'est qu'il connaît plus de mots que moi, donc il explique mieux.

  Jillan soupira, tout en posant sa carte. Il avait beau apprécier Zym et être son meilleur ami, parfois, il aurait aimé qu'il soit moins porté sur les commérages. Et qu'il évite de le forcer à interagir avec les autres.

  Déjà que Zym l'avait forcé à l'accompagner ici ce soir, alors qu'il avait prévu de s'entraîner... Jillan n'avait pas vraiment envie de narrer leur aventure à Sténographie — aventure, qui l'avait mis en rogne. Pourtant, il n'avait pas le choix, car Aigle le regardait, attendant patiemment l'explication, un bambou de Sethrek (une sorte de bambou à fumer, très prisé, venant du Sethrek, un pays du Continent) tenu entre deux doigts.

  Zym lui donna un coup de coude amical, le poussant à parler, sa joue droite couverte de grains de beauté appuyée contre son poing fermé.

  — Hum, eh bien, avec Zym, on devait surveiller l'épouse d'Uwal Sagittaire, Meriann Ridyn — elle avait des activités suspectes, visiblement.

  — Et pour cause ! ricana Zym.

  Jillan lui jeta un regard noir. S'il commençait à l'interrompre, autant qu'il raconte à sa place. Zym haussa un sourcil, amusé, avant de prendre une gorgée de sa boisson, un sourire en coin. Il lui fit signe de poursuivre.

  — Alors, on s'est introduits chez elle. Meriann Ridyn a beau être la femme d'un sénateur, elle a préféré continuer à vivre de son côté, dans leur ancienne demeure. On s'est fait passer pour de simples domestiques. Tout le monde n'y a vu que du feu, car il n'était pas rare que Ridyn remplace ses serviteurs. Le seul qui ne changeait pas, c'était son valet, et il était muet.

  — Ça, c'est étrange, reconnut Aigle lorsque Jillan prit une pause pour regarder l'évolution du jeu.

  — Étoile, confirma-t-il en reprenant le fil de son récit. Et en plus, cela ne nous arrangeait pas : personne ne connaissait assez les lieux pour nous informer, n'y étant présent que depuis peu de temps. Mais tu sais ce qui était le plus étrange, chez ces domestiques ?

  — Non.

  — Tous venaient du petit peuple, et n'avaient aucune attache. Ils étaient pour la plupart incultes, et avaient eu la chance que — je cite — « m'dame Ridyn les r'père ». On a rapidement compris qu'en réalité, c'était le muet de Ridyn qui faisait une sorte de chasse pour sa maîtresse. Avec Lièvre, on n'avait pas beaucoup de temps pour trouver ce que fabriquait Ridyn.