Chapitre 19.V

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– 𝓠u'est-ce qu'elle a ?! s'exclama Saleann.

  Elle dut crier pour se faire entendre, la pluie battant fort, le tonnerre grondant à en faire trembler le sol. Brandissant sa lanterne qui risquait de s'éteindre d'une minute à l'autre, elle observa le visage blême de son amie.

  Renard ne répondit pas, mais allongea délicatement Téo au sol, avant de passer sa main sur son front.

  – Elle est brûlante de fièvre, déclara-t-il. C'est certainement dû au choc, et au fait qu'elle soit trempée. Saleann, passe-moi la couverture qu'il y a dans la sacoche droite.

  Elle s'exécuta, juste après avoir laissé la lanterne à Renard. Elle rejoignit leurs deux montures, chercha ladite couverture. Avec le risque d'orage, Renard avait semblé avoir prévu le coup ; Saleann admira sa clairvoyance.

  Elle revint vers lui, avant de tendre la couverture qu'elle avait protégé de la pluie sous sa cape.

  – Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda-t-elle en voyant quelque chose briller au niveau du poignet gauche de Téo.

  Renard baissa les yeux sur l'objet, tenta de l'enlever, en vain. On aurait dit une sorte de bracelet en argent, incrusté dans sa peau.

  – Je ne sais pas, mais c'est glacé. On demandera à Nylo d'observer ça de plus près.

  Elle acquiesça, avant de relever les yeux vers Renard. À son grand étonnement, celui-ci fronçait les sourcils.

  – Aide-moi à l'enrouler dedans. Il ne faudrait pas qu'elle attrape froid, en plus.

  Saleann et Renard parvinrent à eux deux à l'entourer de la couverture. Puis il reprit Téo dans ses bras, tandis qu'elle marmonnait des choses incompréhensibles dans son sommeil.

  Saleann parvint cependant à reconnaître les mots « ombre blanche ». Renard sembla les entendre également car il jeta un regard dans la direction d'où Téo était venue.

  – On ferait mieux d'y aller, dit-il d'un air sombre.

  Saleann se demanda s'il y avait vraiment une ombre blanche dans les parages. Beryna, sa sœur, lui avait raconté beaucoup d'histoires sur ces créatures, quand elle était petite, pour l'effrayer. Elle avait dû arrêter quand leur mère, Serval, lui avait interdit de lui faire peur par plaisir.

  Enfin, depuis, Saleann était incapable de dormir seule. Elle avait constamment peur des bruits qu'elle entendait, dans son lit, et la seule chose qui la rassurait était de percevoir la respiration de ses camarades de dortoir.

  Même les papillons, qui la suivaient tout le temps, ne parvenaient pas à la rassurer. Et pourtant, avec son talent, elle les percevait toujours.

  Renard siffla un coup, faisant sursauter Saleann, en train de grimper sur son cheval. Quelques secondes plus tard, un même sifflement lui répondit. Wuly et Corbeau, devina-t-elle.

  Elle attendit que Renard se hisse sur son cheval, fut surprise de le voir réussir avec Téo dans ses bras, avant de se mettre en route. La pluie tombait toujours aussi fort, l'orage ne passait toujours pas, et ils étaient toujours trempés.

  – Elle est partie vachement loin, fit remarquer Saleann en jetant un coup d'œil au visage de son amie inconsciente.

  – Étoile. Mais je ne suis pas étonné.

  – Parce qu'elle va à la travers facilement ?

  – Exactement.

  C'était une chose que toute la confrérie avait remarqué. Lorsque Téo se sentait coupable, elle fuyait. Saleann finissait toujours par la retrouver dans les passages secrets de l'Académie.

  Elle observa les alentours. Ils se trouvaient au creux de deux collines, où la brume s'était accumulée. Pourtant, elle ne connaissait pas ce lieu, et ne savait pas comment avait fait Renard pour retrouver si vite Téo, si loin d'Opaltys.

  – Où on est ? demanda-t-elle.

  – Ce sont les ruines de l'ancien château qui a abrité les membres de l'Oligarchie des Douze. Toutes ces pierres, que tu vois autour, ce sont les restes de la cité qui s'étendait à son pied, Aastreaa. Tout a été détruit pendant la Première Grande Guerre, et depuis, plus personne n'y vient. Presque tout le monde a oublié son existence.

  – Comment tu sais tout ça ? s'étonna Saleann.

  Il haussa une épaule. Elle ne parvenait pas à voir son visage, avec sa capuche rabattue sur la tête.

  – Les légendes. J'ai entendu un ménestrel en chanter une sur Aastreaa, un jour. Alors j'ai cherché, et j'ai trouvé.

  Saleann aurait bien aimé connaître plus de détails. Cela paraissait si simple ! Pourtant, elle était certaine que la chanson dont parlait Renard ne devait pas être claire, sinon tout le monde connaîtrait Aastreaa, ce qui n'était pas le cas.

  Elle ne s'attarda pas sur ce détail, bien trop inquiète quant à la santé de Téo, qui semblait aller au plus mal. Maintenant, ils devaient rentrer au plus vite à Opaltys.
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Publié le 10/07/2021

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz