L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]

Chapitre 5.I : Rien qu'un bras cassé

Remarque : mon élixir semble plutôt bien fonctionner. Je l'ai essayé aujourd'hui sur un Apprenti (consentant), et j'ai l'impression que son doigt va beaucoup mieux. Il faut que je pense à le tester sur de plus graves fractures.
Carnet d'expériences de Nyrle Meano, an 1416.

  𝓣éo passa une main dans ses cheveux, et se désola en constatant de nouveau qu'ils étaient bien trop courts à son goût. Nylo s'était occupée de les lui raccourcir, sur ordre de Chouette. En effet, sa Mentor personnelle lui avait expliqué qu'il valait mieux pour elle ne pas les avoir trop longs le temps de son Apprentissage, sous risque d'être dérangée durant ses entraînements.

  Déjà que Téo se demandait comment elle allait apprendre à se battre avec une telle cape sur le dos...

  Elle se rendait à son tout premier entraînement en tant qu'Apprentie. D'après ce qu'elle avait compris, elle allait étudier ce matin l'Art de la Défense et de l'Attaque avec Fennec, le plus âgé des Mentors. Enfin, c'était ce qui lui avait dit Wuly, mais il semblait à Téo que ce dernier était parfois un peu perdu. Comme s'il était dans son monde à lui.

  Alors c'est à ceci que je ressemble quand je me perds dans mes pensées ? s'était-elle demandée sur l'instant.

  Elle arriva devant la salle d'entraînement, située à l'étage, et souffla un bon coup, avant de pousser les lourds panneaux de bois.

  À peine mit-elle un pied à l'intérieur, qu'elle entendit les souffles courts des Apprentis qui se battaient entre-eux, et les entrechocs qu'il y avait entre les armes en bois des élèves. La pièce était grande — non, immense. Ses hautes fenêtres laissaient passer les rayons du soleil, un peu comme dans la salle aux tableaux. Mais contrairement à cette dernière, les murs étaient essentiellement vierges, à part aux endroits où reposaient les présentoirs qui gardaient les armes d'entraînements. Le sol, quant à lui, était entièrement en pierre, n'ayant aucune pitié pour celles et ceux qui tombaient.

  En promenant son regard sur la pièce, Téo s'aperçut qu'il y avait quelques capes noires — sans doute les Espions qui continuaient à s'entraîner régulièrement. Puis ses yeux tombèrent sur Fennec, dont la cape de couleur gris sombre était voyante parmi toutes celles bleu marine.

  De haute stature et tout en muscles, il devait avoir une quarantaine d'années, si Téo comptait en âge du cercle supérieur. L'unique œil gris de Fennec semblait capable de clouer n'importe qui sur place. Il y avait quelque chose dans ce regard qui dérangeait Téo, mais elle aurait été incapable de dire quoi. Ses cheveux roux paraissaient d'une couleur trop vive pour cette personne fade, de même que son bandeau vert pomme — les rumeurs affirmaient qu'il avait tout une collection de bandeaux colorés.

  Wuly lui avait dit qu'il y avait des années, quand il était un tout jeune Espion, Fennec s'était retrouvé face à un Assassin. L'Assassin lui avait volé un œil, mais le Mentor lui avait volé la vie. Il arborait avec fierté la balafre de sa joue droite. Il paraissait aussi que juste après cet événement, Fennec s'était amusé à effrayer ses camarades en se baladant sans bandeau, exposant un œil aveugle et bleu, jusqu'au moment où un Mentor lui avait ordonné de cesser cela.

  Fennec darda son œil gris perçant sur elle, qui déglutit péniblement en tentant de se redresser un peu plus pour ne pas paraître impressionnée. Bien qu'elle n'en avait pas envie, elle se força à rejoindre le Mentor, comprenant qu'elle avait dû arriver en retard par inadvertance.

  Sur son chemin, elle entendit encore des insultes. « La bourgeuse a cru qu'elle aurait le droit à un traitement de faveur, peut-être ? ». « Le petit poussin va voir ce qui arrive aux retardataires ». « Franchement, quelle plaie d'avoir une bourgeuse ici ! ».