Chapitre 14.I : Un, deux, trois points de sutures

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Remarque : la prochaine fois que j'ai l'intention de recoudre un Apprenti, il faut que je pense à prendre un alcool un peu moins fort.
Carnet d'expériences de Nyrle Meano, an 1413.

  𝓣éo tentait d'immobiliser ses jambes, en vain. Celles-ci ne cessaient de tressauter en rythme, tandis que son estomac dansait à toute allure dans le creux de son ventre. Elle n'aurait peut-être pas dû manger autant, sachant ce qui l'attendait.

  — Tu vois, j'ai beau habiter ici depuis des années, et être habituée à ces examens, je me suis jamais faite à ces cris, commenta Saleann.

  À la façon qu'elle avait de frotter ses mains contre son pantalon, Téo devina que celles-ci étaient moites. Chacune avait sa manière d'exprimer sa nervosité. Toutefois, les deux tressaillir ensemble quand de nouveaux cris retentirent dans la pièce face à elles. Un papillon s'échappa même des cheveux de Saleann.

  Celle-ci avait ce qu'on appelait un « Talent » – elle abritait en elle un fragment d'une ancienne magie. Ainsi, les papillons ne cessaient de se cacher dans ses cheveux, de la suivre partout. Cela avait fait rire Téo, un peu moins Saleann, qui ne maîtrisait pas vraiment ce talent. Au point que, parfois, des papillons s'accumulaient sur la fenêtre de leur dortoir, cachant toute lumière, parce qu'ils souhaitaient rejoindre Saleann.

  Cela pouvait être effrayant. Vraiment.

  Téo se trémoussa sur sa chaise, mal à l'aise, le regard fixé sur la porte de la salle d'examen, ne voulant pas imaginer ce qui se passait à l'intérieur pour que l'Apprenti hurle ainsi.

  Les cris se turent. Téo et Saleann échangèrent un regard, loin d'être sereines. Puis la porte s'ouvrit.

  L'Apprenti qui sortit ne semblait pas blessé, tout comme ceux qui étaient passées avant lui. Pourtant, on aurait dit qu'il venait d'être torturé. C'est sans doute le cas, mais indirectement, songea Téo, en glissant les mains dans ses poches.

  – C'est ton tour, Saleann, déclara Fennec, le nez penché sur son carnet.

  – Bonne chance, articula Téo, tandis que son amie lui envoyait un regard effrayé.

  La porte se referma derrière Saleann et Fennec. L'Apprenti sortant s'éloignait d'un pas trébuchant de la pièce maudite.

  Clic clac, clic clac, clic clac.

  Téo jouait distraitement avec son odomax, qui traînait dans ses poches. Nylo l'aurait réprimandé si elle avait su qu'un objet de cette valeur se trouvait dans les poches de la plus maladroite des Apprentis. Téo avait oublié de le remettre dans son dortoir.

  Aujourd'hui était un jour d'examen – et demain le serait aussi. Depuis ce matin, tous les Apprentis étaient évalués sur leurs compétences dans toutes les matières. Téo savait qu'elle avait réussi les examens de la matinée et du début d'après-midi. Sachant lire, compter et écrire depuis ses six ans, elle n'avait eu aucun mal à passer les épreuves liées à ce sujet. Quant à l'équitation, cela ne lui demandait pas beaucoup d'efforts.

  Ensuite, il y avait eu l'épreuve de l'Odorat. Tout bon Espion devait être capable de percevoir l'odeur d'une pièce, pour être ensuite en mesure de la reproduire à l'aide de plantes, et de s'en asperger. Un bon Espion ne laissait pas traîner son odeur dans une pièce.

  D'où l'utilisation de l'odomax. Chaque Apprenti, chaque Espion, en possédait un. Il s'agissait d'une petite machine, fabriquée il y avait des siècles par un Inventeur de génie appelé Jumalio. La confrérie avait mis la main dessus par hasard, il y avait environ six siècles. Ainsi, les odomax étaient transmis de génération en générations, un Espion partant ou décédé le cédant à un autre, étant donné qu'ils étaient rares et que plus aucun n'étaient fabriqués.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now