Chapitre 16.III

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— 𝓣éo ! Eh oh, Téo ! Mais réveille-toi, pour l'amour de Makawee !

  Téo ouvrit un œil, et grogna en voyant Saleann, l'autre et unique occupante de son dortoir depuis qu'Emyria était devenue Espionne, ouvrir en grand les rideaux. Un immense soleil brillait à l'extérieur, lui brûlant la rétine. Des papillons dansaient devant la fenêtre.

  Elle mit sa tête sous son oreiller.

  Lorsqu'elle avait enfin trouvé son dortoir, Téo s'était empressée de faire une toilette rapide avec l'eau qu'elle avait remonté en prévision, car elle savait bien qu'elle ne se réveillerait pas avant Saleann, et qu'il serait embarrassant pour elle d'expliquer pourquoi elle était pleine de poussière. Puis elle avait rapidement enfilé sa chemise de nuit, avant de tomber de fatigue sur sa couchette – elle n'avait même pas eu le courage de boire l'élixir de Nylo.

  Saleann attrapa l'oreiller et la couverture de Téo, avant de tirer d'un coup.

  – Par tous les dieux, s'étonna-t-elle, comment tu t'es fait cette bosse ?

  – Hum ? fit Téo en portant sa main à son front – effectivement, son escapade dans les passages secrets avait laissé des traces. Oh, je crois que je suis tombée de mon lit, cette nuit, mais je pensais que c'était juste un rêve.

  Elle se roula en boule pour tenter de ne pas sentir l'air frais provoqué par la disparition de la couverture sur sa peau, tandis que Saleann avala la goutte.

  – En tout cas, t'as intérêt à te dépêcher, où tu vas arriver en retard au petit déjeuner.

  – Pars sans moi, j'arrive.

  Le silence se fit. Téo se risqua à ouvrir un œil, dévisagea Saleann, figée, ses yeux dorés grands ouverts, l'oreiller et la couverture toujours en main.

  – Âme noire ! Pour que t'aies aucun scrupule à arriver en retard au petit-déjeuner, c'est vraiment que t'es crevée ! Enfin bon, grouille-toi quand même – l'association des filles aux cicatrices ne doit pas arriver en retard !

  Saleann déposa ce qu'elle portait sur le bout du lit de Téo, avant de sortir du dortoir, parfaitement prête, en uniforme, et ses cheveux noirs encadrant son visage. Si elle avait été plus réveillée, Téo aurait rit en voyant les papillons posés à l'arrière de sa tête, attirés par son talent.

  Une fois seule, Téo lâcha un gémissement tout en s'asseyant ; sa bosse était plus douloureuse que prévue, et après avoir jeté un coup d'œil dans la glace, elle réalisa qu'elle était très très très voyante – comme ses cernes, d'ailleurs.

  Elle soupira, mais s'habilla rapidement, avant d'essayer d'arranger ses cheveux de façon à cacher les dégâts. Toutefois, elle ne pouvait empêcher son cerveau de réfléchir. Elle était étonnée que personne ne leur ait parlé des passages secrets, car après tout, s'ils étaient là, et vu que cet endroit appartenait aux Espions depuis toujours, ils servaient certainement en cas d'invasion.

  Elle se demanda un instant s'ils étaient reliés à l'aile est des étudiants, avant de chasser cette pensée de son esprit. Elle devait rester concentrée sur sa question première.

  Alors, pourquoi n'étaient-ils plus utilisés ? Quand elle était rentrée, elle avait dû déloger des toiles d'araignées de ses cheveux, ce qui voulait dire que ces toiles étaient assez grande pour qu'elle, personne de petite taille, les touche. En tout cas, elle savait qu'elle en parlerait à Saleann, Wuly et Dytal.

  Quant à la conversation qu'elle avait espionné, elle était perplexe. Elle hésitait à retranscrire ce qu'elle avait comprit dans son journal, mais elle était déjà en retard, et quand elle se lançait dans une énigme, elle avait du mal à la lâcher.

  Maintenant qu'elle était reposée, elle se demandait si ce n'était pas la sénatrice Arysia Taureau qu'elle avait entendu, toujours pas repartie.

  Malheureusement.

  Après tout, la plupart des Espions étaient formés à garder leur sang-froid, et à part Lièvre, peu d'entre-eux s'énervaient au point qu'on les entende de l'autre côté d'une porte. Arysia, toutefois, était quelqu'un de colérique. Et en plus, elle avait entendu le mot « idiot ». Or, les Espions utilisaient bien plus les termes argotiques « boulet » ou « cervelle d'oiseau ».

  – Téo, arrête de mettre tes sentiments dans tes raisonnements, se rabroua-t-elle.

  Ce n'était pas parce qu'elle détestait la sénatrice que c'était forcément elle qu'elle avait entendu. Elle grogna de frustration, et attrapa si violemment son ruban pour attacher ses cheveux qu'elle ne vit pas qu'il était coincé dans un tiroir.

  – Âme noire, jura-t-elle en entendant qu'il se déchirait.

  Elle grimaça tout en constatant les dégâts. Agacée, elle prit son ruban de rechange, en songeant qu'elle allait devoir s'en racheter un.

  En observant les filaments du ruban déchiré, une pensée la traversa. Elle se rappelait parfaitement des paroles qu'elle avait entendu. D'ailleurs, elle avait trouvé que cela ressemblait à une remontrance qu'aurait pu donner un Mentor à un Espion qui aurait mené à mal sa mission.

  Mais pourquoi réprimander quelqu'un à cette heure ? Surtout sachant qu'à part Renard, Lièvre et Aigle, aucun Espion n'était rentré de mission récemment. Or, tous étaient de sorti, hier soir, elle le savait.

  Elle sentait qu'elle avait mis le doigt sur quelque chose d'étrange. Maintenant, c'était à elle de creuser sans se faire repérer.

  Et quand Téonary Naryn cherchait une réponse à une énigme, elle la trouvait.
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Publié le 19/06/2021

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant