Chapitre 30.II

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  – 𝓘smène, faites que j'y arrive, murmura Téo au pied du palais d'Ylthenas.

Elle avait profité de la semaine avant la fête pour repérer les lieux, mais également pour glisser son nom sur la liste d'invités. Et pour acheter une robe, aussi – si elle se rendait en chemise et pantalon, elle se ferait refouler en un instant.

Il fallait bien l'avouer, cela c'était révélé plus ardu que ce qu'elle avait prévu en premier lieu.

Pas pour la robe, évidemment.

Téo vérifia une dernière fois sa tenue, se racla la gorge pour la préparer à prendre l'accent lanois, puis monta les escaliers. L'air frais s'engouffra dans ses lourdes boucles blondes, se glissa dans son cou pour la faire frissonner. Sa peau se recouvrit de chaire de poule, et pas seulement à cause du froid. Le palais se trouvant dans un bon quartier de la cité, aucune mauvaise odeur se faisait ressentir, et Téo en profita pour inspirer cet air qu'elle connaissait si bien.

D'après elle, la Lunae avait un énorme bon point : il y faisait toujours froid (enfin, pour ceux qui n'étaient pas luniens, car les Luniens supportaient naturellement plus facilement les basses températures). En conséquence, elle avait pu mettre une robe avec de longues manches, dans lesquelles elle avait pu dissimuler deux poignards. Il lui était strictement impossible de garder une épée, et elle remercia mentalement Renard de l'avoir forcé à continuer à toucher aux dagues.

Aussi, elle avait enfilé une bague, pour se faire passer pour une femme mariée. Dans la haute société, pour certains aristocrates nommés « conservateurs », une fille aussi jeune qu'elle était mal vue si elle était seule et célibataire – ce qu'elle trouvait totalement ridicule. Ainsi, elle était mariée, et veuve (elle n'avait pas le temps de se trouver un faux mari).

Téo prit un air hautain, sans oublier de rester bien droite. Quand elle arriva au niveau des domestiques qui vérifiaient chaque entrée, elle donna l'invitation fabriquée par elle. Intérieurement, elle pria pour que son exemplaire ressemble parfaitement à l'original entré « par hasard » en sa possession quelques jours plus tôt.

Question de vengeance personnelle, elle avait volé celle d'Arysia Taureau.

– Bonne soirée, Mme Selene, fit le serviteur en la laissant entrer.

Elle se retint de le remercier. Elle ne savait pourquoi, mais les bourgeux n'en avaient rien à faire, des domestiques, alors son personnage — prénommé Oryana Selene — devait se comporter ainsi. Le pire, c'était que Téo savait que, plus jeune, elle pensait aussi que les serviteurs ne valaient rien. Heureusement qu'elle était sortie de cette société aberrante. Une fois à l'intérieur, elle résista à la tentation de dévisager les alentours, bien qu'elle aurait eu plaisir à observer ces mille beautés. Elle laissa sa cape à un domestique, puis se dirigea sans hésitation vers la salle de bal.

Elle fut submergée par la musique en un instant. Les meilleurs musiciens du pays étaient présents, et plusieurs personnes hauts placées dans la société – presque toutes du cercle supérieur – dansaient sur la piste. En levant les yeux, Téo vit le lustre qui brillait de mille feux, fait des plus belles pierres que possédaient l'Astriale. Même le sol en marbre blanc semblait posséder des veinures d'or.

Non, il y avait bien des veinures d'or dans le sol. Téo en fut stupéfaite. Elle était certaine qu'on ne trouvait aucune pierre de ce genre en Astriale. Alors, d'où venaient-elles ? Elle secoua la tête. Elle n'était pas là pour cela.

De hautes fenêtres montaient jusqu'au plafond, et elle parvenait à voir les étoiles à travers. Heureusement que ces ouvertures sur l'extérieur étaient présentes, car elle se serait sentie enfermée sans. Il y avait beaucoup de monde dans cette pièce, si bien qu'une rougeur due à la chaleur s'épanouie sur ses joues.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now