Chapitre 9.III

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𝓙illan avait faim. Heureusement que c'était l'heure du repas !

  Il n'avait pas vu l'heure tourner, tandis qu'il s'entraînait. Depuis qu'il avait reçu sa dernière mission – celle qu'il avait tenté de déchiffrer pendant un bon quart d'heure – il travaillait deux fois plus, tout comme Souris, la vieille Antilope et (dans une moindre mesure) Corbeau.

  Tous quatre devaient partir pour Genibel dans trois jours, pour une fête donnée par le sénateur Reyruh Cancer, où se trouverait aussi Arysia Taureau, Galtawell Capricorne, mais surtout Fanie Bélier.

  Cela allait se révéler être une mission particulièrement complexe.

  Jillan entendit des murmures provenant d'un couloir qui allait croiser le sien. En tendant l'oreille, il parvenait à saisir les mots prononcés à voix basse. « Règle numéro trois de la Charte des Espions : Tu devras le respect à tes supérieurs en tous cas, sous peine d'être puni comme il se doit ». Ces quelques mots furent suivis d'un grognement mécontent.

Pas besoin de réfléchir pour comprendre qu'il s'agissait d'un Apprenti qui venait d'écoper une punition ! Et pour prouver ses dires, il vit une petite tête blonde déboucher du couloir, une feuille entre les mains. Il reconnut sans mal Téonary, qui n'avait visiblement aucun mal à lire (il l'enviait), mais qui semblait ruminer.

  — On boude ? lança-t-il.

  Il sentit poindre l'amusement en la voyant bondir de surprise. Jillan n'appréciait pas les Apprentis — trop immatures — mais il reconnaissait que cette fillette était un drôle de phénomène. Enfin, elle lui rappelait un peu lui, dans sa détermination. Elle pivota d'un mouvement vers lui, tandis qu'il haussait imperceptiblement un sourcil.

  – Non non, assura-t-elle.

  – Vraiment ? Pourtant, à ta façon de te tenir, la tête penchée, et à grogner, j'aurais pensé le contraire.

Téonary se remit à marcher, à côté de lui, tandis qu'il passait devant elle.

– Bon, d'accord, c'est un peu vrai, concéda-t-elle.

  – Seulement un peu ?

  – Hum ! Étoile, c'est totalement vrai. Je devais voir Arysia Taureau, et il se peut qu'elle m'ait un tantinet agacé. Et du coup, il se peut que je me sois montrée insolente, et que j'ai écopé d'une magnifique punition. C'est sacrément injuste, parce que c'est elle qui m'a énervé !

  Jillan lui jeta un regard. Il se souvenait de son Apprentissage avec la sénatrice. Cela n'avait pas été de tout repos. Elle était du genre à le plomber en permanence, elle qui avait reçu une formation militaire avant de devenir sénatrice à la place de son frère aîné. Cela avait été une excellente Mentor personnelle sur la plupart des points, et elle l'avait aidé à se créer une identité dans la haute société, mais il fallait avouer que ce n'était pas une tendre...

  Et qu'elle détestait, si ce n'était pas tout le monde, la plupart des gens.

  – C'est Arysia, se contenta-t-il de répondre. Elle n'acceptera jamais que quelqu'un lui manque de respect. Elle est ainsi, mais on s'y habitue, crois-moi.

– Cela devait être dur de l'avoir comme Mentor personnelle.

  – Pas tant que ça. C'est grâce à elle que je suis devenu ce que je suis. Étoile, elle est sévère, mais tu pourrais avoir des surprises avec elle.

  – Des mauvaises, oui.

  Il fit mine de ne pas l'avoir entendu, bien qu'il avait perçu son marmonnement.

  – Comment ? fit-il pour lui faire penser le contraire.

  – Étoile, j'espère, mentit-elle, mais si je veux remonter dans son estime, il va falloir que je travaille deux fois plus pour m'améliorer en Art de la Défense et de l'Attaque, ce qui n'est pas gagné.

  Il réfléchit pendant quelques secondes, alors qu'ils arrivaient dans le réfectoire. Elle s'apprêtait à le quitter pour rejoindre ses camarades Apprentis. Alors il reprit :

  – Si tu veux, je pourrais t'aider. Pas tout de suite, car je dois encore faire une grosse mission avant l'Aneylanh, mais je pourrais t'entraîner en plus des heures que tu as. Si tu es d'accord, je jure de ne pas te punir aussi sévèrement que le fait Fennec. Alors, ça te dit ?

  Jillan ne savait pas ce qui lui avait prit de lui proposer son aide. Il n'avait jamais aidé personne, et les Apprentis ne l'aimaient pas. À tous les coups, elle allait refuser. C'était ce qu'il se disait en la voyant s'arrêter et écarquiller les yeux dans sa direction. Pourtant, elle se reprit bien vite.

  – Cela me convient.

  – Vraiment ? s'exclama-t-il, avant de reprendre plus calmement : très bien, on se retrouve donc le lendemain de mon retour, à cinq heures du matin ?

  – Étoile ! Merci beaucoup !

  Téonary lui offrit un grand sourire, avant de courir rejoindre la table des Apprentis. Jillan était encore abasourdi de ce qu'il venait de proposer. Cela lui avait traversé l'esprit en un instant, et il n'avait même pas remit en question cette idée farfelue qu'elle venait d'accepter.

  Quelqu'un le frappa amicalement dans le dos. Jillan reconnut le rire caractéristique de Zym, tandis que celui-ci passait devant lui.

  – Eh bien, tu attends quoi, Jill ? ria-t-il.

  Jillan secoua la tête pour remettre ses idées en place.

  – Rien. J'étais en train de me dire que j'allais me pencher un peu plus sur ton idée de Supérieur.

  Zym ne répondit pas, mais lui offrit un sourire espiègle. Jillan le suivit en reconsidérant ses préjugés sur cette formation.
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Publié le 01/05/2021

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now