Chapitre 3.II

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  𝓞paltys, autrefois surnommée la Cité d'Opale, se dressait devant l'air ébahi de Téo. C'était la cité des Taureaux, et en conséquence sa cité également. Dur à croire pour une petite fille comme elle !

  La cité fortifiée se dressait enfin devant elle, après plusieurs jours de chevauchée. On parvenait encore à deviner la forme des pointes en fer ; elles empêchaient toute intrusion, en rehaussant les hauts murs. D'immenses douves tournaient autour des murailles. Certains pourraient penser que le fait que la Sanglante, le fleuve prenant sa source dans les Mordante, traverse de part en part la cité créait une faiblesse ; c'était tout le contraire. De nombreux gardes surveillaient la rivière, ainsi que l'unique entrée d'Opaltys. De plus, ils vérifiaient l'identité de chaque personne souhaitant rentrer dans la cité, comme en temps de guerre.

  Téo fit avancer son cheval sur le pont levis, à la suite de Chouette et Loup, et ce dernier sortit leurs papiers d'identité. La seule fois où Téo avait vu les siens, c'était lorsqu'elle avait discrètement fouillé avec Kan le bureau de Mme Griflyn, pour tenter de savoir qui étaient ses parents. C'était d'ailleurs cette fois-là qu'elle avait appris qu'elle avait eu beaucoup de chance d'être tombée dans cet orphelinat.

  — Levez la herse ! ordonna un garde, après avoir vérifié les papiers.

  Le cheval de Téo s'ébroua d'impatience, et elle lui enjoignit de se calmer. L'un des gardes lui lança un regard mauvais, lui faisant hausser un sourcil en retour. Pour qui se prenait-il ? Se pensait-il donc supérieur à elle ? Elle se redressa bien droite sur sa selle, hautaine.

  — Vous pouvez y aller, leur dit le garde. Et profitez bien d'Opaltys.

  Chouette le remercia, avant de rattraper son compagnon. Téo s'empressa de donner un léger coup de talon pour relancer son cheval. Malgré la tentation, elle ne se retourna pas pour regarder la réaction du garde. Elle resserra les pans de sa cape, expira un petit nuage blanc.

  Opaltys se trouvait plus au sud qu'Ylthenas. En conséquence, il y avait beaucoup moins neigé, et la plupart des Opalais étaient sortis. Les enfants s'amusaient et courraient dans la rue, emplis d'insouciance... et gênaient quelque peu les cavaliers. Leurs mères discutaient entre elles, et un boulanger dégageait la neige devant son commerce.

  Le ventre de Téo se mit à gargouiller lorsqu'elle sentit la bonne odeur qui s'échappait de la petite boulangerie. Elle en saliva d'envie, mais savait pertinemment qu'elle devrait attendre d'être arrivée à la base des Espions. Son regard s'attarda néanmoins sur l'intérieur du commerce, si bien qu'elle se rendit compte à la dernière minute qu'elle ne savait plus où elle allait.

  Au loin, un pont montait assez haut pour surplomber des maisons. Elle lâcha un soupir d'extase ; elle voyait le célèbre pont d'Opaltys, dit de mille ans, qui enjambait la Sanglante. Elle en avait lu, des légendes sur la construction de ce pont ! C'était une structure ingénieuse, en pierre claire, qui résistait à toutes les intempéries : grâce à lui, Opaltys avait pu se développer sur les deux rives.

  Téo réalisa alors qu'elle avait ralenti l'allure de sa monture, si bien que Chouette et Loup étaient plus loin devant elle. Elle donna un léger coup à son cheval, évita les enfants qui restaient au milieu de la chaussée d'une main experte. Elle avait toujours aimé monter et se promener avec Kan dans les jardins des Merveilles lors des beaux jours. Elle savait même monter à califourchon, comme les hommes (conséquence de sa grande curiosité).

  Cependant, elle avait remarqué que Chouette aussi montait comme un homme. Ce qui était logique, quand on voyait qu'elle portait un simple pantalon sous sa tunique. Bien qu'elle n'avait pas posé la question, Téo avait vite compris qu'elle devrait elle aussi porter ce genre de tenue pour plus de confort — ce qui la contrariait, elle qui s'habillait avec des robes depuis sa naissance.

L'Astriale - Les Ombres de l'Hiver T1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now