L'Astriale - Les Ombres de l'...

By MarieEBlue

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« Ils sont quatre. Certains ne se connaissent pas. Et pourtant, les fils de leur vie sont indéniablement nou... More

Avant-propos
Lexique
Les personnages
Autres informations
Prologue
Chapitre 1.I : Les Merveilles
Chapitre 1.II
Chapitre 1.III
Chapitre 1.IV
Chapitre 2.I : Les deux étrangers d'Opaltys
Chapitre 2.II
Chapitre 2.III
Chapitre 2.IV
Chapitre 3.I : Un bal de capes
Chapitre 3.II
Chapitre 3.III
Chapitre 4.I : La Cité du Commerce
Chapitre 4.II
Chapitre 5.I : Rien qu'un bras cassé
Chapitre 5.II
Chapitre 5.III
Chapitre 6.I : L'Histoire des Espions
Chapitre 6.II
Chapitre 6.III
Chapitre 7.I : L'Antre du Corbeau
Chapitre 7.II
Chapitre 8.I : Capriner enneigé
Chapitre 8.II
Chapitre 9.I : Le retour de la sénatrice
Chapitre 9.II
Chapitre 9.III
Chapitre 10 : L'Attentat de Genibel
Chapitre 11.I : Joyeuse Aneylanh
Chapitre 11.II
Chapitre 12.I : La voix de la sagesse
Chapitre 12.II
Chapitre 12.III
Chapitre 13.I : Monocle
Chapitre 13.II
Chapitre 14.I : Un, deux, trois points de sutures
Chapitre 14.II
Chapitre 15.I : La trêve
Chapitre 15.II
Chapitre 15.III
Chapitre 16.I : La curiosité est un vilain défaut
Chapitre 16.II
Chapitre 16.III
Chapitre 16.IV
Chapitre 17.I : Ah, le sale gosse !
Chapitre 17.II
Chapitre 17.III
Chapitre 17.IV
Chapitre 18.I : La tombée de la Chouette
Chapitre 18.II
Chapitre 18.III
Chapitre 18.IV
Chapitre 19.I : L'Ombre Blanche
Chapitre 19.II
Chapitre 19.III
Chapitre 19.IV
Chapitre 19.V
Chapitre 20.I : Les maires
Chapitre 20.II
Chapitre 20.III
Chapitre 20.IV
Chapitre 20.V
Chapitre 20.VI
Chapitre 21.I : Reprendre confiance en soi
Chapitre 21.II
Chapitre 21.III
Chapitre 22.I : L'épreuve de la Décision
Chapitre 22.II
Chapitre 23.I : L'incendie
Chapitre 23.II
Chapitre 23.III
Chapitre 24.I : L'épreuve de la Représentation
Chapitre 24.II
Chapitre 25.II
Chapitre 26.I : Cérémonie funèbre
Chapitre 26.II
Chapitre 26.III
Chapitre 27.I : L'épreuve de l'Éducation
Chapitre 27.II
Chapitre 27.III
Chapitre 27.IV
Chapitre 27.V
Chapitre 28.I : Amie ou ennemie ?
Chapitre 28.II
Chapitre 29.I : Qui est Madame Draner ?
Chapitre 29.II
Chapitre 29.III
Chapitre 30.I : La fin de l'Apprentie...
Chapitre 30.II
Chapitre 30.III
Chapitre 31.I : ...et la naissance de l'Espionne
Chapitre 31.II
Chapitre 31.III
Épilogue
Remerciements
Bonus
Tome 2

Chapitre 25.I : Fait comme un Rat

52 11 25
By MarieEBlue

An 1428

Selon la loi, tuer un Assassin, un Espion, ou un Voleur que l'on a capturé n'est passible d'aucune peine. De cette façon, le gouvernement laisse le peuple se venger lui-même, et l'empêche de penser qu'il y a une faille dans le système.
Critiques de l'Astriale, auteur inconnu.

  𝓢ynolab se retint de jeter un coup d'œil derrière lui. À ses côtés, Telia ne se gêna pas, très blanche. Il lui serra doucement le bras, et secoua la tête. Elle ne devait pas se retourner ainsi.

  Ils se savaient tous deux suivis, et ils n'aimaient pas cela. Synolab sentit Telia marcher plus vite. Elle cachait bien sa peur, mais il la connaissait assez pour s'en rendre compte. Ce n'était pas la première fois. On avait déjà tenté d'assassiner Telia de nombreuses fois, bien que cela échouait à chaque fois, tant Synolab avait affaire à des incompétents.

  Sauf que la discrétion de leur poursuivant lui faisait bien comprendre que ce n'était pas un amateur. Il l'avait vaguement aperçu dans le reflet de certaines vitres, mais son visage restait invisible. Un véritable expert.

  Synolab éliminait d'office les Assassins ; étant associé à Telia, celle-ci était sous sa protection. Ils n'oseraient jamais toucher à l'un de ses cheveux. Ce n'étaient pas non plus des Voleurs ; ils n'agissaient qu'à partir du crépuscule, car ils trouvaient que les heures les plus sombres étaient aussi les plus propices aux vols. Or, il était à peine dix heures du matin.

  Ne restait plus que les Espions, parmi les confréries assez dangereuses pour s'attaquer à eux. Et là, cela collait.

  Synolab allait se faire une joie de le tuer. Un de moins en Astriale, cela ne ferait que du bien au pays, même s'il risquait de s'attirer les foudres de la dirigeante. Après tout, Fanie Bélier et les Espions faisaient parti de la Ligue à Cornes.

  – Sommes-nous en danger ? lui demanda tout bas Telia.

  Il serra les dents, ne répondit pas. Il ne pouvait pas lui dire non : ce serait un mensonge. Il n'osait pas non plus lui dire que oui, elle, elle était en danger. Les Espions devaient vouloir les secrets de Telia. Et s'il y en avait un qui la suivait, c'était certainement pour la torturer. Synolab ne laisserait pas faire. Son frère avait été tué par une Espionne. Sa mère avait été torturée par cette même Espionne. Hors de question qu'une autre personne à qui il tenait meurt à cause d'une de ces misérables créatures.

  Telia et Synolab évitèrent un groupe d'Amrynois rassemblés devant un étal. Il en profita pour se pencher vers elle.

  – On n'est pas loin de chez toi. Essayons d'entraîner notre poursuivant là-bas. On pourra l'interroger, pour savoir ce qu'il te veut.

  – N'est-ce pas téméraire ?

  – Etoye, bien sûr que cela l'est ! Fais-moi confiance.

  Synolab se décida à employer son don. Il ouvrit son esprit, sonda les pensées qui lui parvenaient. Ce moyen permettait de connaître les intentions directes, sans pour autant fouiller dans sa vie privée. Ce n'étaient même pas des pensées à proprement parler. C'était plutôt une sorte de ressentiment. Il sentait l'intention, sans vraiment la comprendre. Ainsi, cela était autorisé par la loi.

  Tous les scorpions devaient suivre des lois très strictes. Interdiction de voler des informations personnelles, sans consentement direct et écrit. Interdiction de manipuler les pensées, d'instiller la douleur, à part dans un danger immédiat. Synolab ne prendrait pas le risque d'enfreindre ces règles.

  Il repéra les pensées de l'Espion – et eut la confirmation qu'il s'agissait bien d'un Espion. Mentalement, il tendit un fil entre leurs deux esprits, pour qu'il puisse le sentir, savoir où il se trouvait. N'ayant pas fait cela depuis longtemps, un léger mal de tête pointa son nez, le faisant grimacer. Il était un peu rouillé.

  L'adrénaline coula dans son sang. Il savoura cette douce sensation, qu'il n'avait pas ressenti depuis des années. Une main tenant toujours le bras de Telia, il utilisa l'autre pour vérifier s'il était bien armé, au cas où il faudrait se défendre.

  Ils entrèrent dans la cour de la demeure de Telia. Celle-ci n'était pas bien animée. Telia ne possédait pas beaucoup de domestiques, vivant seule depuis la mort de son mari. Ne travaillaient pour elle qu'un cuisinier, un homme de ménage, et une palefrenière. Ainsi, lorsqu'ils entrèrent dans les écuries, seule celle-ci releva la tête.

  – M'dame ! J'm'attendais pas à c'que vous rentriez d'si tôt ! Si vous l'voulez, j'peux vous seller votre jument ! s'exclama la palefrenière.

  – Sois sans crainte, Eryn, pour l'instant, il faudrait juste que tu nous laisses seuls, M. Enwel et moi-même. Nous devons discuter.

  – Dans les écuries ?

  La pauvre Eryn avait l'air vraiment confuse. Elle posa sa fourche, se gratta la tête. Synolab tira mentalement sur le fil de sa pensée ; l'Espion était tout près. Il fallait se dépêcher.

  – Etoye, Eryn. Je suis sûr que Mme Marlpe serait d'accord pour que vous alliez vous restaurer, fit-il.

  Telia lui jeta un regard noir. Elle détestait qu'on prenne des décisions à sa place.

  – Vraiment ?

  – Oui, oui, vas-y. Tu pourras revenir quand je sortirai d'ici.

  La palefrenière, tout heureuse de pouvoir faire une pause, s'empressa de quitter les écuries, sans oublier de remercier Telia, et allant jusqu'à demander aux dieux de protéger une si bonne patronne.

  – Va te cacher, dit alors Synolab à Telia.

  Tandis que celle-ci soulevait ses jupes beiges, allant vers le fond des écuries, il s'empressa de se mettre en hauteur, plus exactement sur une poutre, tout prêt à attaquer l'Espion. Il décontracta ses muscles, tout en restant sur ses gardes. Il patienta, cessa de respirer quand la silhouette de l'Espion pénétra doucement et prudemment dans les écuries.

  En moins d'une seconde, très professionnel, il se dissimula dans l'ombre de la porte. Synolab observa la scène sans bouger. Mais il se doutait que leur poursuivant ferait de même s'il ne savait pas où chercher. Discrètement, il prit un clou rouillé qui se trouvait sur la poutre, avant de le jeter en direction du box de la jument de Telia.

  L'attention de l'Espion se dirigea par là lorsque le cheval hennit de protestation. Il observa les alentours, se glissa avec lenteur vers le box. Synolab devait bien l'avouer : il avait une très bonne technique, voire même excellente, mais lui-même en avait une meilleure.

  Finalement, il se décida quand même à prendre son poignard et, quand l'Espion passa en dessous de sa poutre, il se laissa tomber lestement. L'Espion se retourna vivement, mais avant qu'il ne réagisse, Synolab abattit le manche de son poignard pour le frapper avec précision, et l'assommer.

  L'Espion s'écroula par terre. Telia, en entendant tout ce bruit, sortit de sa cachette, et lâcha un hoquet de choc, tandis que Synolab tirait l'Espion pour l'enfermer dans la pièce où elle s'était cachée.

  Satisfait, il se retourna vers Telia.

  – Là. Maintenant, on va pouvoir l'interroger sur ce qu'il te veut. Je pense que tu n'es plus en danger.

  – Idiot, fit-elle en le frappant à l'arrière de la tête. C'était pour toi que j'avais le plus peur. À force de me protéger, je suis certaine qu'il y a beaucoup de personnes qui veulent ta mort. À mon avis, tu es tout autant une cible à éliminer que moi-même.

  Synolab cacha de justesse sa surprise en entendant l'émotion dans sa voix ordinairement froide. Il en oublia même momentanément l'Espion enfermé. Il ne s'attendait pas à cela. Certes, ils étaient amants, mais il ne pensait pas qu'elle tenait à ce point à lui. Il n'était pas quelqu'un de particulièrement attachant.

  Adouci, il lui sourit pour la rassurer.

  – Ce n'est pas aujourd'hui qu'un Espion me fera du mal, Telia. J'en ai croisé pas mal, dans ma vie. Et sans grande surprise, j'en suis toujours ressorti entier. Je ne sais si on peut dire de même pour eux. Allez, allons voir ce prisonnier.

  Elle soupira, mais décroisa les bras, montrant ainsi qu'elle ne lui en voulait pas. Synolab pénétra dans la pièce, suivi par Telia, une corde à la main. Alors que l'Espion était inconscient, il l'attacha.

  – Est-ce nécessaire ? demanda Telia lorsqu'il baffa l'Espion.

  – Non, mais bon, cela soulage.

  Il força l'Espion à se réveiller, et quand celui-ci refit surface, ce fut avec un gémissement de douleur. Ce n'était pas un jeune ; il devait bien avoir cinquante ans. Il voulut porter sa main à sa tête, mais réalisa qu'il était attaché. Il fusilla alors du regard – il avait deux yeux dorés très impressionnants, il fallait bien le reconnaître – ses geôliers.

  – Ahu, Espion, fit Synolab, accroupi juste en face. Je pense que nous savons tous les deux qu'il serait plus agréable pour toi de coopérer. Donc, donne-moi ton nom. Et après, j'aimerai savoir ce que tu voulais à madame la maire.

  Il ne passait jamais par quatre chemins, autant aller droit au but.

  – Les Assassins ne savent pas torturer, ricana l'Espion. Tu crois vraiment que tu me fais peur, Assassin ? Alors tu te trompes lourdement !

  Synolab lui offrit son plus beau rictus cruel. Il n'était pas idiot – malgré ce qu'avait dit Telia – il se doutait bien que les Espions étaient entraînés à ne rien dire s'ils étaient capturés. Une torture physique ne lui ferait rien du tout.

  Il joua distraitement avec son arme. Puis, sournoisement, il se glissa dans son esprit une nouvelle fois. Et, comme on lui avait apprit, il fit croire à l'Espion qu'il avait mal, très mal. Il s'agissait d'une technique compliquée, très fatigante, mais il la maîtrisait.

  L'Espion, surpris par cette douleur soudaine et invisible, sursauta, avant de frapper sa tête contre le pilier derrière lui, comme pour chasser le mal.

  – Syn ! C'est interdit ! s'offusqua Telia en comprenant ce qu'il faisait.

  – Nuance ; c'est interdit lorsqu'il n'y a aucun danger immédiat. Un Espion est toujours un danger immédiat.

  Il garda son sang-froid, se fit insensible, tandis qu'elle grommelait.

  – Ton nom, Espion, ordonna-t-il.

  – Syn...

  – Pas maintenant ! aboya-t-il sans quitter des yeux son prisonnier.

  Il réalisa inconsciemment que ce n'était pas son genre, de crier ainsi. Mais plus il fixait l'Espion, plus il ressentait une haine viscérale envers lui et tous ses semblables. Il se souvenait des cris de douleur de sa mère, qu'il avait entendu en rentrant chez eux, un jour. Le temps qu'il arrive, elle avait rendu son dernier souffle, et lui, plus pique-rouge que jamais, il s'était retenue de tuer de justesse l'Espionne qu'il avait trouvé devant son cadavre.

  Après, il s'était bien vengé, lui faisant payer tout ce que les Espions avaient fait à sa mère, et à Peryl, son frère aîné, aussi mort sous la lame de cette Espionne.

  S'il le pouvait, il les exterminerait.

  L'Espion tenta de lui cracher dessus, mais en voyant son regard, encore plus dur et illisible que d'ordinaire, et en sentant la douleur poindre de nouveau, il avoua à grand peine :

  – Rat ! Mon nom d'Espion est Rat !

  – Tu vois, quand tu veux.

  Synolab tapota sur la tête de Rat, comme on le faisait à un chien. Donner de l'espoir était le meilleur moyen de récolter des informations, car la victime, persuadée qu'elle s'en sortirait si elle coopérait, parlait plus facilement.

  – Et sinon, dis-moi, pourquoi suivais-tu mon amie Telia Marlpe ici présente ?

  Celle-ci claqua la langue contre son palet. L'Espion serra les lèvres. Ce devait être la première fois qu'il se faisait prendre au piège. Synolab fronça les sourcils face à ce silence, puis soupira, dramatiquement.

  – Tu ne me laisses pas le choix, Espion.

  Avant même que celui-ci ait le temps de protester, Synolab instilla la douleur. Il y avait plusieurs niveaux de douleur. Il les avait déjà toutes testé, lorsqu'il était apprenti Assassin, car les apprentis se devaient de savoir ce que ressentait leur victime. Ainsi, il comprenait le cri de bête blessée de Rat.

  – Alors, tu veux toujours garder le silence ?

  Des larmes perlaient aux coins des yeux de l'Espion. Il résistait vraiment bien. À ce niveau de douleur, la première fois, Synolab s'était roulé à terre, et pleurait toutes les larmes de son corps, en hurlant de l'achever.

  Il avait toujours été un peu mélodramatique sur les bords.

  Rat se taisait toujours. Synolab changea de technique.

  – Allons bon, tu as bien une famille, non ?

  L'Espion tressaillit. Synolab, s'étant glissé dans les pensées directes de Rat, perçut clairement trois prénoms. Son sourire sadique reprit place sur ses lèvres.

  – Ada, cela doit être le diminutif d'Adalagie, non ? Ton épouse ? Non. Ta compagne ? Etoye, c'est cela. Donc je suppose que Bery et Sal – certainement pour Beryna et Saleann – sont tes filles.

  – Pas touche à ma famille, Assassin, cracha Rat.

  – Si tu parles, il n'arrivera rien à Adalagie, Beryna et Saleann.

  L'Espion réfléchit. Il ne voulait pas trahir ses compagnons, mais il ne voulait pas sacrifier les personnes qu'il aimait pour eux non plus. Sa loyauté allait d'abord à sa famille, et ensuite à sa confrérie.

  – C'est pas elle que je suivais, avoua-t-il enfin avec un mouvement de tête vers Telia. C'était toi. Je devais récolter le plus d'informations possibles sur toi. C'est tout. Maintenant, laisse-moi partir, et promets-moi que tu toucheras pas à ma famille.

  – Parce que tu crois que j'en ai fini avec toi ? Tu te trompes lourdement !

  Synolab connaissait désormais la raison de la venue de Rat. Maintenant, il allait se faire le plaisir de lui extorquer le lieu où il vivait, pour ensuite détruire ce nid de vipères.

  Le regard de Telia pesa dans son dos. Il savait qu'il était réprobateur. S'il dépassait les limites – ce qui risquait d'arriver – elle lui en voudrait. L'Espion se releva autant qu'il le put, défia Synolab du regard.

  – J'accepte de répondre à tes questions, à une seule condition : tu signes un papier dans lequel tu t'engages à laisser ma famille en paix, sissi ? Je veux ce contrat, qui a plus de valeur que ta parole.

  Synolab fit tourner distraitement son poignard. Que perdait-il à faire cela ? En réalité, il se fichait bien de ces trois femmes. Il ne savait même pas où se trouvait le repaire des Espions – on disait qu'ils étaient d'Opaltys, mais après tout, cela pouvait être un mensonge. Enfin, pas encore. Si ces femmes se trouvaient là-haut quand il aurait obtenu l'information, eh bien tant pis pour elle. Un Espion restait un Espion.

  Heureusement que Rat ne lui demandait pas sa parole. Pour le coup, Synolab lui donnait plus de valeur qu'à un bout de papier qui pouvait malencontreusement disparaître.

  Il dévisagea l'Espion. Il l'avait ficelé, et jeté ses armes dans un coin, bien trop loin de lui. S'il s'absentait, il ne représenterait pas une menace.

  – Etoye, je vais chercher cela. Telia, fit-il en se relevant et en se tournant vers elle, je te laisse mon poignard ; si jamais il fait un geste suspect, n'hésite pas à te défendre.

  Elle se contenta d'acquiescer, l'air sombre. Elle le suivit du regard, tandis qu'il sortait de la pièce, allant chercher papier et encre pour faire ce maudit contrat.

  Cependant, il atteignait tout juste la sortie des écuries, quand il entendit un cri. Vivement, il se retourna, courut pour retourner dans la pièce.

  – Telia ! s'écria-t-il, ayant reconnu sa voix.

  Il dut ciller plusieurs fois en arrivant, pour assimiler la scène. Telia, une main pleine de sang sur la bouche, les yeux grands ouverts, fixait le poignard qu'elle tenait, et avec lequel elle venait de trancher la gorge de Rat. Celui-ci, face contre terre, ne bougeait plus, mort. Une flaque de sang s'étalait. Au niveau du pilier où il avait été attaché, les cordes l'emprisonnant étaient défaites.

  Synolab ne s'était même pas rendu compte qu'il était libre. Il ne l'avait pas vu s'agiter pour défaire ses liens, et il l'avait gravement sous-estimé. Il était vraiment rouillé, et cela l'inquiéta. Il allait devoir changer cela.

  Rat se fichait bien du contrat ; il voulait l'éloigner, pour s'échapper. Il ne s'attendait pas à ce que Telia l'attaque.

  – Telia, fit-il simplement, regarde-moi.

  Pas la peine de lui demander si elle allait bien : il était clair que ce n'était pas le cas. En tuant l'Espion, le sang avait giclé, tâchant sa robe beige. Ses yeux ne lâchaient pas le cadavre.

  Synolab l'attrapa pas les épaules, ne faisant pas attention au sang. Même l'odeur ne le dérangeait pas. Il y était trop habitué. Cependant, Telia, la noble Telia, froide en apparence, mais fragile au fond, était en état de choc.

  – Telia, répéta-t-il en la forçant à s'éloigner. Ce n'est pas de ta faute, c'est la mienne. Je n'ai pas fait attention. Tu n'y es pour rien. Il allait te faire du mal, il fallait que tu te défendes. Ce n'était pas quelqu'un de bien. C'est un accident.

  Un hoquet lui répondit. Doucement, Telia releva les yeux vers lui. Puis elle craqua, éclata en sanglots, en s'effondrant. Il la rattrapa, et la serra fort contre-lui, pour lui montrer qu'il était là, avec elle.

  – Il avait deux filles, Syn. Je viens de rendre deux filles orphelines de leur père. Je suis horrible, sanglota-t-elle.

  Il la comprenait. Elle était elle-même orpheline. Cela la touchait énormément.

  – Viens. Tu n'as rien fait. Tu n'es pas fautive.

  – Mais qu'allons-nous faire ?

  Il réfléchit à toute allure. Intérieurement, il grimaça, comprenant qu'il allait devoir mentir pour protéger Telia. Quoique, ce n'était pas vraiment un mensonge, en soi. Il l'aurait tué lui-même, cet Espion.

  – Déjà, on va brûler le corps – je crois que les Espions font comme cela. Tuer un Espion, si on l'a capturé, n'est pas un crime puni par la loi. Je vais m'occuper de tout. Je vais envoyer les cendres à Opaltys, à l'Opale. Avec un peu de chance, Arysia Taureau doit bien savoir où résident les Espions. Je vais y joindre une lettre. Telia, écoute-moi bien : c'est moi qui ai tué cet Espion. Il faut aussi penser à ta réputation. Tu ne peux pas avoir de sang sur les mains ; tu es la maire d'Amrynen. Pour moi, ce n'est pas un problème : tout le monde sait que j'ai été Assassin. Tu comprends ?

  Elle acquiesça, toujours contre-lui. Synolab soupira, la joue posée contre le haut du crâne de Telia, jeta un regard au cadavre.

  Cela avait perdu l'eau : rien ne s'était passé comme prévu.
___
Publié le 21/08/2021

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