Chapitre 57 - Le Sealgair

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Un matin d'octobre, je restai clouée au lit, prise de violentes nausées à mon réveil. Je maudis June qui avait insisté la veille pour me préparer un repas après une longue journée à trier des legos pour le compte du professeur Gelert.

Je ne pourrais plus jamais regarder un plat de champignons de la même manière.

J'eus tout juste la force d'envoyer un hibou à mon patron avant de me recoucher. Ma mère passa me voir dans l'après-midi pour m'apporter une potion anti-nausées et me recommanda par la même occasion d'essayer de manger de la glace à la vanille ou une banane.

– Ça fait arrêter les vomissements ? m'étonnai-je.

– Non, ça atténue le goût.

Elle me borda comme lorsque j'étais une petite fille et je me sentis aussitôt bien. C'était réconfortant de savoir que ma maman veillait toujours sur moi.

J'allais mieux dans l'après-midi et trouvai refuge sur le canapé, où je zappai toutes les chaînes de la télé, avant d'arrêter mon choix sur la rediffusion d'un épisode d'Hercule Poirot.

Je dus m'endormir, car June me secoua l'épaule. Elle passa une main fraîche sur mon front et s'enquit de ma santé.

– Rappelle-moi de t'interdire dorénavant l'accès de la cuisine, ronchonnai-je.

Je retournai travailler le lendemain, toujours en étant un peu barbouillée. Le professeur Gelert me laissa à peine le temps de retirer mon écharpe qu'il me demanda d'assurer la visite du musée à un groupe de sorciers du troisième âge.

– Où allez-vous ? m'enquis-je.

– À une brocante dans le Sussex ! s'exclama-t-il d'un ton joyeux.

– Par pitié, ne ramenez pas une nouvelle machine à laver, le suppliai-je, je ne sais plus quoi faire des autres !

Il hocha la tête, mais j'étais prête à parier un gallion qu'il ne m'avait pas écoutée.

– Je serai de retour ce soir. Vous êtes sûre que vous allez bien mon petit ? Je vous trouve bien pâlotte. N'allez pas tomber malade sur ma moquette, elle est toute neuve !

– Promis, le rassurai-je. Passez une bonne journée, professeur.

Mon petit groupe de retraités m'attendait pour la visite. Ils furent absolument charmants, bien que très curieux. Il me fallut user de toute ma patience pour leur expliquer le fonctionnement d'une machine à coudre — et par extension de l'électricité.

Je ne me sentais cependant toujours pas très bien les jours suivants et une évidence s'insinua lentement en moi. Je partis alors dans des calculs dignes des plus grands arithmanciens et une angoisse sourde s'empara de moi.

Je finis par demander conseil à ma mère lors du week-end que je passai chez mes parents :

– Maman, demandai-je tandis que j'essuyais l'assiette qu'elle venait de laver. Comment pourrais-je savoir que... que j'attends un enfant ?

Ma mère faillit lâcher le plat à gratin dans l'évier et me regarda, les yeux écarquillés de stupeur. Je me sentis rougir, comme prise en faute.

– Oh, ma poupette ! finit-elle par dire.

– Je ne suis sûre de rien, mais je me sens toute drôle ces temps-ci...

Maman retira ses gants en caoutchouc et me caressa doucement la joue. Son regard était embué de larmes.

– J'oublie souvent que tu n'es plus ma petite fille... Que tu es une jeune femme maintenant ! Très bien. Toi et moi irons à la pharmacie cet après-midi et je te prendrai un test de grossesse.

Pensées Pittoresques d'une PoufsouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant